12/01/18

Attention … aux casseurs de prix!

Imaginez-vous…

Vous venez de développer un nouveau produit que vous comptez lancer dans le segment des produits de qualité « premium ». Vous vous embarquez dans cette aventure avec un réseau établi de distributeurs indépendants. Ces distributeurs doivent donner la visibilité requise à votre produit et proposer un service de grande qualité à la clientèle.

Votre seule crainte, c’est qu’un petit nombre de « casseurs de prix » au sein du réseau ne répondent pas à vos attentes. Ils ont en effet la réputation de séduire la clientèle en pratiquant des prix très avantageux (réductions, prix promotionnels, ventes couplées, etc.). Le problème, c’est que ces prix cassés ont un coût, à savoir l’absence d’investissement dans votre marque ou un niveau de service en deçà de celui que vous escomptez. Cette attitude porte atteinte à la réputation de votre produit. Elle incite en outre les autres distributeurs à ne plus investir dans votre marque.

Afin de neutraliser les casseurs de prix, l’équipe commerciale vous propose d’obliger tous les distributeurs à pratiquer un niveau des prix déterminé. Les distributeurs seront ainsi certains de leur marge et les investissements qu’ils réaliseront dans votre marque seront à coup sûr récompensés.

Le système est mis en place et semble parfaitement efficace. Tout marche comme sur des roulettes et votre entreprise confirme sa réputation de marque de qualité. Vous concurrencez avec succès les marques établies.

Vous tombez donc des nues lorsque l’autorité de la concurrence vous informe qu’elle entame une enquête. Une plainte a été déposée. Votre entreprise aurait commis une infraction grave aux règles de la concurrence et s’exposerait à une lourde amende.

C’est à n’y rien comprendre. Le client apprécie l’image de luxe renvoyée par votre produit. Les distributeurs sont satisfaits et investissent dans votre marque, qui concurrence avec succès les opérateurs bien établis sur le marché. Comment cette pratique peut-elle être contraire aux règles de la concurrence ?


Quelques précisions.

Les fournisseurs ne peuvent pas s’accorder comme bon leur semble quant aux prix que les distributeurs indépendants doivent pratiquer lors de la revente du produit à leurs propres clients.

Un prix de revente fixe ou minimum est en principe interdit. Il s’agit en effet d’un « prix de vente imposé », qui constitue une « restriction caractérisée » de la concurrence.

Les prix de vente imposés englobent un large éventail de pratiques directes et indirectes. Par exemple, un fournisseur n’a pas davantage le droit de fixer les marges ou les réductions de ses distributeurs, ni de leur interdire de faire de la publicité sur des prix inférieurs à un niveau déterminé. Le fournisseur ne peut pas non plus récompenser ses distributeurs qui respectent un (niveau de) prix déterminé. À l’inverse, il ne peut les sanctionner en cas de non-respect.

Le fournisseur peut recommander ou imposer un prix de revente maximum, à condition que le distributeur ait effectivement la liberté de s’écarter du prix de revente recommandé et de se positionner sous le prix de revente maximum. Si le fournisseur tente de limiter cette liberté commerciale, il sera de nouveau question d’une pratique de prix de vente imposé interdite.

Le fournisseur qui ne respecte pas cette interdiction s’expose à une lourde amende. Tant la Commission européenne que les autorités nationales de la concurrence sont particulièrement sévères quant à ce type d’infraction. Par exemple, l’autorité grecque de la concurrence a infligé en octobre 2017 plus de 18 millions € d’amendes à six grossistes de produits cosmétiques de luxe, dont de grandes enseignes comme Estée Lauder, L’Oréal et Christian Dior. Ces fournisseurs avaient imposé aux détaillants des réductions uniformes lors de la revente aux consommateurs. Plus tôt dans l’année, l’autorité allemande de la concurrence avait déjà infligé plus de 60 millions € d’amendes dans l’affaire du cartel de la confiserie à Edmund Münster et à six détaillants pour fixation de prix imposés des produits Haribo. D’autres autorités nationales de la concurrence ont aussi sanctionné des prix imposés, dont les autorités belge (amende de 5,5 millions € infligée en mars 2017 à Algist Bruggeman) et anglaise (amende de 2,7 millions £ infligée en juin 2017 à The National Lighting Company).


Concrètement:

  • Un distributeur indépendant doit en principe pouvoir fixer son prix de revente librement.

  • Il est interdit aux fournisseurs d’imposer un prix de revente minimum ou fixe à leurs distributeurs. Il s’agit de pratiques de fixation de prix de vente imposés interdites.

  • Cette interdiction s’applique également à la fixation d’un niveau de prix ou à d’autres éléments du prix (p.ex. marge de vente, réductions, augmentations de prix, conditions de paiement, etc.).

  • Elle s’applique aussi bien aux mesures directes qu’indirectes. Par exemple, un fournisseur n’a pas le droit de récompenser un distributeur du fait qu’il aurait maintenu un (niveau de) prix déterminé. Il ne peut davantage le sanctionner en cas de non-respect.

  • Les prix de revente recommandés et les prix de revente maximums sont admis, toujours à condition que le distributeur soit effectivement libre de s’écarter du prix de revente recommandé ou de se positionner sous le prix de revente maximum.


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