11/03/16

Lutte contre l'évasion fiscale : directive UE

1. Introduction

Le 28 janvier 2016, la Commission Européenne a publié une proposition de Directive du Conseil visant à lutter contre les pratiques d’évasion fiscale (ci-après, la Directive). Analysons donc les mesures les plus pertinentes.
 

2. Limite à la déduction fiscale des intérêts

L’objectif de la Commission est de limiter la déduction des intérêts en vue de lutter contre l’évasion fiscale. Ainsi, les surcoûts d’emprunts (c-à-d. le différentiel entre le coût et les bénéfices provenant d’actifs financiers) seront déductibles pendant l’exercice fiscal au cours duquel ils ont été supportés mais uniquement à hauteur de 30% de l’EBITDA ou d’un montant d’un million d’euros, le montant le plus élevé étant retenu. L’EBITDA est calculé en rajoutant au revenu imposable les intérêts, impôts, dépréciation et amortissements. Toutefois, le contribuable pourra se voir autorisé à déduire l’intégralité des surcoûts d’emprunts s’il peut démontrer, et à certaines conditions, que le ratio entre ses fonds propres et l’ensemble de ses actifs est égal ou supérieur au ratio équivalent du groupe.

L’EBITDA d’un exercice fiscal qui ne serait pas entièrement absorbé par les coûts d’emprunts supportés par le contribuable au cours de cet exercice ou des exercices fiscaux précédents pourra être reporté sur les exercices fiscaux suivants.

En outre, les coûts d’emprunts qui ne peuvent pas être déduits durant l’exercice fiscal en cours seront déductibles à concurrence de 30% de l’EBITDA au cours des exercices fiscaux suivants, de la même manière que les coûts d’emprunts pour ces exercices.

Cette limite ne s’appliquera pas aux institutions financières (cf. institutions de crédit, sociétés d’investissement, compagnies d’assurances, fonds de pension, UCITS , etc.)


3. Imposition à la sortie

La proposition de Directive vise quatre cas dans lesquels une imposition à la sortie devrait être appliquée lorsque:

  • Le contribuable transfère des actifs de son siège vers son établissement stable situé dans un autre Etat membre ou dans un pays tiers ;

  • Le contribuable transfère des actifs de son établissement situé dans un Etat membre vers son siège ou un autre établissement stable situé dans un autre Etat membre ou dans un pays tiers ;

  • Le contribuable transfère sa résidence fiscale vers un autre Etat membre ou un pays tiers, à l’exception des actifs qui restent effectivement rattachés à un établissement stable situé dans le premier Etat membre ;

  • Le contribuable transfère son établissement stable hors d’un Etat membre.

L’imposition sera calculée sur la base d’un montant égal à la valeur de marché des actifs transférés au moment de la sortie, diminuée de la valeur fiscale desdits actifs.

En outre, les contribuables pourront reporter le paiement de la taxe de sortie en échelonnant les versements sur une période d’au moins 5 ans si :

  • Le contribuable transfère des actifs de son siège vers son établissement stable situé dans un autre Etat membre ou dans un pays tiers de l’EEE et vice-versa ;

  • Le contribuable transfère sa résidence fiscale dans un autre Etat membre ou dans un pays tiers qui est dans l’EEE et vice-versa.

La proposition de Directive, dans pareille hypothèse, laisse le choix aux Etats d’infliger dans ce cas des intérêts de retard.
 

4. Clause de « switch-over »

La Directive anti-évasion créera également une clause dite de « switch-over » interdisant aux Etats membres d’encore exempter certains revenus étrangers avec en contrepartie un crédit d’impôt. Sont ainsi visés :

  • Les distributions de bénéfices de la part d’une entité située dans un pays tiers ;

  • Produits de cession de parts détenues dans une entité située dans un pays tiers ;

  • Revenus provenant d’un établissement stable situé dans un pays tiers.

Ceci obligera la Belgique à modifier son régime d’exonération des revenus des établissements stables situés dans un Etat avec convention.

Cette clause s’applique si l’établissement stable ou l’entité sont situés dans un pays où l’impôt sur les bénéfices est inférieur à 40%. Dans pareille hypothèse, le contribuable soumis à l’impôt sur ces revenus étrangers pourra déduire l’impôt payé dans le pays tiers.

5. Sociétés étrangères contrôlées

La proposition de directive vise également à imposer dans le chef de la société-mère les revenus faiblement imposés de filiales étrangères qu’elle contrôle (« foreign controlled company » ou CFC).

Une société sera considérée comme une CFC si le contribuable détient à lui seul ou conjointement avec des entreprises associées une participation de plus de 50% des droits de vote ou du capital, ou a droit à plus de 50% des bénéfices.

Les revenus non distribués par une CFC seront inclus dans la base imposable du contribuable qui la contrôle si :

  • L’entité contrôlée dans le cadre du régime général applicable dans son pays de résidence voit ses bénéfices soumis à un taux d’imposition effectif sur les sociétés inférieur à 40% du taux d’imposition effectif applicable dans l’Etat membre de la société de contrôle ;

  • Si plus de 50% des revenus générés par l’entité contrôlée relèvent d’une des catégories suivantes :

    • Intérêts ou autres revenus provenant d’actifs financiers ;

    • Redevances ou tout autre revenu provenant de la propriété intellectuelle ;

    • Dividendes et revenus provenant de la cession de part ;

    • Revenus provenant de baux financiers ;

    • Revenus immobiliers sauf contrariété avec une convention internationale ;

    • Revenus provenant d’activités d’assurances bancaires ou financières ;

    • Revenus provenant de services fournis au contribuable ou à ses entreprises associées.

  • Sont exclues de ce type de taxation les sociétés cotées.

Les revenus de la CFC non distribués seront taxés conformément aux règles de l’impôt des sociétés applicables dans le pays de résidence du contribuable qui contrôle ladite entité.

Les entités qui ont leur résidence fiscale dans un Etat membre ou un pays faisant partie de l’EEE ne sont pas visés par cette clause, sauf si on devait considérer que cette entité a été constituée de manière artificielle ou fait partie d’une construction artificielle.


6. Clause anti-abus générale

  1. Les « montages » non authentiques ou séries de montages non authentiques mis en place essentiellement dans le but d’obtenir un avantage fiscal allant à l’encontre de l’objet ou de la finalité des dispositions fiscales normalement applicables ne sont pas pris en compte aux fins du calcul de la charge fiscale des sociétés. Un montage peut comprendre plusieurs étapes ou parties.

  2. Sera considéré comme un « montage » ou une série de montages non authentique le montage ou la série de montages qui n’est pas mis en place pour des motifs commerciaux valables qui reflètent une réalité économique. 

    Si effectivement un montage ou une série de montages ne devait pas être considéré comme valable, la charge fiscale sera calculée sur la base de la substance économique, conformément à la législation nationale.


7. Dispositifs hybrides

Cette disposition vise à mettre fin à des distorsions relevant de qualifications différentes. Ainsi, lorsque deux Etats membres donnent une qualification juridique différente au même contribuable (entité hybride) et que ceci conduit soit à une situation où le même paiement, les mêmes charges ou les mêmes pertes font l’objet d’une déduction aussi bien dans l’Etat membre d’origine du paiement des charges ou des pertes que dans l’autre Etat membre, soit à une situation où le paiement fait l’objet d’une déduction dans l’Etat membre dans lequel il a été effectué, sans prise en compte correspondante du même paiement dans l’autre Etat membre, la qualification juridique donnée à l’entité hybride par l’Etat membre d’origine du paiement des charges ou des pertes sera celle qui sera appliquée par l’autre Etat membre.

Par ailleurs, lorsque deux Etats membres donnent une qualification juridique différente au même paiement (instrument hybride) et que cela conduit à une situation où une déduction est appliquée dans l’Etat membre d’origine du paiement, sans prise en compte correspondante du même paiement dans l’autre Etat membre, la qualification juridique donnée à l’instrument hybride par l’Etat membre d’origine dudit paiement sera celle appliquée par l’autre Etat membre.

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