10/04/24

Transmission obligatoire concernant les marchés publics : êtes-vous prêts pour le 15 mars 2024?

Pour le 15 mars 2024 au plus tard, les adjudicateurs sont tenus de transmettre certaines données statistiques sur les marchés publics qu'ils ont attribués au cours de la période 2021 - 2023 et dont le montant est inférieur aux seuils fixés pour la publicité européenne. Ces données seront incluses dans les statistiques triennales que le gouvernement fédéral doit soumettre à la Commission européenne. Pour s'assurer que les adjudicateurs fassent le nécessaire, un autre appel en ce sens du SPF Chancellerie du Premier ministre a été publié au Moniteur belge le 5 février.

Que signifie concrètement cette obligation ? Des sanctions sont-elles prévues ? Et qu'en est-il de la modification de l'obligation de transmission à partir de 2025 ? Il est temps de se pencher sur la question et de se préparer pour le 15 mars prochain.

1 De quelles obligations de transmission s’agit-il ?

Depuis l'entrée en vigueur de la loi sur les marchés publics du 17 juin 2016, les pouvoirs adjudicateurs sont tenus de transmettre tous les 3 ans, via un point central de notification en ligne, la valeur totale (ventilée entre marchés de travaux, de fournitures et de services) des marchés qu'ils ont attribués avec un montant inférieur aux seuils de publicité européenne (cf. art. 165, §2 de la loi sur les marchés publics). Le 15 mars 2024 est la date limite pour rendre compte des années 2021 à 2023 inclus. 

Les seuils de publication étant révisés tous les deux ans, les montants applicables pour l'année de référence doivent toujours être pris en considération. C'est le cas cette fois-ci, car les seuils applicables aux marchés attribués en 2021 diffèrent des seuils applicables en 2022 et 2023. C’est pourquoi la communication du SPF Chancellerie du 25 janvier 2024 (MB 5 février 2024, p. 13179) reprend les montants des seuils applicables.

Les contrats des secteurs dits classiques et spéciaux sont soumis à l'obligation de transmission.

Sont exclus de la transmission : les contrats de faible montant, c'est-à-dire les contrats dont la valeur estimée est inférieure à EUR 30.000 (hors TVA).

Il s'agit de la valeur au moment de l'attribution, dès lors les dépenses déjà encourues ne sont pas ici considérées.

2 Quid des contrats-cadres et des centrales d’achats?

Lorsqu'un accord-cadre est utilisé, selon la communication du SPF Chancellerie du Premier ministre, seule la valeur totale lors de l'attribution de l'accord-cadre doit être comptabilisée. La valeur des contrats individuels attribués en vertu de l'accord-cadre ne doit pas être incluse, car cela entraînerait évidemment un double comptage. Ici, le pouvoir adjudicateur doit également tenir compte de ce qui a été ou sera acheté par d'autres pouvoirs adjudicateurs dans le cadre de l'accord-cadre. Ces derniers ne devront donc pas l'inclure dans leur propre rapport, toujours pour éviter un double comptage. C'est donc le pouvoir adjudicateur qui attribue l'accord-cadre qui est responsable de l'établissement des rapports, et non les acheteurs.  

En cas d’attribution par une centrale d'achat, c'est donc la centrale d'achat qui fait rapport, et non les membres.

Comme il est question de la valeur attribuée de l'accord-cadre, seule la valeur maximale estimée telle qu'indiquée dans l'avis (ou le cahier des charges) semble pouvoir faire l'objet d'un rapport (voir notre précédent e-zine à ce sujet). 

3 Que se passe-t-il si l’adjudicateur ne respecte pas ses obligations en matière de transmission ?

La communication du SPF Chancellerie du Premier ministre datée du 25 janvier 2024 souligne l'importance d'une communication en temps utile à la lumière de l'obligation de transmission du gouvernement fédéral à la Commission européenne. Même si un adjudicateur éprouve des difficultés à établir une estimation, il est invité à partager les données disponibles. En d'autres termes, l'adjudicateur est alors invité à faire une estimation au mieux de ses capacités, sans toutefois tomber dans le travers l’approximation.

Toutefois, il est établi que le non-respect ou le respect tardif de l'obligation de transmission prévue à l'article 165, § 2, de la loi sur les marchés publics n'est pas sanctionné. Le gouvernement fédéral doit donc s'en remettre à la bonne volonté des milliers d'adjudicateurs actifs en Belgique. Cela a évidemment un impact sur le degré de participation et, par conséquent, sur la représentativité des données collectées. En 2018, par exemple, le taux de participation n'était que de 46 %. En 2021, ce taux de participation est même tombé à 38 %. Il reste à voir si la situation s'améliorera en 2024...

4 A partir du 1er janvier 2025, les obligations de transmission changent

Pour la prochaine période de transmission, certains changements sont prévus. Suite à la loi du 8 février 2023 modifiant la loi sur les marchés publics (MB 16 février 2023), à compter du 1er septembre 2023, un avis d'attribution de marché simplifié a été introduit pour les marchés et accords-cadres dont la valeur est inférieure aux seuils de publicité européenne (voir notre précédent e-zine à ce sujet). En conséquence, la transmission triennale, actuellement prévue à l'article 165 §2 de la loi sur les marchés publics, n'est plus le moyen approprié pour collecter des données et sera donc supprimé au 31 décembre 2024. Le législateur espère qu'en divulguant des données par adjudicateur sur le respect de l'obligation de transmission concernant les marchés attribués, cette obligation de transmission permettra d'obtenir des données plus fiables concernant l'attribution de marchés et d'accords-cadres en dessous des seuils de publication européens.

Toutefois, à partir du 1er janvier 2025, deux obligations de déclaration supplémentaires s'appliqueront :

Les pouvoirs adjudicateurs devront transmettre au gouvernement fédéral, au plus tard le 15 février de chaque année, la valeur totale des marchés attribués au cours de l'année écoulée pour les marchés d'un faible montant, mais dont la valeur attribuée est d'au moins EUR 3.000 (hors TVA), via le point central de déclaration en ligne susmentionné. Pour ces marchés, il n'y a pas d'obligation d’avis d’attribution (simplifié) du marché (nouvel article 165, §2 de la loi sur les marchés publics). Ici aussi, il y a une ventilation entre les travaux, les fournitures et les services et par entreprise bénéficiaire. S'il y a plusieurs entreprises bénéficiaires, dans le cadre d’un groupement d’opérateurs économiques, et que le pouvoir adjudicateur n'est pas en mesure de ventiler la valeur totale du marché par entreprise bénéficiaire pour le marché en question, il devra le mentionner. L'objectif est de mieux informer les PME sur ces « petits marchés » et de leur en faciliter l'accès. La première période de transmission concerne l'année 2024.

En ce qui concerne les accords-cadres, le pouvoir adjudicateur n'est actuellement pas tenu d'envoyer un avis ou de transmettre les résultats de la procédure d'attribution pour chaque marché individuel basé sur cet accord-cadre (voir ci-dessus). Cela changera à partir du 1er janvier 2025. À partir de cette date, le pouvoir adjudicateur devra transmettre, au plus tard le 15 février de chaque année, via le point central de notification en ligne, la valeur totale des marchés individuels attribués au titre des accords-cadres en vigueur au cours de l'année précédente. La valeur totale de ces marchés est ventilée par entreprise bénéficiaire selon qu'il s'agit de marchés de travaux, de fournitures ou de services. Là encore, la première période de référence est 2024.

Jens Debièvre
Jeffrey Roegiers

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