19/08/15

Violence morale exercée sur un travailleur: démission forcée?

Un travailleur est visé par des lettres de dénonciation portant sur une prétendue concurrence déloyale dans son chef au détriment de son employeur.

L’entreprise convoque alors son travailleur, sans l’informer de l’objet de l’entretien, et le place face à une alternative : soit il démissionne, soit il est licencié pour motif grave. Le travailleur signe la lettre de démission. Toutefois, dans les jours qui suivent, il dépose plainte contre l’entreprise et conteste la validité de la démission.

Dans un arrêt du 9 octobre 2014, la Cour du travail de Liège décide que l’employeur est à l’origine de la rupture irrégulière du contrat de travail, ayant usé de manœuvres pour contraindre le travailleur à démissionner. La rapidité de la contestation écarte la thèse d’une approbation implicite du travailleur quant à la démission.

1.

Un travailleur est employé au sein d’une entreprise depuis 26 ans.

Il fait l’objet de courriers de dénonciation émanant de personnes qui l’accusent d’exercer des activités de concurrence déloyale. Le travailleur est convoqué dans le bureau de l’administrateur délégué. Il signe alors une lettre de démission.

Cinq jours plus tard, il dépose plainte contre les responsables de l’entreprise et, au cours du même mois, adresse un courrier, par l’intermédiaire de son syndicat, pour contester la démission.

Il assigne finalement son ancien employeur devant les juridictions du travail.

2.

Tout d’abord, la Cour examine les motifs invoqués par l’employeur pour justifier un hypothétique licenciement pour motif grave, présenté au travailleur comme seule autre option possible à la démission. La Cour relève que le travailleur n’a jamais reçu d’avertissement. Les manquements professionnels pointés par l’employeur ne sont par ailleurs nullement démontrés. Aucun motif sérieux ne justifiait dès lors un licenciement pour motif grave.

3.

La Cour apprécie ensuite les circonstances dans lesquelles la démission a été donnée. Ici, le travailleur a été prévenu oralement de la tenue d’un entretien, sans être informé des points à l’ordre du jour. L’entretien sera même avancé dans la journée, à l’initiative de l’employeur, empêchant le travailleur d’organiser sa défense. La Cour relève que la lettre de démission est dactylographiée et rédigée « en termes juridiques », ce qui laisse penser que l’entreprise a, quant à elle, pris contact avec un avocat.

4.

Enfin, la Cour rejette la thèse d’une éventuelle approbation par le travailleur quant à la démission, au motif qu’il a déposé plainte seulement cinq jours après les faits et a consulté son organisation syndicale au cours du même mois.

Par conséquent, la Cour prononce la nullité de la démission, en raison de la violence morale exercée, sans laquelle le travailleur n’aurait jamais donné son consentement.

La Cour condamne l’entreprise, auteur de la rupture irrégulière du contrat de travail, au paiement d’une indemnité compensatoire de préavis égale à 26 mois de rémunération, soit un mois par année d’ancienneté entamée.

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