21/12/17

Frais de justice : l’équilibre difficile entre sécurité et austérité

Les interprètes et traducteurs judiciaires sont un maillon important dans une instruction

Les interprètes et traducteurs sont importants dans les procédures pénales pour garantir les droits de la défense. Ils sont aussi un maillon important dans les instructions et les enquêtes : sans eux, il n’y aurait pas d’auditions de suspects et victimes qui parlent une autre langue, ou pas d’échange de demandes d’entraide judiciaire avec l’étranger.
 

La criminalité ne se limite pas aux horaires de bureau

Dans les écoutes téléphoniques dans le cadre d’instructions, le rôle des interprètes et des traducteurs est aussi souvent déterminant. Ce n’est pas par hasard que les semaines passées, les enquêteurs de la police fédérale judiciaire de Bruxelles ont anonymement fait appel à la presse à plusieurs reprises. Par peur de ne pas être payés (correctement) pour les prestations pendant le weekend, et suite à l’austérité dans la Justice, les interprètes des écoutes téléphoniques, se présentent de moins et moins dans les locaux d’écoutes pendant le weekend. Or, la criminalité ne se limite pas aux horaires de bureau. Attendu que les bandes qui ont Bruxelles comme base, ne limitent pas leur terrain d’action à la capitale, la mise en œuvre limitée d’interprètes pour les écoutes téléphoniques, pour des raisons purement budgétaires, pourrait avoir également des conséquences néfastes pour la sécurité des citoyens dans les autres provinces.


Des besoins accrus

Les chiffres et faits objectifs recueillis par l’Union professionnelle des traducteurs et interprètes assermentés (UPTIA) démontrent que le besoin de traducteurs et interprètes en procédures pénales n’a cessé d’augmenter au cours des trois années coulées :

  • Les statistiques relatives aux condamnations révèlent que pendant la période 2014-2016 le nombre de condamnés étrangers a augmenté de presque 30% : en 2016 ont été registrées 38.810 condamnations d’étrangers (un nombre record), contre 32.884 en 2015 et 29.885 en 2014. Depuis 2013, le pourcentage de non-Belges parmi les condamnés s’élève annuellement à plus de 20%.

  • Les chiffres fournis par le Ministre de la Justice Koen Geens, lors de sa réponse à une question parlementaire, montrent que le nombre d’écoutes téléphoniques a fortement augmenté au cours des dernières trois années : 5.707 interceptions en 2014, 6.292 en 2015 et 7.109 en 2016. Cela fait une hausse de presque 25%.

  • Le Ministre de la Justice Koen Geens a signalé qu’il prépare actuellement un projet de loi permettant l’emploi de méthodes particulières de recherche, dont les écoutes téléphoniques, pour des condamnés en fuite. Ce qui générera sans aucun doute du travail supplémentaire pour les interprètes des écoutes téléphoniques.

  • Le 1 juin 2017, la loi du 28 octobre 2016 est entrée en vigueur. Cette loi prévoit de donner aux suspects, aux personnes poursuivies, aux condamnés et aux victimes de langue étrangère une traduction dans une langue qu’ils comprennent des éléments du dossier pénal qui sont essentiels à leur droit de défense et à leur droit à un procès équitable. Cela génère du travail supplémentaire au niveau des traductions urgentes des mandats d’arrêt, ordonnances, jugements et arrêts.
     

L’UPTIA insiste pour que l’indexation des honoraires soit effectivement appliquée

Vu la hausse indéniable du nombre de missions pour les interprètes et les traducteurs jurés, due à l’internationalisation de la société et de la criminalité, l’augmentation manifeste du nombre d’écoutes téléphoniques et la nouvelle législation, il est naïf des autorités de penser que tout ceci est possible sans une augmentation proportionnelle du budget. L’Union professionnelle des traducteurs et interprètes assermentés (UPTIA) insiste en tout cas pour que l’indexation prévue par la loi des honoraires des traducteurs et interprètes en matière répressive, soit effectivement appliquée au début de la nouvelle année.

Depuis 2014, il n’y a plus eu d’indexations. Comme raison, on a invoqué les restrictions budgétaires. L'article 148 du Règlement général sur les frais de justice en matière répressive stipule cependant clairement que les sommes fixées sont liées 1er janvier de chaque année aux fluctuations de l'indice des prix à la consommation.

Le Ministre Geens a indiqué être conscient du problème, mais de n’avoir pas eu d’écho positif tant auprès de l’Inspecteur des Finances que de la Ministre du Budget. L’UPTIA espère que la promesse récente du Ministre de continuer à plaider dans le gouvernement pour l’indexation prévue par la loi, apportera des résultats concrets en 2018.
 

Le budget pour 2018 : diminution pour les frais de justice, augmentation pour l'assistance juridique

Du projet de budget général des dépenses pour 2018 du SPF Justice, l’UPTIA a pu déduire que le montant global pour les frais de justice prévu dans le budget pour 2018 a légèrement diminué, pour atteindre les 76,8 millions d’euros. Néanmoins, il y a deux ans, le médiateur fédéral est parvenu à la conclusion qu’il existait une sous-budgétisation structurelle des frais de justice. Cette instance indépendante et impartiale a alors formulé la recommandation de dégager des moyens financiers suffisants pour que les frais de justice puissent être payés à temps.

En 2016, encore 106,2 millions d’euros ont été dépensés aux frais de justice. La plus grande part de cela a été consacrée aux paiements de factures arriérées des opérateurs de télécommunications. En 2016, une somme de 22,9 millions d’euros a été payée aux traducteurs et interprètes. L’UPTIA a également constaté qu’en 2018 seulement 16 millions d’euros de moyens supplémentaires seront disponibles pour les frais de justice à l’intérieur de l’enveloppe de la provision pour la lutte contre le terrorisme. L’an dernier, le montant dégagé pour cela s’élevait encore à 23,4 millions d’euros. Cette baisse énorme de plus de 30% est fortement regrettable. Il est en effet indéniable que la mise en œuvre des interprètes pour les écoutes téléphoniques dans le cadre de la lutte contre le terrorisme est cruciale et que le volume de ce type de traductions a augmenté considérablement les dernières années.

L’UPTIA constate, d’autre part, que pour les droits de la défense des moyens financiers peuvent quand même être trouvés : l’année prochaine, le budget pour l’assistance juridique (les avocats commis d’office) augmentera en effet substantiellement pour atteindre les 118,6 millions d’euros, soit une augmentation de 28,5 millions d’euros. 

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