17/12/11

COMMENTAIRE: Obligations d’information des intermédiaires d’assurance

La question de la concrétisation des obligations d’information des intermédiaires d’assurance se pose depuis de nombreuses années dans le secteur. En plus de leur obligation générale d’information, les intermédiaires d’assurance se doivent de répondre à des obligations plus spécifiques contenues dans la loi Cauwenberghs du 27 mars 1995, telle qu’adaptée suite à la directive européenne sur l’intermédiation du 9 décembre 2002 (IMD 1). Plus précisément, l’article 12bis, § 3 de la loi Cauwenberghs exige de l’intermédiaire d’assurance, préalablement à la conclusion du contrat d’assurance, d’identifier les besoins de son client, et de préciser au besoin les éléments sur lesquels il base son avis pour conseiller un certain type de produit.

Comme pendant à cette obligation de donner certaines informations spécifiques à propos d’un produit, compte tenu des besoins du client, il est prévu que l’intermédiaire d’assurance doive également tenir compte des informations qui lui ont été ou non fournies par ce même client. Il doit également tenir compte de la complexité du produit d’assurance proposé. Ainsi, pour les produits non-complexes et standardisés, l’on considère que si l’information qui est contenue dans le contrat lui-même est claire et complète, le client peut alors prendre sa décision en connaissance de cause. L’on n’attend alors pas de l’intermédiaire d’assurance qu’il effectue de sa propre initiative une étude des besoins de son client par rapport à sa situation personnelle. Afin de prévenir les conflits d’intérêt, mais essentiellement dans le cadre d’une obligation de loyauté vis-à-vis de son client, l’on exige par contre de l’intermédiaire d’assurance, lorsqu’il signale à son client qu’il fonde son avis sur analyse impartiale, de baser cet avis sur un nombre suffisant de contrats disponibles sur le marché, de sorte que, selon des critères professionnels, il soit capable de recommander à son client le contrat le plus adapté pour lui (article 12bis, § 2). Il faut remarquer ici que cette obligation d‘information ne s’applique pas à l’intermédiation en matière d’assurances pour les gros risques, tels que décrits dans le Règlement de Contrôle du 22 février 1991.

Les règles d’IMD1 qui avaient été transposées dans la loi Cauwenberghs, donnent lieu, à cause de leur description plutôt vague, à une certaine insécurité juridique concernant le degré d’informations à diffuser. Par exemple, il n’y a pas de clarté à propos du fait qu’à côté de l’obligation d’information, les intermédiaires d’assurance soient soumis à un devoir d’enquête, ni à propos du fait que l’intermédiaire soit obligé ou non de diversifier son analyse des besoins en fonction de la complexité du produit offert.

Nombre de ces obligations d’information sont reprises dans la réglementation Mifid pour les produits d’investissement. Les entreprises d’assurance et les intermédiaires d’assurance ne sont pas soumis à cette réglementation Mifid, même s’ils offrent des produits qui sont relativement comparables avec les produits et activités d’investissement (notamment les produits de la branche 23). Sur le plan des obligations d’information, l’on peut certainement faire un parallélisme entre la réglementation Mifid et la réglementation applicable aux intermédiaires d’assurance. À côté d’une obligation de loyauté vis-à-vis de l’investisseur non professionnel, et d’une réglementation en matière de conflits d’intérêt et d’inducement , la règlementation Mifid comporte des obligations d’information concernant la transparence des frais et coûts, ainsi que la règle « know your customer », une obligation de constituer un dossier, de dresser un rapport, des obligations en matière de traitement des demandes, ainsi qu’une règle de « best-execution ».

Bien que l’on considère souvent que le fait d’appliquer les règles Mifid au secteur de l’assurance engendrerait une plus grande sécurité juridique concernant l’amplitude de cette obligation d’information, les associations d’entreprises d’assurance et d’intermédiaires en assurance s’opposent généralement à toute initiative visant à leur rendre les règles Mifid applicables. Selon eux les règles Mifid seraient spécifiquement conçues pour le secteur bancaire, et ne seraient donc pas forcément adaptées au contexte des assurances. L’on pointe principalement comme argument la gamme relativement étendue de règles, sur base auto-régulée ou non, qui conduisent déjà à une réelle transparence et une meilleure protection du consommateur. À côté des obligations déjà existantes sous la loi Cauwenberghs, pointons encore le « Code de bonne conduite relatif à la publicité et à l’information sur les assurances-vie individuelles », ainsi que les fiches d’information sectorielle, qui tiennent compte de la spécificité de chaque produit d’assurance, et qui autorisent le consommateur à prendre connaissance des caractéristiques essentielles du produit. Selon les « Règles de conduite relatives à la distribution des produits financiers », créées suite à une concertation entre les intermédiaires et les entreprises d’assurance, le consommateur doit être informé des caractéristiques et paramètres de son produit, tels que l’horizon d’investissement, le niveau de risque, le besoin de liquidités et le but de l’investissement (capitalisation ou virements réguliers). En vertu de ce Code, les intermédiaires d’assurance sont donc obligés de poser les questions adéquates afin de pouvoir cerner le profil de leur client en tant que candidat-preneur d’assurance, et de lui fournir l’avis le plus indépendant possible (know your customer).

Même si les initiatives sectorielles décrites ici vont dans le détail quant à l’étendue de l’obligation d’information des intermédiaires d’assurance, il faut noter qu’elles ne correspondent pas entièrement aux règles Mifid. Sur le plan des conflits d’intérêt et de la transparence des coûts, ces règles ne souffrent pas la comparaison avec les règles Mifid. En outre, leur violation n’est pas réellement sanctionnée, alors que c’est le cas pour les règles Mifid. Ceci n’a certainement pas échappé à nos responsables politiques. Ce n’est donc pas totalement par hasard si la loi du 2 juillet 2010 a inséré un nouvel article 28ter dans la loi du 2 août 2002 sur la surveillance du secteur financier, qui autorise le Roi à appliquer les règles Mifid, telles que contenues dans les articles 26 à 28bis de cette loi, aux intermédiaires d’assurance. L’on peut également s’attendre, au niveau européen, à une extension certaine des règles Mifid aux intermédiaires d’assurance et aux assureurs directs. La Commission Européenne travaille pour l’instant à une refonte de la directive intermédiation de 2002 (IMD 2), dans laquelle elle souhaiterait satisfaire les besoins des consommateurs qui ont une connaissance insuffisante des risques, coûts et caractéristiques des produits d’assurance, ainsi que régler le fait que ceux qui vendent ces produits sont soumis à d’importants conflits d’intérêt entre intermédiaires et compagnies d’assurance, ou entre intermédiaires et tiers (tels que des gestionnaires de fortune). La Commission a également pris des initiatives pour uniformiser, voire même durcir les règles applicables aux « PRIPS » (Packaged Retail Investment Products).

L’on ne peut donc pas encore parler d’une véritable application des règles détaillées de Mifid aux intermédiaires d’assurance, mais l’on peut au moins s’attendre à ce que les intermédiaires d’assurance et les assureurs directs soient dans un avenir proche confrontés à une réglementation tout à fait comparable aux règles Mifid. Nous vous tiendrons bien entendu au courant des évolutions dans ce domaine.

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