02/09/10

Le nouveau Code de droit pénal social : la patience récompensée?

Le 1er juillet 2010 le nouveau Code pénal social complet a été publié au Moniteur belge. Ce code représente un travail de longue haleine, attendu depuis longtemps par l’ensemble des acteurs du droit social pénal.

Le but du code est extrêmement ambitieux, il est prévu comme un ensemble exhaustif et cohérent de normes relatives aux infractions au droit du travail et de la sécurité sociale. Auparavant, les sanctions pénales étaient à chaque fois prévues en tant que dispositions finales dans les législations sociales séparées, ce qui menait à un ensemble fort confus. Le nouveau Code pénal social vise à simplifier le régime des sanctions et des amendes administratives et contient des règles de procédures spécifiques relatives à ces questions. Le législateur a également voulu par la même occasion, apporter un appui important à l'autorité dans son combat contre la fraude sociale.

Dans la présente contribution, nous vous donnons un aperçu concis des principales lignes de force et innovations du Code pénal social.

Principales lignes de force et innovations

1. Codification de la matière sous forme d’un ensemble cohérent
Le Code pénal social réunit toutes les infractions à la législation sociale ainsi que les sanctions ou les amendes administratives y afférentes. Les dispositions pénales des lois sociales actuelles sont supprimées et remplacées par les dispositions du Code pénal social de la manière suivante :

“Les infractions aux dispositions de la présente loi et de ses arrêtés d'exécution sont recherchées, constatées et sanctionnées conformément au Code pénal social.”

Cependant, le législateur n'a pas réussi à rédiger un Code pénal social exhaustif. Etant donné la multitude de sanctions pénales sociales, cela n'est guère surprenant. Certaines dispositions pénales ont été oubliées (par exemple : les sanctions pénales relatives à la Loi sur les Pensions complémentaires) d'autres relèvent de la compétence législative des Régions et Communautés (par exemple : placement) et ne peuvent par conséquent pas être reprises dans le Code pénal social fédéral.

2. Respect plus strict des droits de la défense et de la légalité des incriminations
Pour autant que possible, le Code pénal social a pour objectif, d’élargir les droits de la défense prévus dans le droit pénal commun au droit social pénal :
- les dispositions de la Loi Franchimont sont applicables à l'audition de l'inspecteur social (droit de se taire, droit de recevoir une copie de l'audition, …)
- le juge d’instruction est désormais habilité à délivrer des autorisations de visites domiciliaires à la place du juge de police ;
- des recours sont institués contre les mesures coercitives imposées par les inspecteurs sociaux (par exemple : fermeture d’entreprises, saisies, …).

En outre, dans la lignée de la légalité des incriminations, les éléments constitutifs des infractions pénales ont été clairement énumérés. De plus, tous les manquements d’une même gravité seront punis par la même sanction.

3. Elargissement des amendes administratives
Le système des amendes administratives est élargi à toutes les infractions au droit pénal social quelle que soit leur gravité.

4. Dépénalisation des petites infractions et suppression des peines d'emprisonnement
Les petites infractions sont dépénalisées, c'est-à-dire qu'elles ne pourront plus être sanctionnées que par une amende administrative.
La peine d'emprisonnement qui était prévue pour la majorité des infractions relatives à la législation sociale est supprimée pour un grand nombre d'infractions. Elle ne sera conservée que pour les infractions les plus graves.

5. Quatre catégories d'infractions liées à quatre niveaux de sanctions
Les infractions au droit social et les sanctions y afférentes sont dorénavant regroupées en quatre catégories selon leur gravité. Un niveau de sanction déterminé est attribué à chaque catégorie et ceci en remplacement des 15 amendes administratives différentes actuellement appliquées, ainsi que des 16 peines d'emprisonnement différentes et des 40 amendes différentes actuellement en vigueur.

Niveau

Caractère de la violation

Amendes administratives

Sanctions pénales

Exemples

1

Infractions légères

Amendes de 10 à 100 euro

/

Violation d’obligations à caractère plutôt administratif, par exemple déclarations auprès de l’ONEM de renseignements relatifs au crédit-temps

2

Infractions d’une gravité modérée

Amendes de 25 à 250 euro

Amendes de 50 à 500 euro

Temps de travail, travail de nuit

3

Infractions graves

Amendes de 50 à 500 euro

Amendes de 100 à 1000 euro

Sanctions complémentaires

Mise à disposition du personnel, bilan social, assurance accident du travail

4

Infractions les plus graves

Amendes de 300 à 3000 euro

Peine de prison de six mois à trois ans

Une amende pénale de 600 à 6000 euro

Sanctions complémentaires

Dimona, travail à temps partiel, emploi de travailleurs étrangers sans titre de séjour


Le Code pénal social, ajoute à ceci trois nouvelles sanctions :

- la fermeture de l'entreprise;
- l'interdiction d'exercer la profession; et
- l’interdiction d'exploitation.

Ces sanctions supplémentaires sont facultatives et provisoires et ne seront appliquées que pour les infractions les plus graves (niveaux 3 et 4).

A l'avenir, des décimes additionnels seront appliqués aux amendes administratives, par analogie aux amendes pénales. Cela signifie que les amendes susmentionnées seront multipliées par un facteur 5,5. De plus, la règle de multiplication de l'amende par le nombre de travailleurs concernés par l'infraction reste maintenue aussi bien pour les amendes pénales qu'administratives. Bien qu'un plafond uniforme soit fixé, l'amende multipliée ne peut pas s'élever à plus de 100 x l'amende maximale.

Finalement, les sanctions sont suffisamment diversifiées pour permettre au Juge de les adapter aux faits commis. Le Code pénal social prévoit expressément la possibilité pour le Juge de tenir compte de circonstances atténuantes en vue de réduire l'amende minimale ou la peine de prison. Si les infractions sont commises après un avertissement préalable de l'inspecteur social ou si elles ont conduit à un incident de santé ou à un accident du travail, les sanctions seront plus lourdes.

6. Codification des règles relatives à la poursuite administrative
Le Code pénal social décrit nombre de règles procédurales telles que celles actuellement appliquées dans la pratique (par ex : les règles concernent la présentation des moyens de défense et le droit de consultation du dossier). Comme garantie supplémentaire, il est également expressément mentionné et spécifié dans le Code pénal social l'obligation de motiver la décision administrative.

7. Adaptation des compétences de l'inspecteur social
Les compétences de l'inspecteur du travail sont adaptées aux besoins d'une meilleure prévention et d'une politique d'enquête plus moderne. Les inspecteurs sociaux auront un rôle plus actif dans leur recherche d'informations et auront une possibilité plus élargie d'effectuer des contrôles au regard de la technologie de l'information.

8. Accent sur la prévention
Une attention particulière est portée à la prévention. Le législateur a repris un titre séparé dans le Code intitulé "Politique de prévention et de surveillance". Ce titre prévoit l'instauration d’un Service d'Information et de Recherche sociale, qui est entre autre chargé de prendre les actions préventives nécessaires pour la mise en place de la politique établie par le Conseil des Ministres dans la lutte contre le travail illégal et la fraude sociale.

Entrée en vigueur du Code pénal social

Le Code pénal social n’est pas encore entré en vigueur. Celle-ci dépend d’un Arrêté Royal qui doit prévoir une entrée en vigueur au plus tard le 1er juillet 2011. La pratique nous apprendra si les objectifs du législateur ont été atteints et si la patience a été récompensée.

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