22/03/13

Directive 2005/29 : au tour des annonces de vente en liquidation d’être passées au crible

La délimitation du champ d'application de la directive 2005/29/CE sur les pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs a déjà donné lieu à plusieurs arrêts de la Cour de Justice.

Le dernier en date porte sur la compatibilité de la réglementation autrichienne en matière d'annonces de ventes en liquidation avec ladite directive.

En l'espèce, le litige au principal opposait un commerçant à l'administration autrichienne au sujet de l'autorisation administrative préalable nécessaire pour pouvoir annoncer une vente en liquidation. L'administration reprochait à un commerçant établi à Innsbruck, M. Köck, d'avoir annoncé dans un journal la « liquidation totale » des produits de son magasin et d'en avoir fait la publicité au moyens de panneaux placés devant celui-ci. M. Köck, contrairement à la réglementation autrichienne applicable, n'avait pas sollicité l'autorisation de l'administration pour annoncer une telle vente en liquidation.

La juridiction de renvoi, l'Oberster Gerichtshof, interrogea la Cour sur le point de savoir si la directive s'oppose à ce qu'une juridiction nationale ordonne la cessation d'une pratique commerciale au seul motif que cette dernière n'a pas fait l'objet d'une autorisation administrative préalable, sans pour autant que la juridiction saisie ait à procéder elle-même à une appréciation du caractère déloyal de la pratique.

Dans son arrêt du 17 janvier 2013 (C-206/11), la Cour va tout d'abord, sans surprise, décider que des mesures publicitaires, telles que l'annonce d'une vente en liquidation, visent directement à promouvoir et vendre les marchandises d'un opérateur et constituent dès lors des « pratiques commerciales » au sens de la directive.

De même, selon la Cour, la réglementation d'une telle annonce relève du champ d'application de la directive dès lors qu'elle vise la protection des consommateurs et non exclusivement celle des concurrents et des autres acteurs du marché.

La Cour rappelle ensuite, comme elle en a l'habitude, que les seules pratiques commerciales susceptibles d'être considérées comme déloyales, sans faire l'objet d'une évaluation au cas par cas au titre des dispositions des articles 5 à 9 de la directive, sont celles qui figurent à l'annexe I. Tel n'est pas le cas de l'annonce d'une vente liquidation mise en œuvre par un professionnel qui ne dispose pas d'une autorisation administrative pour ce faire.

Une pratique qui ne figure pas dans cette annexe ne peut être déclarée déloyale que si son caractère déloyal a fait l'objet d'un examen conformément aux critères fixés aux articles 5 à 9 de la directive.

Sans remettre en cause la possibilité, pour un Etat membre, de procéder à un contrôle anticipé ou préventif d'une pratique commerciale, notamment au travers d'un régime d'autorisation préalable, sous contrainte de sanctions, la Cour décide toutefois que ceci ne saurait avoir pour effet d'interdire une pratique commerciale sans procéder à une appréciation de son caractère déloyal au regard des critères énoncés par la directive.

Le dispositif de l'arrêt se lit comme suit :

« La directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil et les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) n° 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil («directive sur les pratiques commerciales déloyales»), doit être interprétée en ce sens qu'elle s'oppose à ce qu'une juridiction nationale ordonne la cessation d'une pratique commerciale ne relevant pas de l'annexe I de cette directive, au seul motif que ladite pratique n'a pas fait l'objet d'une autorisation préalable de l'administration compétente, sans pour autant procéder elle-même à une appréciation du caractère déloyal de la pratique concernée au regard des critères énoncés aux articles 5 à 9 de ladite directive ».

Dans ce cadre se pose naturellement la question de savoir si cet arrêt est susceptible d'avoir des répercussions sur la réglementation belge de la vente en liquidation et de l'annonce de vente en liquidation.

En effet, la réglementation belge, contenue aux articles 24 à 26 LPMC, n'est pas sans présenter des similitudes avec la réglementation autrichienne.

La vente en liquidation n'est ainsi autorisée que dans un nombre de cas limitativement énumérés. De plus, l'entreprise qui souhaite procéder à une vente en liquidation doit notifier au préalable son intention auprès de l'administration (art. 24 LPMC). Dans certains cas, une autorisation est même requise (art. 25 § 2 et 25 § 3 LPMC).

Une entreprise qui procède à une vente en liquidation ou qui annonce une telle vente sans avoir procédé à une notification préalable ou sans disposer de l'autorisation requise s'expose à diverses sanctions, parmi lesquelles la cessation de la pratique en cause, sans que le caractère déloyal de la pratique soit examiné au préalable.

Tout porte donc à croire, sur base d'un premier examen, que la réglementation belge en matière de ventes en liquidation est pour le moins sujette à caution, d'autant que les travaux préparatoires de la LPMC semblent confirmer que l'objectif visé par cette réglementation soit, du moins en partie, la protection du consommateur.

On peut donc raisonnablement s'attendre à ce que certains juges belges, confrontés à un litige en la matière, décident de ne pas appliquer la réglementation concernée, voire interrogent la Cour de Justice sur sa conformité avec la Directive 2005/29.

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