03/11/22

Conditions de travail transparentes et prévisibles

Le 31 octobre 2022, la loi transposant partiellement la directive (UE) 2019/1152 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 relative à des conditions de travail transparentes et prévisibles dans l'Union européenne a été publiée au Moniteur belge. L'objectif est d'améliorer les conditions de travail en favorisant un emploi plus transparent et plus prévisible. À cette fin, elle souhaite fixer un certain nombre d'exigences minimales.

Cette loi entrera en vigueur mi-novembre tandis que la convention collective de travail du 27 septembre 2022 est, elle, entrée en vigueur le 1e octobre 2022.

Dans ce qui suit, nous examinons le contenu de la nouvelle législation et ses éventuelles répercussions sur la pratique au sein des Ressources Humaines.

Informations sur la relation de travail

Information à caractère individuel

En vertu de la loi du 7 octobre 2022, l’employeur est tenu de fournir au travailleur des informations sur les principaux aspects de leur relation de travail. Plus précisément, elle concerne les éléments suivants :

  • L'identité des parties à la relation de travail ;
  • Le lieu de travail ;
  • Information sur la fonction que le travailleur exerce principalement pour l'employeur ;
  • La date de début de la relation de travail ;
  • La date de fin ou la durée prévue si la relation de travail est à durée déterminée ;
  • La rémunération, y compris le montant de base initial, tous les autres éléments constitutifs, le cas échéant, les avantages extra-légaux, ainsi que la méthode et la périodicité de versement des rémunérations ;
  • La durée et, le cas échéant, les modalités de la période d’essai ;
  • Information sur l'horaire fixe ou variable.

Lorsque le travailleur va travailler dans un autre pays pendant plus de quatre semaines consécutives, l'employeur est tenu de fournir des informations supplémentaires au travailleur et ce, avant son départ. De même, en cas de détachement, l'employeur est tenu de fournir des informations supplémentaires au travailleur.

Cette information doit être fournie au travailleur dans un ou plusieurs documents au plus tard le premier jour de travail. Le moyen le plus évident de fournir ces informations est, bien entendu, le contrat de travail lui-même. Cependant, l'employeur peut également délivrer l'information par le biais d'un document préparé unilatéralement par l'employeur. Dans ce cas, la loi incombe à l'employeur de conserver la preuve du transfert ou de la réception. Ainsi, un simple fichier Word envoyé au travailleur par e-mail est accepté.

Bien entendu, un document séparé contenant les informations prescrites ne peut remplacer le contenu obligatoire du contrat de travail. Ainsi, logiquement, le contrat de travail devra contenir au moins une disposition sur la rémunération : il s'agit d'un élément essentiel du contrat de travail. Dans un contrat de travail à durée déterminée, le début et la fin de la relation de travail doivent évidemment aussi être mentionnés.

A partir de la date d'entrée en vigueur de cette loi, les employeurs devront fournir lesdites informations par le biais du contrat de travail ou de tout autre document. En ce qui concerne les contrats de travail qui existaient déjà avant l'entrée en vigueur de la loi, l'employeur est tenu de fournir les informations pertinentes « dans le délai prévu par le chapitre susmentionné » lorsque le travailleur en fait expressément la demande. Ce délai est de 1 mois. 

En cas de non-respect, l'employeur risque une amende pénale de 400 à 4.000 euros ou une amende administrative de 200 à 2.000 euros (à multiplier par le nombre de travailleurs concernés).  Cette sanction n'est, semble-t-il, envisageable que lorsque les prestations ont débuté sans contrat ni document. Si les informations sont incomplètes ou incorrectes, une amende pénale de 800 à 8.000 euros ou une amende administrative de 400 à 4.000 euros (à multiplier par le nombre de travailleurs concernés) est imminente. 

De nombreux modèles de contrats de travail contiennent déjà des informations détaillées sur la relation de travail, ce qui limite l'impact de la loi. Si les contrats standards des entreprises sont plus concis, il conviendra de prendre davantage de mesures. En règle générale, l'extension du texte du contrat de travail sera la solution la plus simple, mais la prudence est de mise. Si le travailleur mentionne explicitement dans son contrat de travail des avantages (extra-légaux) (tels que des chèques-repas, une assurance de groupe, etc.), il est conseillé de toujours prévoir un droit de rétractation. Pour éviter de conférer un statut acquis et contractuel à certains avantages, l'employeur peut se limiter à un "communiqué" par le biais d’un document séparé. Une référence générale dans le contrat telle que, par exemple, « l'octroi de tous les avantages contenus dans les accords sectoriels pertinents » est à éviter si l'entreprise souhaite donner une interprétation différente à certains avantages sectoriels.

Information à caractère collectif

La loi du 7 octobre 2022 modifie également les mentions obligatoires dans la réglementation du travail.  Les quatre éléments suivants doivent être mentionnés dans le règlement du travail :

  1. La procédure, y compris les conditions de forme et les délais de préavis, que l'employeur et le travailleur doivent respecter dans le cas où la relation de travail prend fin, ainsi que les délais de recours contre le licenciement, ou la référence aux dispositions légales ou réglementaires régissant ces points ;
  2. La référence aux conventions collectives de travail et/ou aux accords collectifs conclus au sein de l'entreprise et qui s'appliquent aux conditions de travail et, en ce qui concerne les conventions collectives de travail conclues en dehors de l'entreprise, la référence à l'organe paritaire compétent au sein duquel elles ont été conclues
  3. L'organisme de sécurité sociale qui perçoit les cotisations sociales liées à la relation de travail ;
  4. Le droit à la formation octroyée par l'employeur ou la référence aux dispositions légales ou réglementaires ou aux conventions collectives qui régissent ce droit.

Il convient également de souligner que les points 1 et 2 étaient déjà prévus dans la législation actuelle et n'ont été que mis à jour. En outre, cette mise à jour a un impact minime sur le contenu du règlement de travail :

  • La référence aux délais dans lesquels le licenciement peut faire l'objet d'un recours peut être facilement contournée par une référence au délai visé à l'article 15 de la loi sur les contrats de travail.
  • La référence à l'organe paritaire compétent au sein duquel les conventions collectives de travail ont été conclues ne semble pas apporter une grande valeur ajoutée en pratique. En effet, la plupart des règlements de travail font déjà référence à la ou aux commissions paritaires compétentes.

Aucun délai n'est fixé pour la mise en conformité du règlement de travail existant avec la nouvelle législation. Étant donné que le règlement de travail incomplet est passible d'une amende administrative comprise entre 80 et 800 euros (à multiplier par le nombre de travailleurs concernés), nous vous recommandons de procéder aux modifications nécessaires dans les meilleurs délais. En outre, pour les points 1 et 2 mentionnés ci-dessus, la nouvelle loi prévoit explicitement que la procédure de modification du règlement de travail ne doit pas être suivie. A notre avis, cela devrait également s'appliquer au point 3 malgré l'absence de toute mention expresse à cet égard.

Exigences minimales concernant les conditions de travail

Exclusivité

Les contrats de travail contiennent généralement une clause d'exclusivité qui interdit aux travailleurs d'exercer d'autres activités professionnelles sans l'accord préalable de l'employeur. Cependant, l'article 20 de la loi dispose ce qui suit : « L'employeur ne peut pas interdire à un travailleur de travailler pour un ou plusieurs autres employeurs en dehors de son horaire de travail ou le soumettre, pour cette raison, à un traitement défavorable, sauf si la législation le permet ».

Cet article ne donne pas de laissez-passer aux travailleurs. En effet, la nouvelle loi n'empêche pas l'employeur de soumettre les activités indépendantes d'un travailleur à une autorisation préalable.  En outre, en vertu du droit du travail, un travailleur n'est pas autorisé à faire concurrence à son employeur pendant la durée de son contrat de travail, même s'il s'agit d'une concurrence loyale. Enfin, il est interdit au travailleur, tant pendant le contrat qu'après sa rupture, de :

  • obtenir, utiliser ou divulguer illégalement des secrets commerciaux, dont il peut avoir connaissance dans le cadre de ses activités professionnelles ;
  • commettre ou participer à des actes de concurrence déloyale.

Par conséquent, nous recommandons de rédiger une clause appropriée dans le contrat de travail qui soumet les activités accessoires aux restrictions nécessaires et autorisées. Par ailleurs, l'article 20 ne requiert pas l'élimination ou le remplacement des clauses d'exclusivité actuelles. Celles-ci ne deviendront que partiellement inapplicables par la nouvelle loi, et cela en fonction de chaque cas. Les sanctions prévues (amende pénale de 400 à 4.000 euros ou amende administrative de 200 à 2.000 euros) ne sont applicables que si l'employeur venait à imposer la clause d'exclusivité trop étendue.   

Formations obligatoires

La nouvelle loi exige des employeurs, dans des cas spécifiques, de fournir gratuitement une formation à leurs travailleurs.

En effet, cette obligation ne s'applique qu'aux formations qui sont nécessaires à l'exécution du travail pour lequel le travailleur a été engagé et lorsqu'elles doivent être organisées en application d'une réglementation légale ou d'une convention collective de travail. Ces formations obligatoires ne peuvent pas faire l'objet d'une clause d’écolage.

Par exemple, on peut penser à la formation que doivent suivre les travailleurs du secteur des transports pour obtenir un certificat ADR.

En outre, l'employeur devra organiser cette formation pendant les heures de travail, sauf s'il peut être démontré que son organisation pendant les heures de travail n’est pas possible. Ce temps de formation doit être considéré comme du temps de travail.

Comme cela peut représenter une charge organisationnelle et financière importante pour l’entreprise, il convient que les fonds de sécurité d’existence interviennent dans ce coût salarial. En outre, il va de soi qu'un employeur peut infliger des conséquences aux travailleurs qui n'accepteraient pas l’offre de pareille formation obligatoire. 

Transition vers une autre forme d’emploi

La loi du 7 octobre 2022 permet à un travailleur disposant d’une ancienneté d’au moins six mois auprès du même employeur de demander, par écrit ou par voie électronique, une forme d’emploi comportant des conditions de travail plus prévisibles et plus sûres. Le travailleur doit spécifier de manière concrète et précise ce qu'il souhaite exactement. Cette question est déjà réglementée par la convention collective de travail n° 161 du 27 septembre 2022 :

  • Un contrat de travail à durée indéterminée plutôt qu’un contrat de travail à durée déterminée ;
  • Un contrat de travail à temps plein plutôt qu’un contrat de travail à temps partiel ;
  • Un contrat de travail à temps partiel prévoyant un plus grand nombre d’heures plutôt qu’un contrat de travail à temps partiel prévoyant un moins grand nombre d’heures ;
  • Un contrat de travail avec un horaire fixe plutôt qu’un contrat de travail avec un horaire variable.

Si l'employeur ne donne pas de réponse motivée (écrite ou électronique) à la demande du travailleur, il risque une amende pénale de 400 à 4.000 euros ou une amende administrative de 200 à 2.000 euros. 

Ce n’est évidemment pas le but qu’un travailleur adresse de telles demandes à tout bout de champ. La loi prévoit donc qu'une demande ne soit faite qu'une fois par période de douze mois. En outre, la loi dispose expressément que le travailleur doit s'abstenir de tout usage abusif. Un travailleur qui ne peut justifier sa demande d'aucune manière et qui ne cherche que la protection contre le licenciement (voir ci-dessous), commet clairement un abus.

Durée maximale de la clause d’essai

En droit du travail belge, les périodes d'essai ne sont possibles que dans les contrats de travail pour l'exécution d'un travail temporaire, pour le travail intérimaire et pour l’occupation d'étudiants.

La période d'essai dans les contrats de travail intérimaire et pour l'exécution d'un travail temporaire est fixée à 3 jours. Il est précisé qu'une période d’essai différente peut être prévue à condition que la durée de la période d’essai convenue soit proportionnelle à la durée prévue du contrat et à la nature du travail.  Il est également précisé que les périodes d'essai successives sont interdites lorsqu'un travailleur occupe la même fonction par le biais de contrats de travail pour l'exécution de travail temporaire successifs.

Horaires variables pour les travailleurs à temps partiel

Les travailleurs à temps partiel peuvent être employés sur base d’un horaire variable.  La législation prévoit certains délais dans lesquels l'horaire doit être communiqué à ces travailleurs à temps partiel. Il s'agit d'un délai de cinq jours ouvrables ou d'un délai plus court fixé par le secteur avec un minimum d'un jour ouvrable. La loi contenant diverses dispositions relatives au travail, connue sous le nom de Deal pour l’emploi, porte également ce délai de notification à sept jours ouvrables et trois jours ouvrables respectivement.

La loi du 7 octobre 2022 permet à ces travailleurs à temps partiel de refuser, sans traitement défavorable, d'effectuer une prestation lorsque :

  • cette prestation ne correspond pas à un horaire de travail qui lui a été notifié à temps et/ou ;
  • cette prestation ne correspond pas à la plage journalière et aux jours de la semaine pendant lesquels les prestations peuvent être exécutées.

Le but de l'emploi de travailleurs à temps partiel sur la base d'horaires variables est évidemment de faire face, avec un degré raisonnable de flexibilité, à l'augmentation de la production et du travail. Ces contraintes supplémentaires rendent le recours aux horaires variables de moins en moins réalisable.

Protection contre les traitements défavorables et le licenciement

Si le travailleur a déposé une plainte contre l’employeur pour violation des droits évoqués, l’employeur ne peut pas soumettre le travailleur à un traitement défavorable. L’employeur peut, bien entendu, prendre des mesures fondées sur des raisons étrangères à la plainte. Dans les douze mois suivant le dépôt de la plainte, la charge de la preuve incombe à l’employeur. Une indemnité forfaitaire de six mois de rémunération brute est prévue.

Le législateur va très loin et, en outre, associe la protection contre le licenciement au nouvelles règles. En effet, un employeur ne peut pas licencier un travailleur « qui fait usage de ces droits » sous peine d’une indemnité de six mois de rémunération brute, sauf pour des motifs étrangers à cette plainte.

Par conséquent, un travailleur qui introduit la plainte susmentionnée ou une demande de travail plus prévisible et plus sûr est protégé contre le licenciement. S'il existe d'autres motifs (tels que des performances médiocres), l'employeur peut bien sûr procéder au licenciement sans être tenu de payer cette indemnité de protection, à condition qu'il puisse prouver ces motifs. Toutefois, il faut s'attendre à ce que les travailleurs craignant d'être licenciés utilisent ces outils fournis par la loi pour rendre un licenciement plus difficile. Cela ne peut évidemment pas être l'intention des règles sur les conditions de travail transparentes et prévisibles.

Gieljan Van Mellaert - Associate - Attorney at Law

Lara Descheemaeker - Associate - Attorney at Law

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