23/05/16

Le ministre des Finances confirme l’application de la taxe Caïman aux fonds privés dédiés

A la fin de l’année dernière, la taxe Caïman a été élargie à certaines structures sociétaires luxembourgeoises, en particulier les SICAV dédiées . A l’occasion d’une question parlementaire , le ministre des Finances a précisé que l’objectif était clairement de viser les (compartiments de) SICAV dédiées privées, au même titre que les SICAV dédiées institutionnelles ou publiques.

I. QUESTION PARLEMENTAIRE DU 18 MAI 2016

A la fin de l’année dernière, la taxe Caïman a été élargie à certaines structures sociétaires luxembourgeoises, en particulier les SICAV dédiées[1]. A l’occasion d’une question parlementaire[2], le ministre des Finances a précisé que l’objectif était clairement de viser les (compartiments de) SICAV dédiées privées, au même titre que les SICAV dédiées institutionnelles ou publiques[3].


II. AMBIGUÏTÉ SUR LES ORGANISMES DE PLACEMENT COLLECTIF DÉDIÉS VISÉS 

 La liste limitative des constructions juridiques établies dans l’EEE (visées par la taxe Caïman) a été modifiée par un AR du 18 décembre 2015. Elle mentionne désormais, entre autres, les « institutions, entités et sociétés visées à l’article 2, § 1er, 13/1, alinéa 2 du C.I.R. 1992 », c’est- à- dire notamment les OPC ou compartiment d’OPC dédiés (détenus par une seule personne ou par des personnes liées).

a -INTERPRÉTATION LITTÉRALE

Une lecture littérale pourrait conduire à la conclusion que seuls les fonds publics et institutionnels dédiés établis au sein de l’EEE sont visés, et non les fonds privés dédiés.
 
L’article 2, § 1er, 13°/1, alinéa 2 renvoie en effet aux seules entités exclues (de la taxe Caïman) par l’alinéa 1er, qui vise :

  • les OPC (de droit belge ou étranger) publics ou institutionnels visés par l’article 3, 2° ou 3°, de la loi du 3 août 2012 relative aux OPC conformes à la directive 2009/65/CE, et
  • les OPC (de droit belge ou étranger) alternatifs publics ou institutionnels visé à l’article 3, 4° ou 6°, de la loi du 19 avril 2014 relative aux OPC alternatifs et à leurs gestionnaires.

Un OPC purement privé n’est par contre pas visé par le texte de l’article 2,§1er, 13°/1, alinéa 1.
Si l’on adopte cette interprétation littérale, on pourrait tenter d’argumenter que les (compartiments dédiés de) SICAV luxembourgeoises privées, détenues par des personnes liées, ne sont pas visées par la taxe Caïman. Suivant cet angle d’approche, si la SICAV luxembourgeoise ne qualifie ni d’OPC (alternatif) public (car elle n’a pas fait une offre publique de parts), ni d’OPC (alternatif) institutionnel (car elle n’est pas exclusivement détenue par des investisseurs institutionnels), elle échapperait à la taxe Caïman.

b- INTENTION DU LÉGISLATEUR

 Mais on pourrait également adopter une interprétation conforme à l’intention du législateur. A mon avis, il n’y a pas de doute sur la volonté du législateur de viser les fonds privés dédiés établis dans l’EEE (outre les fonds publics et institutionnels dédiés).[4]  Je pense, en particulier, aux compartiments dédiés de SICAV-SIF luxembourgeoises ou de SICAV partie 2 luxembourgeoises.
 
A l’occasion d’une question parlementaire posée par P. Vanvelthoven[5], le ministre des Finances a d’ailleurs déclaré le 18 mai que l’objectif poursuivi était clairement de viser les (compartiments de) SICAV dédiées privées, au même titre que les SICAV dédiées institutionnelles ou publiques[6].

 III. ENSEIGNEMENTS PRATIQUES

 Cette déclaration doit être félicitée : elle vient trancher une question qui alimente les controverses parmi les praticiens de la fiscalité. Elle implique que les revenus recueillis par la SICAV privée dédiée seront, dès le 1er janvier 2015, susceptibles de tomber sous le coup de la taxe Caïman.
 
Certains contribuables pourraient être tentés de se fonder sur l’interprétation littérale des textes en vigueur, en vue d’échapper à la taxation par transparence. Ils pourraient s’appuyer sur la jurisprudence de la cour de cassation, suivant laquelle il ne faut pas aller sonder la volonté du législateur en présence d’un texte clair. On sait désormais que l’Administration ne partagera pas cet avis. Et qui affronte de gaieté de cœur un litige fiscal long, coûteux et incertain ?
 
 
[1] Voy. à ce propos notre précédent newsflash : http://www.bloom-law.be/fr/actualite/nieuws/5196/elargissement-de-la-taxe-caiman--les-sicav-dediees-luxembourgeoises-dans-la-ligne-de-mire.
[2] Doc. Parl., Ch. sess. 2015-2016, Q.P. n°11276 du 18 mai 2016 de P. Vanvelthoven.
[3] Traduction libre : “De betrokken wetswijziging heeft inderdaad tot doel zowel private als publieke en
institutionele instellingen die in feite privaat worden beheerd te viseren. Dat is heel duidelijk”.
[4] En ce sens: B. PHILIPPART DE FOY et A. DAYEZ, « Taxe Caïman : application aux fonds d’investissement et aux Sicav-FIS dédiés », Revue de Planification patrimoniale belge et internationale, 2015/4,p. 442.
[5] Doc. Parl., Ch. sess. 2015-2016, Q.P. n°11276 du 18 mai 2016 de P. Vanvelthoven.
[6] Traduction libre : “De betrokken wetswijziging heeft inderdaad tot doel zowel private als publieke en
institutionele instellingen die in feite privaat worden beheerd te viseren. Dat is heel duidelijk”.

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