13/05/13

L’interprétation restrictive des règles d’assistance financière

L’utilisation de dividendes distribués par une filiale pour le remboursement d’un prêt octroyé en vue de l’acquisition des titres de ladite filiale ne tombe pas dans le champ de l’assistance financière.

L’assistance financière est régie en droit belge par les articles 329 (pour les sociétés privées à responsabilité limitée) et 629 (sociétés anonymes) du Code des sociétés lesquels prévoient, entre autres, que les avances de fonds, prêts ou sûretés accordées par une SA ou une SPRL en vue de l’acquisition par un tiers de ses propres parts sociales ou actions doivent satisfaire à certaines conditions:

- Ces opérations ont lieu sous la responsabilité de l’organe de gestion de la société à des justes conditions de marché.

- L’opération est soumise à une décision préalable de l’assemblée générale statuant à des conditions spéciales de quorum et de majorité.

- L’organe de gestion rédige un rapport spécial.

- Les sommes affectées à l’opération doivent être susceptibles d’être distribuées. Une somme ne peut être distribuée lorsque la distribution a pour effet de faire chuter l’actif net en deçà du montant du capital libéré ou, si ce montant est supérieur, du capital appelé, augmenté de toutes les réserves que la loi ou les statuts ne permettent pas de distribuer.

- La société inscrit au passif de son bilan une réserve indisponible d’un montant correspondant à l’aide financière totale.

L’application des règles d’assistance financière a fait couler beaucoup d’encre parmi les auteurs de doctrine et a fait l’objet de nombreuses décisions rendues par nos cours et tribunaux. A cet égard, l’arrêt récent de la Cour d’appel de Mons du 16 avril 2012 a retenu notre attention.

Le litige est relatif à l’acquisition par la SPRL Building Consulting and Management (BCM) de la totalité des parts sociales de la SPRL Entreprises René Robert Charles (ERRC) et au crédit d’investissement consenti par Fortis (Générale de Banque au moment des faits) à la société cible (ERRC) devant servir « par première utilisation, à rembourser le crédit de 6.000.000 BEF accordé à BCM », crédit ayant servi à l’acquisition par BCM des parts sociales de ERRC.

Le premier juge a considéré que l’opération de rachat des actions d’ERRC était une façade derrière laquelle se dissimulait le financement par ERRC du rachat de ses propres actions, en violation de règles d’assistance financière (qui à l’époque des faits était purement et simplement prohibée).

Toutefois, l’arrêt de la Cour d’appel de Mons nous enseigne que dans les faits, le crédit octroyé à EERC par Fortis a été utilisé non pas pour rembourser le crédit consenti à son actionnaire BCM pour financer l’acquisition des actions mais pour financer une distribution de dividendes à BCM lesquels ont permis in fine à cette dernière de rembourser l’avance qui lui avait été consentie pour acquérir les parts sociales de la cible.

La Cour rappelle à cet égard que la distribution d’un dividende, financé par un emprunt, est une façon simple et conforme à l’article 329 du Code des sociétés de réaliser une descente de dettes. Un nouvel emprunt est pris au niveau de la société et son actionnaire rembourse à l’aide du dividende reçu le crédit qu’il avait contracté pour financer l’acquisition des parts sociales.

Par conséquent, selon la Cour d’appel de Mons, rien ne s’oppose à ce qu’une société contracte un prêt pour financer la distribution d’un dividende même si ce dividende sert in fine à rembourser un prêt qui a été octroyé pour l’acquisition des actions de la société cible.

En ce faisant, la Cour d’appel de Mons a appliqué le principe unanimement reconnu par la doctrine et la jurisprudence, à savoir, l’interprétation restrictive des termes de l’article des articles 329 et 629 du Code des Sociétés qui prohibaient (avant le 1er janvier 2009) et aujourd’hui régulent les opérations d’avances de fonds, de prêts et de sûretés par une société en vue de l’acquisition par un tiers de ses propres titres. Cette interprétation restrictive est justifiée, d’une part, par le caractère impératif (voire d’ordre public) des articles 329 et 629 du Code des sociétés et, d’autre part, par les sanctions pénales prévues en cas de non-respect des principes énoncés par lesdites dispositions.

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