02/01/19

Licencier un travailleur au lendemain de sa participation à une grève n’est pas nécessairement discriminatoire

Dans un arrêt récent, la Cour du travail d’Anvers revient sur les règles spécifiques de la charge de la preuve en matière de non-discrimination.

Si un travailleur n'établit pas de faits permettant de présumer l'existence d'une discrimination, la charge de la preuve n'est pas renversée et l’employeur ne doit pas démontrer qu’il ne s’est pas rendu coupable de discrimination.

1. Les faits

Un employeur licencie un travailleur (moyennant indemnité), au lendemain de la participation de ce dernier à une grève. Le travailleur demande à la société les raisons qui ont motivé son licenciement, sur pied de la CCT n°109.

Dans le courrier de motivation du licenciement, la société reproche au travailleur une «attitude négative» au travail et de la «négligence». La société lui fait également grief d’avoir annoncé à ses collègues sa participation à une grève provinciale, sans en avoir averti - suffisamment à l’avance - la personne en charge des plannings. Le travailleur s’était, en effet, contenté d’adresser un message à la société la veille de son absence, à 22h passées.

Bien que la société reconnaisse au travailleur son droit de participer à une grève, elle déplore avoir été prévenue tardivement de son absence. L’attitude du travailleur a ainsi causé des perturbations dans l’organisation du travail : d’autres travailleurs ont dû honorer les commandes déjà attribuées au travailleur absent, ce qui a occasionné pour eux une surcharge de travail.

Le travailleur assigne la société devant les juridictions du travail, soutenant être victime d’un traitement discriminatoire lié à ses convictions syndicales.

2. Décision de la Cour

Suivant la loi « antidiscrimination » du 10 mai 2007, la partie qui s’estime victime d’une discrimination doit, d’abord, avancer des faits qui permettent de présumer l’existence de cette discrimination. Si c’est le cas, l’autre partie doit alors prouver l’absence de discrimination illicite.

Pour la Cour, un licenciement, même consécutif à une grève, ne constitue pas un fait suffisant permettant de présumer l’existence d’une discrimination fondée sur les « convictions syndicales » du travailleur.

Du reste, dans le courrier de motivation du licenciement, l’employeur ne reprochait pas au travailleur sa participation à la grève en tant que telle, mais bien sa manière fautive d’agir dans ce contexte (le défaut d’avertissement préalable de son absence) et les conséquences néfastes de cette attitude sur l’organisation du travail.

Le travailleur est par conséquent débouté de sa demande de paiement de l’indemnité forfaitaire prévue par la loi « antidiscrimination » (6 mois de rémunération).


Que retenir de cette décision ?

La participation à une grève relève vraisemblablement des « convictions syndicales » d’un travailleur, qui ne peut donc pas faire l’objet d’une différence de traitement sur cette base.

Toutefois, le fait que le licenciement intervienne immédiatement après une grève ne suffit pas, en tant que tel, pour présumer l’existence d’un traitement discriminatoire. Il convient d’analyser de manière fine et détaillée si la décision de l’employeur n’a pas été motivée par d’autres considérations comme, en l’espèce, l’attitude du travailleur autour de sa participation à la grève (défaut d’avertissement en temps utile et désorganisation consécutive).

 
Source : C. trav. Anvers (div. Hasselt), 11 juillet 2018, R.G. n° 2017/AH/22, www.unia.be

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