25/10/21

Le nouveau droit d’usufruit, quoi de neuf pour votre entreprise ?

Le 1er septembre 2021, la loi du 4 février 2020 portant réforme du droit des biens est entrée en vigueur. Elle remplace intégralement le livre II de l’ancien Code civil par un tout nouveau livre III, intitulé « Les biens » repris dans le nouveau Code civil. Le titre 6 de ce nouveau livre est consacré au « Droit d’usufruit ».

Si les principes généraux de l’usufruit restent inchangés (cessibilité du droit, restitution de la chose, etc.), le législateur l’a modernisé pour répondre aux usages actuels, tout en clarifiant certaines questions sujettes à controverse. Il a également arrêté une série de « dispositions spécifiques » pour certains « biens particuliers » (comme les instruments financiers).
 

A.  Les principales modifications apportées au régime général de l’usufruit

Quelle est la durée d’un droit d’usufruit ?

Le droit d’usufruit reste par essence un droit temporaire. Pour les personnes physiques, il reste au maximum viager (il s’éteint à leur décès).

Qu’en est-il pour les personnes morales ?

La durée maximale de 30 ans est portée à 99 ans.

La faillite ou la dissolution d’une société a-t-elle un impact sur l’usufruit ?

Oui, la loi prévoit à présent que la faillite ou la dissolution (volontaire, légale ou judiciaire) de la personne morale entraine l’extinction de l’usufruit, ce qui était discuté dans le passé.

La fusion ou la scission de sociétés entraine-t-elle l’extinction de l’usufruit ?

Non, sauf clause contraire, l’usufruit ne s’éteint pas en cas de fusion, de scission ou d’opération assimilée.

Que se passe-t-il en cas de décès, faillite ou dissolution de l’usufruitier sur les droits d’usage octroyés par l’usufruitier ?

Lorsque l’usufruitier « cesse d’exister », seuls les droits d’usage à titre onéreux en cours octroyés par l’usufruitier subsistent pour leur durée, avec toutefois un maximum de trois ans. Précédemment, la règle générale limitait les baux à la période de neuf ans en cours.

Le nu-propriétaire d’un immeuble peut-il visiter le bien pendant la durée de l’usufruit ?

Oui, le nu-propriétaire d’un immeuble a, à présent, le droit de visiter le bien immeuble grevé de l’usufruit une fois par an.

B.  Quel est l’impact de la réforme de l’usufruit sur les actions d’une société ?

Qui exerce entre l’usufruitier et le nu-propriétaire les droits attachés à la qualité d’actionnaire (tel le droit de vote à l’assemblée générale) ?

Pour cette question, le législateur a opté pour un principe général de renvoi au Code des sociétés et des associations (le CSA).
Ainsi pour les SRL et les SA, « sauf disposition statutaire, testamentaire ou conventionnelle contraire », c’est l’usufruitier qui exerce tous les droits attachés aux actions et autres titres (art. 5 :22 CSA pour les SRL et art. 7 :26 CSA pour les SA). La créativité des parties est donc préservée.

Qui perçoit les dividendes ?

En principe, les dividendes distribués sans affecter le capital reviennent à l’usufruitier.

Toutefois, seuls les dividendes fixés par l’assemblée générale durant la période de l’usufruit sont versés à l’usufruitier. Si les dividendes ne font l’objet d’une décision qu’après la fin de l’usufruit, ceux-ci reviennent au nu-propriétaire (sans préjudice toutefois, des règles d’indemnisation en cas d’enrichissement injustifié dans le chef de celui qui les perçoit).

Qu’en est-il des produits exceptionnels inhérents aux actions comme par exemple, la prime accordée lors d’un rachat d’actions propres ?

Entamant le capital, ces produits ne peuvent pas être considérés comme des « fruits » revenant à l’usufruitier. Celui-ci n’en devient pas propriétaire. Il les encaisse à charge pour lui de les restituer au nu-propriétaire à la fin de son usufruit, dans le cadre de ce qu’on appelle un « quasi-usufruit ».

Est-il possible d’écarter ou d’aménager l’application des règles précitées ?

Oui, celles-ci étant supplétives, les parties peuvent y déroger en tout ou en partie.

C.  A partir de quand ces nouvelles règles s’appliquent-elles ?

Le nouveau droit des biens est entré en vigueur le 1er septembre 2021. Il s’applique à tous les actes juridiques et faits juridiques qui ont lieu après son entrée en vigueur.

En revanche, il ne s’applique pas – sauf accord contraire entre les parties – aux effets futurs des actes et faits juridiques survenus avant son entrée en vigueur, ni aux actes et faits juridiques produits après son entrée en vigueur mais qui se rapportent à des droits réels découlant d’un acte ou fait juridique survenu avant cette date.

En tout état de cause, les nouvelles dispositions ne peuvent porter atteinte aux droits qui auraient été acquis avant leur entrée en vigueur.

D.  Quelles sont les autres conséquences et nouveautés de cette réforme ?

L’impact des modifications apportées dans le cadre de la réforme du droit des biens et en particulier, du droit d’usufruit, dépasse largement l’objet de la présente newsletter. Le législateur a notamment prévu des dispositions spécifiques en cas d’« usufruit sur créances » ou en cas de constitution d’« usufruit sur des droits intellectuels ».

Cette réforme a également des implications en matière de planification successorale (par exemple, en cas d’usufruit indivis ou commun, la « clause d’accroissement » est sauf clause contraire, de droit, ou encore, par la généralisation de la « conversion » pour toute forme d’usufruit légal).

Toutefois, le caractère supplétif imprégnant le nouveau livre 3 laisse en tout état de cause, une large place à la créativité des parties par l’insertion de clauses statutaires, contractuelles et/ou testamentaires selon les cas.

Tamara Hoogstoel
tamara.hoogstoel@thales.be
Associate Partner – Corporate & Commercial Law
Thales Brussels
 

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