31/01/11

Le droit belge de la concurrence est en porte à faux par rapport au droit européen de la concurrence

Dès la libéralisation du prix du pain en juillet 2004, VEBIC, la fédération professionnelle flamande représentant les boulangers et pâtissiers artisanaux, avait mis sur pied un système de calcul de coûts et un indice du prix du pain, incitant ainsi ses membres boulangers à augmenter leurs prix.

Le Conseil de la concurrence, suivant l’avis de l’Auditorat près le Conseil de la concurrence, a condamné VEBIC par sa décision du 28 janvier 2008 pour infraction au droit de la concurrence belge.

En février 2008 VEBIC a interjeté appel de la décision devant la Cour d’appel. Celle-ci a relevé que les dispositions de la loi sur la protection de la concurrence économique (« LPCE ») ne permettent pas à l’Auditorat près le Conseil de la concurrence, de participer à la procédure devant elle.

En effet, la LPCE prévoit que le Conseil de la concurrence, dont fait partie l’Auditorat, ne dispose pas de la faculté de déposer des observations écrites dans le contexte d’un recours contre une décision prise par celui-ci. Seul le ministre fédéral en charge de l’économie dispose de cette faculté.

Le ministre concerné n’ayant pas fait usage de la faculté de présenter des observations écrites, la seule partie ayant participé à la procédure en appel était VEBIC, qui agissait donc en tant qu’appelante.

La Cour d’appel de Bruxelles était donc dans une situation inédite : saisie d’une procédure à laquelle ne participait que la partie requérante au principal, en l’absence d’une partie défenderesse.

Dans ce contexte, la Cour d’appel de Bruxelles a posé une question préjudicielle à la Cour de justice de l’UE sur la conformité par rapport au droit européen de la concurrence des dispositions de la LPCE qui ne permettent pas à l’Auditorat, organe en charge des poursuites au sein du Conseil de la concurrence, de participer à la procédure devant elle.

La Cour de justice a rendu son arrêt le 7 décembre 2010.

Elle y relève que si « règlement européen [règlement 1/2003 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence] laisse à l’ordre juridique interne de chaque État membre le soin de régler les modalités procédurales des recours en justice introduits contre les décisions des autorités de concurrence ainsi désignées », de telles modalités ne doivent pas porter atteinte à l’objectif de ce règlement, qui est d’assurer l’application effective des articles 101 et 102 du traité par lesdites autorités.

Il est intéressant de noter que la Cour de justice reconnait la complexité du droit de la concurrence en estimant que « le fait de ne pas accorder à l’autorité de concurrence nationale les droits en tant que partie au litige et, partant, de l’empêcher de défendre la décision qu’elle a adoptée dans l’intérêt général comporte le risque que la juridiction saisie soit entièrement «captive» des moyens et arguments développés par la ou les entreprises requérantes. Or, dans un domaine tel que celui de la constatation d’infractions aux règles de concurrence et d’imposition d’amendes, qui comporte des appréciations juridiques et économiques complexes, l’existence même d’un tel risque est susceptible de compromettre l’exercice de l’obligation particulière qui incombe aux autorités de concurrence nationales, en vertu du règlement, de garantir l’application effective des articles 101 TFUE et 102 TFUE ».

La Cour conclut, sur cette base, que l’obligation d’assurer l’application effective du droit européen de la concurrence exige que l’autorité nationale de la concurrence dispose de la faculté de participer, en tant que partie défenderesse, à une procédure devant une juridiction nationale dirigée contre la décision dont elle est l’auteur.

A la lumière de ce récent arrêt, il faut donc s’attendre à une modification des modalités procédurales du droit belge de la concurrence.

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