23/03/16

Licenciement ou écartement d'un conseiller en prévention interne : soyez vigilants!

Tout employeur a l'obligation de créer un service interne pour la prévention et la protection au travail («SIPP»), qui doit disposer d'au moins un conseiller en prévention. Dans les entreprises de moins de 20 travailleurs, l’employeur lui-même peut exercer cette fonction. La tâche du conseiller en prévention interne consiste principalement à assister l'employeur lors de la mise en œuvre des mesures de prévention ayant trait au bien-être des travailleurs. Il constitue également un point de contact pour le service externe de prévention.

Afin qu’ils puissent exercer leur fonction en toute indépendance, la loi du 20 décembre 2002 protège les conseillers en prévention contre le licenciement et l’écartement. Un employeur ne peut donclicencier un conseiller en prévention ou l'écarter de sa fonction que:

  • Pour des motifs qui sont étrangers à son indépendance ou pour des motifs qui démontrent qu'il est incompétent à exercer ses missions; et,
  • Moyennant le respect d’une procédure préalable. En résumé, avant de licencier ou écarter un conseiller en prévention, l’employeur doit:
  • communiquer au conseiller en prévention concerné, par lettre recommandée, les motifs pour lesquels il veut mettre fin au contrat ainsi que la preuve de ces motifs;
  • et simultanément, demander, par lettre recommandée, l'accord préalable du/descomité(s) pour la prévention et la protection au travail (CPPT) (à défaut deCPPT, de la délégation syndicale, à défaut de délégation syndicale, des travailleurs eux-mêmes).

L'employeur qui ne respecte pas cette procédure ou qui invoque des motifs qui ne sont pas acceptés, doit payer une indemnité de protection égale à 2 ou 3 ans de rémunération selon que le conseiller en prévention compte moins ou plus de 15 ans de prestations en cette qualité. 

La procédure prévue par la loi ne s’applique pas dans certains cas, notamment en cas de licenciement pour motif grave. Le tribunal pourra toutefois rejeter le motif grave. Dans ce cas, le conseiller en prévention n’a pas automatiquement droit à l’indemnité de protection. Cette dernière ne lui sera octroyée que si les motifs de son licenciement ne sont pas étrangers à son indépendance ou si l’employeur ne parvient pas à prouver les motifs démontrant son incompétence.

Si le conseiller en prévention exerce, outre cette fonction, une autre fonction auprès de l'employeur (ce qui est souvent le cas dans les PME), l’indemnité sera réduite en proportion de la durée pendant laquelle l'intéressé a exercé des prestations en tant que conseiller en prévention. Toute la difficulté sera toutefois de déterminer et de prouver cette proportion.

Licencier un conseiller en prévention ou l’écarter sans respecter les conditions légales peut donc coûter très cher. Or, nous observons que beaucoup d’employeurs ignorent l’existence et l’enjeu de cette protection.

To do

Pour éviter ou réduire la coûteuse indemnité de protection, nous vous recommandons d’observer quelques bonnes pratiques.

Si vous envisagez de licencier pour motif grave un conseiller en prévention, réfléchissez-y à deux fois.

  • Respectez scrupuleusement la procédure préalable au licenciement ou à l’écartementet conservez des copies des documents prouvant que vous avez correctement suivi la procédure (lettres recommandées, procès-verbal du CPPT ou de la délégation syndicale).
  • La loi ne fait pas de distinction entre le conseiller en prévention et son remplaçant/adjoint.Soyez donc tout aussi prudent même s’il ne s’agit pas de votre conseiller en prévention «principal».
  • L’organigramme de votre entreprise devrait clairement indiquer le(s) conseiller(s) en prévention et, le cas échéant, leurs autres fonctions. Le règlement de travail doit également énumérer les conseillers en prévention.
  • Si votre conseiller en prévention exerce également une autre fonction, veillez à bien distinguer sa fonction de conseiller en prévention de ses autres fonctions. Dans ce cas, il est également utile de formaliser la répartition des tâches au moyen de certains documents:
  • (Avenant au) contrat de travail. Vous pouvez prévoir dans le contrat de travail une clause indiquant le pourcentage d’occupation comme conseiller en prévention. Si le conseiller en prévention est déjà en service, vous pouvez signer un avenant.
  • Veillez à la rédaction correcte de certains documents comme le PV de la réunion du CPPT ou de la délégation syndicale relative à la désignation du conseiller en prévention ou encore le rapport annuel du SIPP.
  • Description/dénomination des fonctions. Les différentes fonctions du conseiller en prévention devraient être dénommées, décrites et distinguées de manière claire. Evitez les termes trop vagues (ex: «compliance») ou qui pourraient laisser penser que l’ensemble des tâches du travailleur concerne en fait la prévention, la sécurité, l’hygiène, etc (ex: «QHSE Manager»). Réservez la notion juridique de «conseiller en prévention» pour ce qui concerne ce mandat et choisissez une toute autre dénomination pour le reste des tâches.
  • En cas de modification (ex: diminution de la durée de l’occupation comme conseiller en prévention), veillez à adapter les documents.
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