17/03/20

Alcool au travail : comment réagir ?

De nombreux employeurs sont confrontés à l’ivresse et à la consommation de boissons alcoolisées au travail. Nous abordons les questions les plus récurrentes liées à cette problématique.

La consommation excessive d’alcool ne provoque pas uniquement des difficultés dans la vie privée. En effet, elle peut également causer des problèmes sur le lieu de travail.

D’une part, cela peut porter atteinte à la sécurité et à la santé des travailleurs. Or, l’employeur étant obligé de veiller à la sécurité et à la santé des travailleurs dans l’exécution de leur travail, cela peut avoir un impact sur sa responsabilité.

D’autre part, la consommation d’alcool peut mener à des absences des collaborateurs, et ainsi, augmenter la charge de travail de leurs collègues et perturber l’organisation du travail.

Ivresse ? Intoxication alcoolique ?

Avant toute chose, il est important de préciser que, d’après la Cour de cassation, seul l’état d’ivresse permet de justifier un licenciement pour motif grave. Une personne ivre est celle qui est à ce point sous l’influence de l’alcool qu’elle « n’a plus le contrôle permanent de ses actes ».

L’intoxication alcoolique vise la teneur en alcool dans le sang. Ce n’est que dans certaines circonstances qu’elle peut être un critère pertinent  pour justifier un motif grave. Ainsi, il est admis qu’un chauffeur en état d’intoxication alcoolique soit licencié pour motif grave étant donné le danger que constitue son comportement pour la circulation.

Pouvez-vous licencier un travailleur ivre pour motif grave ?

La consommation d’alcool sur le lieu de travail ne mène pas nécessairement à un licenciement pour motif grave. Les cours et tribunaux examinent les circonstances dans lesquelles l’imprégnation alcoolique s’est réalisée. Vous trouverez quelques exemples de cas concrets ci-après.

A valablement mené au motif grave, le fait de :

  • causer un accident de la circulation en état d’ivresse lors d’un déplacement privé avec une voiture de société ;
  • causer un accident de la circulation avec le camion de l’employeur en dehors des heures de travail pour le chauffeur de poids lourds en état d'ébriété ;
  • causer un accident de la circulation en dehors des heures de travail avec le véhicule de société pour le représentant de commerce en état d’ébriété qui avait déjà reçu plusieurs avertissements ;
  • s’absenter de manière répétée et sans justification en raison de la consommation d’alcool ;
  • se présenter au travail en état d’ébriété de manière répétée, et ce, malgré les avertissements déjà reçus.

N’a pas valablement mené au motif grave, le fait de :

  • s’absenter au travail en raison de la consommation d’alcool lorsqu’on ne peut démontrer que l’absence désorganise le service ;
  • être en état d’ébriété au cours d’une réception organisée par l’employeur et durant laquelle la consommation d’alcool est admise ;
  • arriver au travail en état d’ivresse lorsqu’il s’agit d’un fait isolé pour un travailleur ayant plusieurs années d’ancienneté et n’ayant jamais reçu d’avertissement ;
  • être en état d’ébriété à l’occasion d’un drink toléré par l’employeur et durant lequel la consommation d’alcool était autorisée.

Que retenir ?

La question du motif grave en cas d’ivresse doit être examinée au cas par cas, en tenant compte des circonstances entourant la consommation d’alcool. Ainsi, il sera parfois tenu compte de la culture d’entreprise, de l’ancienneté et de la fonction du travailleur. En outre, il semble que l’ivresse isolée ne constitue pas un motif grave s’il n’y a pas eu des avertissements préalables et si le service n’est pas désorganisé. Enfin, le caractère fautif de l’état d’ivresse est apprécié plus souplement lorsqu’il apparaît au cours d’une réception organisée ou tolérée par l’employeur et au cours de laquelle la consommation d’alcool est acceptée.

Il est en tout cas essentiel de fixer clairement les règles applicables au sein de votre entreprise dans votre règlement de travail.

Comment pouvez-vous mettre en place une politique concernant la consommation d’alcool sur le lieu de travail ?

Une politique préventive en matière d’alcool et de drogues est le moyen par excellence pour devancer de tels problèmes d’alcool et de drogues au travail, ou au moins empêcher que ces problèmes s’aggravent.

La CCT n°100 du CNT prévoit l’obligation pour les employeurs de doter d’une telle politique mettant l’accent sur une approche préventive du problème. Celle-ci repose sur 4 piliers :

  • prévention et information ;
  • règles applicables au sein de l’entreprise (“culture d’entreprise”) ;
  • procédures pour la prise en main du comportement problématique ;
  • assistance.

L’objectif est de prévenir les problèmes de fonctionnement à la suite de la consommation d'alcool et de drogues et de réagir de façon adéquate lorsqu'ils apparaissent quand même. Indirectement, cela permet également l’instauration d’une culture d’entreprise adéquate.

Les clients du Group S peuvent s’adresser à leur gestionnaire de dossier pour obtenir un modèle d'annexe au règlement de travail relative à la politique préventive en matière d’alcool et de drogues (Doc Generator 91109 > 91124). Il est recommandé d’impliquer le conseiller en prévention interne dans l’élaboration et la mise en œuvre de la politique en matière d’alcool.

Pouvez-vous (faire) faire des tests de dépistage d’alcool ?

Effectuer des tests de dépistage d’alcool représente une ingérence dans la vie privée du travailleur. Le recours à ce type de test est dès lors strictement encadré.

Pour le travailleur qui occupe une fonction à risque, les tests sont autorisés moyennant le respect de certaines conditions. En effet, il est nécessaire qu’en cas de test, les principes de finalité, de proportionnalité et de légalité soient respectés. Ainsi, ces tests peuvent uniquement être utilisés en vue de vérifier l'aptitude pour le travail. Ils doivent être suffisants, efficaces et ne pas être excessifs. Le règlement de travail doit contenir des règles précises quant à la nature des tests qui peuvent être pris, les travailleurs concernés, les conséquences des résultats,...

Pour le travailleur qui n’exerce pas une fonction à risque, les tests ne sont autorisés que moyennant son consentement exprès.

Quid de l’alcolock dans une voiture de société ?

Un travailleur peut avoir été condamné à rouler avec un alcolock dans son véhicule. L’employeur ne peut toutefois être contraint d’installer ce système dans les voitures de société. S’il accepte, l’installation de l’appareil se fera aux frais du travailleur. Il est préférable de régler toutes les questions pratiques liées à l’installation de cet appareil (frais, engagement du travailleur à ne pas utiliser son véhicule sans alcolock,...) dans la car policy afin d’éviter tout malentendu.

ISLAMI Lindiana - Legal consultant

dotted_texture