29/01/24

L’arsenal répressif de l’AFSCA renforcé depuis le 1er janvier 2024

Un changement majeur dans la politique de sanctions de l’AFSCA est entré en vigueur ce 1er janvier 2024. Depuis cette date, l’AFSCA est en droit d’imposer des amendes administratives aux opérateurs du secteur alimentaire. Jusqu’alors, seule une proposition d’amende administrative pouvait être faite. 

Régime antérieur au 1er janvier 2024

L’arrêté royal du 28 février 2001 organise les contrôles effectués par l’AFSCA. 

Jusqu’au 1er janvier 2024, en cas d’infraction à la réglementation alimentaire (par exemple, la non-conformité de l’étiquetage, le non-respect de dispositions en matière de composition d’une denrée, d’hygiène, de traçabilité, etc), une amende administrative pouvait être proposée à l’auteur de l’infraction, parmi d’autres sanctions. En cas de paiement, l’action publique s’éteignait. Ces propositions d’amendes administratives équivalaient en pratique à une transaction administrative, que l’auteur de l’infraction pouvait décider d’accepter ou non. 

Si l’auteur de l’infraction refusait de payer l’amende proposée, le procès-verbal de constat de l’infraction était transmis au Procureur du Roi, qui décidait de l’opportunité des poursuites.

En pratique, compte tenu de l’encombrement des parquets, de tels dossiers étaient régulièrement classés sans suite. 

Régime applicable à partir du 1er janvier 2024

Depuis le 1er janvier 2024, cette procédure est fondamentalement modifiée. 

Si un procès-verbal d’infraction est établi par l’AFSCA, celui-ci sera dans un premier temps transmis au parquet. Celui-ci dispose alors d’un délai de 30 jours pour décider de l’opportunité des poursuites. Si le parquet ne se saisit pas du dossier dans ce délai, le dossier revient à l’AFSCA. 

Endéans 60 jours de réception du PV par l’AFSCA, celle-ci peut, sauf en cas de danger grave pour la santé publique, la santé animale ou la protection des plantes, continuer à proposer une transaction administrative à l’auteur de l’infraction. Le montant de cette transaction administrative est en principe plus avantageux que celui d’une amende administrative. Son montant peut aller du quart du minimum prévu par la loi jusqu’à 80% du maximum. Cette proposition de transaction expire 30 jours après sa réception. 

Si la transaction n’est pas payée ou en cas de danger grave, l’AFSCA peut désormais, après avoir octroyé l’opportunité à l’auteur de l’infraction d’exposer ses moyens de défense, lui infliger une amende administrative. 

L’AFSCA a également expressément le pouvoir d’adapter cette amende à chaque situation particulière, en tenant compte d’éventuelles circonstances atténuantes qui lui permettent d’infliger une amende d’un montant inférieur au minimum de la fourchette prévue pour l’infraction. Une autre nouveauté réside dans la possibilité pour l’AFSCA de prononcer un sursis sous certaines conditions. 

En cas d’absence de paiement, l’AFSCA peut décerner une contrainte rendant son amende exécutoire. L’AFSCA peut donc directement faire exécuter sa décision pour procéder au recouvrement de l’amende, si besoin par voie de saisie. 

Face à ces pouvoirs et à l’absence de mention des critères d’appréciation pour la fixation des amendes dans l’arrêté royal, il conviendra d’être attentif au risque d’arbitraire de la part de l’AFSCA. 

Un recours judiciaire est organisé contre la décision de l’AFSCA. Il doit être porté devant la section civile du tribunal de première instance, qui statue en premier et en dernier ressort. Un tel recours doit être introduit dans les 60 jours à compter de l’envoi de la décision et est suspensif.

L’efficacité d’un tel recours parait, à ce stade, relative. Il conviendra en effet de mettre en balance, d’une part, le montant de l’amende (sans doute souvent limité) et d’autre part, l’importance stratégique d’introduire un recours, le risque que l’AFSCA prenne d’autres mesures concernant l’infraction (saisie conservatoire de produits, mise sous scellées, …) ainsi que le coût et la durée d’une procédure judiciaire. 

Une contrariété à l’article 7 de la Convention européenne des droits de l’homme qui persiste ? 

L’article 7 de l’arrêté royal du 22 février 2001 prévoit de longue date que donnent lieu à des poursuites pénales ou à une amende administrative notamment les infractions « aux règlements et décisions de l’Union européenne et pour autant qu’il s’agisse d’une infraction à une ou plusieurs dispositions dont le contrôle relève de l’Agence [AFSCA] ». 

L’article 9, paragraphes 2 et 3 de cet arrêté définit le montant des peines applicables à ces infractions. 

Or, la section législation du Conseil d’Etat a signalé dans son avis concernant la récente modification de l’arrêté royal que la mention générale d’infractions aux règlements et décisions de l’Union européenne, sans préciser quels actes exactement ni quelles dispositions de ces actes seraient concernés, serait contraire à l’exigence de prévisibilité de la peine consacrée par l’article 7.1 de la Convention européenne des droits de l’homme. 

L’arrêté royal a toutefois été adopté sans que cette mention soit modifiée. Une insécurité juridique continue donc à exister, dans la mesure où la légalité de certaines amendes de l’AFSCA pourrait être remise en cause. 

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