26/02/16

L’affaire Fortum: aucune substance spécifique requise pour la déduction des intérêts notionnels

La déduction des intérêts notionnels en Belgique (DIN) a été introduite en 2005 pour enrayer la discrimination fiscale entre le financement par fonds empruntés (déductible) et le financement parfonds propres (non déductible) des entreprises. Depuis l'exercice d'imposition 2006, les sociétés résidentes belges et les établissements belges de sociétés étrangères soumises à l’impôt des non-résidents peuvent réduire leur base imposable à l’impôt des sociétés en déduisant le coût d’un intérêt fictif correspondant à un pourcentage du montant des fonds propres comptables (ajusté) des entreprises.

Le taux maximale de la DIN a été récemment fixé à 3%, et - plus particulièrement – limité pour 2016 à 1,131% (et 1,631% pour les petites et moyennes entreprises). La DIN a été un excellent outil de planification fiscale et de financement de l'entreprise, et reste jusqu'à ce jour l'un des principaux atouts fiscaux pour s’établir dans les affaires en Belgique. Le gouvernement belge a toujours activement promu le système de la DIN dans le monde entier par l’organisation de séminaires à l'étranger, par la distribution d'information positive, etc...

Ces dernières années, cependant, l'administration fiscale belge a contesté plusieurs cas dans lesquels les multinationales bénéficiaires d'une DIN substantielle, n’étaient pas en mesure de prouver l’existence d’une substance économique ou organisationnelle suffisante en Belgique dans le chef de leur filiale belge ou de leur établissement stable belge afin de bénéficier de la DIN.

Heureusement, en début 2016, la Cour d'appel d'Anvers a rendu son jugement en faveur de la société de financement du géant finlandais de l'énergie Fortum, en jugeant que l'application de la DIN belge ne nécessite pas la présence d’une substance spécifique en Belgique (autre que la substance ordinaire prévue par la législation fiscale belge).

Depuis 2008, Fortum détient une société de financement en Belgique dont le seul actif est une créance sur une autre entité du groupe. La société belge de Fortum loue un espace de bureau en Belgique, mais n’y dispose ni d’une direction ni de personnel. L'administration fiscale belge estime que ces dernières situations manquent de substance, et aboutissent à la présence d'un avantage «anormal ou bénévole», ce qui signifie que les intérêts perçus sur la créance ne peuvent pas bénéficier de la DIN. 

En premier ressort, le Tribunal de première instance d'Anvers a tranché en faveur de l'administration fiscale et refuse l’utilisation de la DIN par la société belge de Fortum.

Fortum a interjeté appel de ce jugement devant la Cour d'appel d'Anvers et remporte son action. La Cour d'appel a émis un arrêt détaillé et a déclaré explicitement que la condition de substance économique imposée par l'administration fiscale ne constitue pas une obligation légale spécifique pour bénéficier de la DIN et ne peut dès lors pas être imposée au contribuable en tant que condition supplémentaire (même si une telle condition de substance est prévue par une circulaire administrative). La cour d'appel d'Anvers confirme un arrêt antérieur de la Cour d'appel de Liège de 2015, qui avait également tranché en faveur du contribuable dans une affaire similaire.

Ce dernier arrêt est clairement une aubaine pour plusieurs multinationales détenant leurs activités de financement intragroupe ou des centres de trésorerie en Belgique!

Cette jurisprudence récente de la Cour d'appel d'Anvers et de la Cour d'appel de Liège est un signal positif et confirme que toute société belge ou établissement stable belge qui observe les exigences légales normalement requises pour appliquer la DIN, devraient être effectivement en droit d’en bénéficier sans être soumis à des exigences particulières de "substance".

La conclusion sur l'application de la DIN pourrait se révéler différente uniquement dans les cas dans lesquels il apparaît manifeste que la société ou l’établissement stable dispose de si peu de substance économique et organisationnelle que l'on puisse raisonnablement se demander s’il s’agit réellement d’une société ou d’un établissement stable. Néanmoins, une telle conclusion signifierait également que l'administration fiscale belge ne serait pas autorisée à imposer les revenus de la société ou de l’établissement, lesquels seraient réputés ne pas être présents en Belgique.

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