23/12/22

Marchés publics : des avances temporaires autorisées en raison des fortes hausses de prix

Le paiement d’avances dans les marchés publics ne sont possibles que de façon restreinte. Le pouvoir adjudicateur ne paie en principe que pour des services faits et acceptés. Cependant, - nécessité fait loi. En raison d'importantes augmentations de prix (entre autres à la suite du conflit en Ukraine), le législateur fédéral a publié un arrêté royal le 9 décembre dernier, qui permet d'élargir les possibilités de paiement d’avances. Cet arrêté entre en vigueur le 19 décembre 2022. Nous passons pour vous en revue les conditions.

Maintenant que nombreux adjudicataires risquent d'être confrontés à des problèmes de liquidités en raison de la pénurie de produits finis, de produits semi-finis et de matières premières et des fortes hausses de prix qui en découlent donc, le législateur assouplit temporairement la possibilité pour les adjudicateurs d'octroyer des avances. Tel que connu, l'article 12 de la Loi sur les Marchés publics contraint les adjudicateurs à ne payer que les services faits et acceptés, mais le Roi peut y déroger (cf. article 67 AR Exécution). La réglementation examinée ci-dessous prévoit une dérogation supplémentaire.

Quand une avance peut-elle être octroyée?

L'arrêté royal du 29 novembre 2022 relatif à l'octroi d'une avance dans le cadre des marchés publics en raison de la crise économique suite à la guerre en Ukraine (ci-après l'AR) permet aux adjudicateurs d’octroyer des avances dans deux cas :

  • Pour les marchés déjà exécutés et les marchés qui ont déjà été publiés ou pour lesquels la demande de participation a déjà été lancée avant le 19 décembre 2022 et pour lesquels la procédure de passation est donc en cours, l’adjudicataire doit  demander par écrit au pouvoir adjudicateur (c'est-à-dire après la clôture pour les procédures de passation en cours) le versement de l'avance. Cette demande contient tous les éléments nécessaires pour effectuer le paiement, sauf si le pouvoir adjudicateur en dispose déjà. Le pouvoir adjudicateur peut refuser de l'accorder, par exemple parce que l'exécution n'est pas encore suffisamment avancée. Si la demande est acceptée, le délai de paiement est de trente jours calendrier à compter de la date de décision d'octroi de l'avance (!). Le délai est calculé conformément à l'article 167 de la Loi sur les Marchés publics ; 
  • Pour les marchés qui doivent être publiés ou pour lesquels la demande de participation est lancée à partir du 19 décembre 2022 inclus, des avances ne peuvent être accordées que si cette possibilité est prévue dans les documents du marché. Si ceux-ci ne le prévoient pas, une avance en vertu du présent AR n'est pas possible. Si une possible avance est prévue, le pouvoir adjudicateur est contraint d'accorder l’avance sans que l’adjudicataire ne le demande  (!).  Les documents du marché indiquent le montant de l'avance (ou au moins la méthode de calcul), le taux d'intérêt applicable et la méthode de remboursement (compensation) de l'avance (voir ci-après). Le délai de paiement est de trente jours calendrier à compter de la date de conclusion du marché (calculé conformément à l'article 167 de la Loi sur les Marchés publics). Pour cette raison, les soumissionnaires sont priés d'indiquer dans l'offre le numéro de compte sur lequel l'avance peut être versée et, si nécessaire, le délai de paiement sera prolongé en l'absence de ce numéro de compte.

L’AR prenant fin le 31 décembre 2023, les adjudicateurs ne peuvent accorder des avances que dans le cadre des marchés en cours ou des régimes d'avance prévus dans les documents de marchés des marchés publiés ou pour lesquels la demande de participation est envoyée avant le 1e janvier 2024. L’AR s'applique donc aux marchés en cours après cette date ainsi qu'aux marchés "lancés" avant mais attribués après cette date.

Les avances ne peuvent être octroyées lorsque la durée d'exécution du marché est inférieure à deux mois ou lorsque l'article 12 de la Loi sur les Marchés publics n'est pas applicable (par exemple, aux contrats de faible montant). En cas d’accords-cadres, l’AR ne s'applique qu'aux marchés individuels attribués en vertu de l'accord-cadre (c'est-à-dire qu'aucune avance ne peut être payée suite à la conclusion de l'accord-cadre). L’AR ne s'applique pas non plus aux concessions.

L'idée est que les avances seront octroyées principalement dans les secteurs fortement impactés par les hausses de prix dues au conflit en Ukraine (la FAQ du gouvernement fédéral, à laquelle il est fait référence au bas de ce texte, énumère les secteurs les plus touchés suivant les codes NACE). Toutefois, il ne s'agit pas d'une obligation, on peut donc s'attendre à ce que d'autres adjudicataires en fassent également la demande et/ou à ce que les adjudicateurs soient enclins à prévoir des avances dans tous les secteurs confondus.

Attention : en cas de retard de paiement de l’avance, les intérêts de retard ainsi que l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement, tous deux visés à l'article 69 AR Exécution, s'appliquent automatiquement.

Le paiement de l'avance peut être suspendu lorsque (1) l’adjudicataire ne respecte pas ses obligations contractuelles et (2) agit en violation des prescriptions en matière de droit social et environnemental visée à l'article 7 de la Loi sur les Marchés publics. Dans ce cas, les délais de paiement mentionnés ci-dessus sont également suspendus.

Quel est le montant de l’avance?

Il est important de noter que l’AR prévoit une avance maximale, à savoir 20 % (TVA comprise) du montant initial du marché. Il est assez frappant de constater que le législateur prévoit un pourcentage incluant la TVA, alors qu'habituellement les montants figurant dans l’AR Exécution doivent être compris hors TVA. Ainsi, le pouvoir adjudicateur peut prévoir un pourcentage inférieur, sans que l’AR ne prévoit de tranches déterminées. 

L’AR prévoit également la manière de calculer le montant du marché initial :

  • Si la durée du marché est inférieure à douze mois (mais supérieure à deux), le montant attribué (TVA comprise) est pris comme référence ;
  • Si la durée du marché est supérieure à douze mois, le montant de référence est égal à douze fois le montant initial du marché (TVA comprise), divisé par la durée du marché exprimée en mois ;
  • Si le marché est à durée indéterminée, le montant de référence est le montant mensuel initial du marché multiplié par douze (TVA comprise). Si le marché est conclu pour une durée indéterminée à un prix global, il n'y a pas de montant mensuel connu (le prix forfaitaire couvre toutes les prestations ou au moins le poste concerné) et le montant initial du marché est pris comme référence.

Les marchés pour lesquelles l’adjudicateur doit déjà à l’adjudicataire un montant d'au moins 60 % du montant initial du marché constituent une exception importante. Dans ce cas, une avance ne peut plus être accordée.

Une deuxième limitation s'applique aux marchés pour lesquels 30% du montant initial du marché est déjà dû. Dans ce cas, l'avance peut atteindre un maximum de 10% du montant initial du marché.

Comment l’avance peut-elle être remboursée (compensée) ?

Dans le cas des marchés et procédures de passation en cours, la compensation se déroule en deux étapes :

  • La moitié de l'avance accordée sera imputée sur les sommes dues à l’adjudicataire lorsque celles-ci atteignent 30 % du montant initial du marché (TVA comprise).
  • Le solde est imputé sur les sommes dues à l’adjudicataire lorsque celles-ci atteignent 60% du montant initial du marché (TVA comprise).

Lorsque le paiement n’intervient que sur base d’une facture finale, il est évident que l'avance ne sera imputée qu’à ce moment-là.

Dans le cas des marchés passés à partir du 19 décembre 2023, le pouvoir adjudicateur détermine lui-même les conditions de remboursement (compensation), en tenant compte de la méthodologie de paiement incluse dans les documents du marché (mensuelle, par échelonnement, etc.). Selon nous, les adjudicateurs s'inspireront de ce qui précède, c’est-à-dire le remboursement en deux étapes, car ils risquent sinon de créer une inégalité de traitement. En outre, l'extension de ce régime en deux étapes permet d'éviter des pratiques indésirables telles que, par exemple, le recouvrement de l'intégralité de l'avance sur la première facture (ce qui pourrait à nouveau créer des problèmes de liquidité). Si les documents de marché ne prévoient rien, le remboursement en deux étapes décrit ci-dessus s'applique en toute hypothèse.

En savoir plus ?

Le gouvernement fédéral a publié une FAQ concernant cet AR. Vous la retrouverez ici.

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