23/03/10

Deux propositions de loi afin de lutter contre le téléchargement illégal

L'industrie du disque connaît depuis plusieurs années une crise profonde dont une des causes n'est autre que le téléchargement illégal de fichiers musicaux et cinématographiques. Les auteurs de musique ont ainsi vu leurs revenus chuter de manière significative.

Plusieurs pays, dont la France avec la loi dite « Hadopi », ont déjà pris des mesures pour lutter plus efficacement contre cette problématique.

A l'heure actuelle, il n'existe pas d'équivalent en Belgique. Toutefois, Ecolo et Groen ! ainsi que le Sénateur Philippe Monfils ont chacun déclaré qu'ils allaient prochainement deposer une proposition de loi tendant à prévenir et réprimander le téléchargement illégal.

La situation actuelle

En France - La loi HADOPI

Adoptée le 15 septembre 2009, la loi relative à la protection pénale de la propriété littéraire et artistique sur Internet, dite loi HADOPI 2, a pour but de sanctionner pénalement les internautes qui téléchargent illégalement des oeuvres protégées par un droit d'auteur (musique, film, etc.).

Elle prévoit des mesures progressives de répression des internautes. Repéré par l'autorité responsable du contrôle du trafic Internet, l'internaute ayant téléchargé illégalement recevra tout d'abord des mails d'avertissement. En cas de récidive, une lettre recommandée lui sera envoyée. Enfin, la sanction ultime sera la suspension, voire la résiliation de son abonnement Internet.

Les principales remarques émises à l'égard de cette loi sont :

- l'intrusion dans la vie privée des internautes car ils vont faire l'objet d'une véritable surveillance sur la toile ;

- la disproportion entre la sanction et l'infraction, à savoir la suspension complète de l'accès à Internet (http://www.lexpress.fr/actualite/media-people/media/la-loi-hadopi-qu-est-ce-quec-est_512898.html).

En Belgique

Il n'existe à l'heure actuelle pas de législation spécifique organisant la lutte contre les téléchargements de fichiers illégaux.

Des actions peuvent toutefois être menées au moyen de certains textes (la loi du 30 juin 1994 relative au droit d'auteur et aux droits voisins, la loi du 15 mai 2007 relative à la repression de la contrefaçon et de la piraterie de droits de propriété intellectuelle, etc.). Cependant, aucun des textes en vigueur en Belgique ne permet de lutter spécifiquement et efficacement contre le téléchargement illégal.

La proposition de loi du Sénateur Philippe Monfils

Tout comme le système français, la proposition de loi du sénateur Philippe Monfils apporte une réponse graduée aux téléchargements illégaux. A chaque étape correspond une sanction pénale spécifique.

En cas de téléchargement illégal, l'internaute recevra d'abord un avertissement (1). En cas de récidive dans les 6 mois, il sera condamné à une amende (2). Enfin, s'il persiste, le dossier sera envoyé au Parquet. Le juge pourra alors condamner à une amende et à une limitation de l'accès à l'Internet haut-débit (3). Enfin, s'il y a encore récidive, l'amende est doublée et la suspension totale de l'accès à Internet peut être prononcée (4).

Dans sa décision du 10 juin 2009 sur le projet de loi HADOPI 1 (Décision n° 2009-580 DC du 10 juin 2009), le Conseil Constitutionnel invoquait qu'"eu égard à la nature de la liberté garantie par l'article 11 de la Déclaration de 1789, le législateur ne pouvait [] confier les pouvoirs (de restreindre ou d'empêcher l'accès à internet) à une autorité administrative dans le but de protéger les droits des titulaires du droit d'auteur et de droits voisins"(point 16). Le sénateur Monfils, peutêtre dans un souci d'éviter que la même controverse ne naisse à l'égard de sa proposition de loi, a prévu de confier le pouvoir de sanction aux juges du pouvoir judiciaire.

Monsieur Monfils précise par ailleurs que sa proposition de loi (intitulée Proposition de loi visant à promouvoir la création culturelle sur Internet) ne porte pas atteinte à la protection de la vie privée « puisqu'elle s'inscrit dans les exceptions prévues par la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée à l'égard des traitements de données à caractère personnel ».

Grâce à cette loi, le sénateur Monfils espère modifier le comportement des internautes et les amener à petit à petit se tourner vers les plates formes de téléchargement légal.

« L'idée est de changer le comportement des internautes en travaillant sur le volet prévention ».

La « licence globale » d'Ecolo et Groen !

La « licence globale », proposée par le sénateur Hellings (Ecolo) et la sénatrice Pyrins (Groen !), se situe à la frontière entre l'exception de copie privée et l'exception de reprographie.

Il s'agit d'une contribution de quelques euros qui sera automatiquement intégrée dans chaque abonnement mensuel à l'Internet haut-débit (sur ce point, la licence globale se rapproche de l'exception de reprographie).

Cette contribution sera payée par les fournisseurs d'accès à l'Internet. Les droits de la licence seront ensuite répartis grâce à l'analyse anonyme des téléchargements effectués sur Internet.

Afin que cette mesure ne se répercute sur le prix des abonnements, les auteurs de la proposition de loi ont prévu de bloquer ceux-ci avant l'instauration de la licence globale.

Les auteurs de la proposition de loi insistent sur le fait que la licence globale ne portera pas atteinte au respect de la vie privée.

Voir : www.benoithellings.be

Conclusion

La double initiative parlementaire s'inscrit donc dans deux logiques fondamentalement différentes.

Le sénateur Monfils surfe sur l'expérience française de la loi HADOPI (dont le caractère concluant n'a pas encore pu être apprécié).

Ecolo et Groen ! ont choisi de mettre de côté le volet pénal et ont opté pour une solution Assurant une compensation économique aux auteurs, à l'instar de la solution qui a prévalu en matière de reprographie.

Le pouvoir législatif va devoir prendre position entre ces deux approches. Le premier mérite de l'initiative est en tout cas de lancer un débat qui s'était jusqu'ici principalement déroulé dans les prétoires, dans le cadre de litiges opposant fournisseurs d'accès et titulaires de droits.

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