01/06/12

Traitement TVA de la gestion discrétionnaire de portefeuille


Le 8 mai 2012, Madame Sharpston, Avocat Général près la Cour de Justice de l'Union européenne (ci-après, « CJUE »), a rendu ses conclusions dans l'affaire Deutsche Bank (C-44/11), concernant la question du traitement TVA applicable aux opérations de gestion discrétionnaire de portefeuille.

Les faits

La société allemande Deutsche Bank (ci-après, « DB ») a conclu avec ses clients des contrats de gestion discrétionnaire de leurs avoirs. Cette forme de gestion patrimoniale consiste pour un investisseur à définir une stratégie d'investissement et un profil de risque avec un gestionnaire. Libre ensuite à ce dernier de prendre les décisions d'investissement, sans qu'il y ait instruction du client, et de réaliser les placements qu'il estime nécessaires pour atteindre cet objectif en réalisant, entre autres, des opérations sur titres. De plus, le gestionnaire se charge de conserver les titres achetés par la tenue d'un compte titre au nom du client.

Les prestations effectuées par DB dans le cadre de la gestion discrétionnaire de portefeuille pour compte de ses clients se décomposent donc comme suit:

- gestion des actifs;
- achat et vente de valeurs mobilières;
- prestations administratives liées à la détention des titres.

La rémunération perçue par DB consiste en un pourcentage de la valeur du portefeuille géré, dont une partie est afférente à la gestion de patrimoine et une autre à l'achat et la vente de valeurs mobilières.

DB a considéré que les prestations qu'elle effectuait dans le cadre de la gestion de portefeuille étaient exemptées de TVA en vertu de la loi TVA allemande. L'administration allemande n'a pas considéré les choses de la même façon. Il s'en est suivi une procédure judiciaire et le Bundesfinanzhof a décidé de poser une question préjudicielle à la CJUE.

Les deux principaux points développés dans cette question préjudicielle posée à la CJUE et sur lesquels l'Avocat Général s'est prononcé sont les suivants :

- La prestation de gestion discrétionnaire est-elle, pour la détermination de son traitement TVA, la somme de différentes opérations ayant chacune leur propre traitement TVA ou au contraire, une opération unique ayant un seul traitement TVA?

- La gestion patrimoniale bénéficie-t-elle d'une exemption uniquement dans le cas de la gestion d'un fond commun de placement ou peut-elle aussi en bénéficier en tant que gestion individuelle de portefeuille?

Les conclusions de l'Avocat Général

Sur l'unicité de prestation, l'Avocat Général répond en se basant sur une jurisprudence constante selon laquelle bien que chaque opération doive normalement être considérée comme distincte et indépendante, l'opération constituée d'une seule prestation sur le plan économique ne doit pas être artificiellement décomposée, afin de ne pas altérer la fonctionnalité du système de la TVA. Les différents services fournis dans le cas présent forment en effet, dans le chef du preneur une prestation unique et indivisible. Selon elle, il serait artificiel de diviser les prestations fournies par DB en plusieurs prestations taxables. Qui plus est, le fait que la rémunération de DB soit fonction de pourcentages différents, variant selon le type de prestations n'est partant pas déterminant.

L'Avocat Général a conclu en considérant les différentes prestations composant la gestion discrétionnaire comme formant un tout indivisible pour la détermination de son traitement TVA.

Ensuite, quant à la question de savoir si la prestation en question bénéficie ou non d'une exemption de TVA, l'Avocat Général a conclu par la négative.

Elle a tout d'abord rappelé que s'agissant de notion autonome de droit communautaire, il faut interpréter une exemption strictement et au regard du principe de neutralité fiscale qui sous-tend le système européen de la TVA.

Selon elle, la gestion discrétionnaire ne tombe pas dans le champ de l'exemption prévue à l'article 135, §1, f) de la Directive TVA pour les opérations sur titres. Elle considère en effet que la gestion discrétionnaire de portefeuille a pour but principal d'obtenir et d'utiliser des « informations pointues dans le but de prendre des décisions avisées ».

L'élément prédominant de la prestation étant de bénéficier des connaissances et de l'expertise du gestionnaire, l'opération ne remplit pas les fonctions spécifiques et essentielles d'une opération sur titres exemptée de TVA. Par conséquent, l'Avocat Général estime que la gestion discrétionnaire de portefeuille est taxable.

Implications

Il ne s'agit encore que des conclusions de l'Avocat Général. Reste à savoir si la CJUE va suivre la position de cette dernière dans cette affaire. Si tel devait être le cas, sa décision pourrait avoir des conséquences importantes, tant dans le chef des gestionnaires de portefeuille que de leurs clients, en Belgique comme à l'étranger.

Une fois que la décision de la CJUE aura été rendue, il conviendra également de surveiller la manière dont l'Administration fiscale belge réagira et dans quel sens celle-ci se positionnera.

dotted_texture