07/12/22

La Belgique risque de perdre sa place dans le peloton de tête des terres d’accueil des holdings…

Le gouvernement entend écorner notre régime fiscal des holdings. En cas d’adoption des mesures qui sont actuellement sur la table, en particulier l’ajout d’une condition d’immobilisation financière et le rejet de la déduction des charges de financement, il est à craindre que la Belgique perdra sa place dans le peloton de tête des terres d’accueil des holdings…

Notre régime fiscal des holdings est devenu, à la faveur de la réforme de l’impôt des sociétés entrée en vigueur en 2018, l’un des plus attrayants au sein de l’Union européenne. La Belgique rivalise dans ce domaine avec ses deux principaux concurrents, les Pays-Bas et le Luxembourg. Ceci explique pourquoi la Belgique est une juridiction fort prisée par les multinationales ou les riches familles pour l’établissement de leur holding. 

Mais la donne pourrait fort bien changer… 

Le gouvernement a chargé le ministre des Finances de préparer une première série de mesures s’inscrivant dans le cadre de la « réforme fiscale plus large ». Pour financer l'augmentation de la quotité exonérée à l'impôt des personnes physiques, le ministre propose de supprimer un certain nombre de niches fiscales. Il entend notamment durcir le régime des « revenus définitivement taxés » (RDT), ce qui permettrait de renflouer les caisses de l’Etat à hauteur de pas moins de 750 millions euros en rythme de croisière !

Ajout d’une condition d’immobilisation financière

A l’heure actuelle, les dividendes recueillis par une société (holding) peuvent être déductibles à 100%  à l’impôt des sociétés à certaines conditions (régime des RDT). On épinglera en particulier la condition de participation minimale : la société-actionnaire doit détenir une participation de 10% dans le capital de sa filiale ou une participation dont la valeur d'investissement excède 2.500.000 euros. Ce sont des critères alternatifs. Les plus-values sur actions peuvent être exonérées aux mêmes conditions. Le ministre des Finances entend à présent assortir le seuil de participation minimale de 2.500.000 d’euros d’une nouvelle condition : la comptabilisation de la participation au titre d’« immobilisation financière ». 

Cette mesure pourrait toucher en plein cœur de nombreuses holdings patrimoniales (détenues par des familles fortunées), qui investissent dans des portefeuilles d’actions cotées composés de lignes d’investissements de plus de 2.500.000 euros. En effet, un paquet d’actions dans une société cotée (ne représentant par hypothèse par 10% du capital) atteignant plusieurs millions d’euros pourrait parfaitement se voir refuser la qualification d’immobilisation financière, dès lors qu’elle ne confèrerait pas de « lien durable et spécifique » ou ne permettrait pas de développer l’activité propre de la société holding. 

Exemple : une participation de 10.000.000 euros dans AB InBev ne devrait généralement pas constituer une « immobilisation financière », mais un simple « placement de trésorerie ». Les dividendes et les plus-values sur actions pourraient ainsi être pleinement soumis à l’impôt des sociétés, au taux de 25% !

Rejet de la déduction des charges de financement 

A l’heure actuelle, la législation fiscale belge admet en principe la déduction d’intérêts d’emprunts destinés à acquérir des actions, même lorsqu’un lien direct peut être établi entre les intérêts et les dividendes (déductibles à 100% grâce au régime RDT) ou les plus-values sur actions (exonérées). La possibilité de déduire le montant réel des frais supportés pour l’acquisition de participations fait le bonheur des sociétés holdings "mixtes", lesquelles sont en mesure de déduire leurs charges de financement de leurs revenus imposables (intérêts, redevances, management fees…). La Belgique se distingue à cet égard notamment de son voisin luxembourgeois, qui interdit la déduction des charges de financement à hauteur des dividendes recueillis et qui connaît une règle de "recapture" lors de la réalisation de plus-values sur actions (taxation de la plus-value à concurrence des frais de financement qui ont diminué la base imposable de la holding). Coup de tonnerre : le ministre entend à présent supprimer la déduction des charges financières liées à l’acquisition, la détention et la cession d’actions. 

S'il n'y a pas encore d'accord politique à ce stade, il est vraisemblable que les mesures qui sont sur la table feront l'objet d'un consensus au sein du gouvernement... A suivre...

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