27/05/16

Sanctions en cas de mise à disposition illégale de personnel: pas uniquement théoriques

Le fait pour des entreprises de prester des services pour d’autres entreprises, à l’occasion desquels des membres du personnel sont «placés» chez le client, fait partie intégrante de notre économie. Cela se fait parfois dans le cadre d’un «contracting», «outsourcing» ou «détachement». La mise à disposition de personnel est strictement réglementée. Les sanctions en cas de non-respect de cette réglementation relèvent normalement du droit du travail, mais un récent arrêt de la Cour de Cassation confirme que les principes généraux du droit des contrats sont également d’application: une demande qui se fonde sur une activité contraire aux règles de la mise à disposition de personnel a pour conséquence le non-recouvrement du prix pour les services rendus.

Principe

La mise à disposition de travailleurs auprès d’un utilisateur qui exerce sur ces travailleurs (une partie) de l’autorité patronale, est en principe interdite. La loi prévoit toutefois une série de possibilités de mise à disposition, mais ces possibilités sont à chaque fois liées à des conditions et procédures strictes.

L’interdiction a quant à elle un champ d’application très large et vaut également lorsque la mise à disposition a lieu au sein du même groupe économique et financier.

Lors de chaque contracting ou outsourcing d’activités, il convient de toujours tenir compte de ces règles.

Sanctions classiques

La mise à disposition illégale peut donner lieu aux sanctions suivantes.

  • L’entreprise qui met des travailleurs à disposition et l’utilisateur risquent des amendes pénales (de 600 EUR à 6000 EUR x nombre de travailleurs en infraction) et administratives (de 300 EUR à 3000 EUR x nombre de travailleurs en infraction). Le juge peut, dans certaines situations, prononcer d’office une interdiction d’exploitation, une interdiction professionnelle ou la fermeture temporaire (1 mois à 3 ans) de l’entreprise.
  • L’entreprise qui met des travailleurs à disposition et l’utilisateur sont solidairement responsables pour le paiement des cotisations de sécurité sociale, rémunérations, indemnités et autres avantages qui découlent du contrat de travail. Pour les mises à disposition intra-groupe, il s’agit bien évidemment, la plupart du temps, d’un problème de moindre importance.
  • L’utilisateur est réputé avoir conclu un contrat de travail à durée indéterminée directement avec les travailleurs concernés et ce dès le début de leur travail pour l’utilisateur. Cette sanction ne peut pas être préjudiciable pour le travailleur: il peut mettre un terme au contrat sans préavis, ni indemnité jusqu’à la date à laquelle il n’aurait normalement plus été à la disposition de l’utilisateur.
  • Le contrat de travail entre le travailleur et l’employeur peut être déclaré nul en raison de la violation de la législation d’ordre public, mais le travailleur ne peut pas subir de préjudice.

Sanction inattendue – arrêt de la Cour de Cassation du 15 février 2016

Dans son arrêt du 15 février 2016, la Cour de Cassation a insisté sur une autre sanction, moins connue.

Le prestataire de services qui souhaite facturer ses services à l’utilisateur (par exemple pour les charges salariales du personnel illégalement mis à disposition), ne peut pas se fonder sur le contrat entre le prestataire de services et l’utilisateur pour réclamer le paiement de sa facture.

Selon la Cour, le contrat est en effet frappé de nullité absolue, étant donné que l’interdiction de mise à disposition est d’ordre public. Or, un contrat nul (en raison d’une cause illicite) ne peut pas produire d’effets juridiques.

La Cour a décidé que le prestataire de services ne peut pas non plus, dans cette hypothèse, se baser sur la théorie de «l’enrichissement sans cause». Il est vrai que l’utilisateur a bénéficié de l’avantage de prestations «gratuites» des travailleurs mis à disposition, mais la Cour décide que le juge peut refuser la demande de l’entreprise qui a mis des travailleurs à disposition, c’est-à-dire la partie «appauvrie», s’il apparaît que, dans ce cas, l’effet préventif de la sanction de nullité serait mis en péril ou si l’ordre social requiert que la partie «appauvrie» soit sanctionnée plus sévèrement.

Point d’action

Veillez à ce que chaque collaboration avec des travailleurs mis à disposition se déroule correctement et prévoyez des contrats bien rédigés avec le maître de l’ouvrage. Ce conseil n’est pas théorique et l’enjeu est important: en plus des sanctions connues, vous risquez de ne pas pouvoir réclamer le paiement de votre facture.

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