22/09/23

Information sur le projet de loi sur la modernisation de la profession d’avocat

L'objectif de cette note est de décrire les lignes de force du projet de loi sur la réforme de la profession d’avocat telle que se présente le texte à l’heure actuelle.

Elle est basée sur le texte qui a été approuvé en Conseil des Ministres en date du 15 septembre dernier.

Nous attirons votre attention sur le fait que ce texte doit encore être envoyé au Conseil d’Etat, aux Ordres communautaires, à l’APD et aux Communautés pour avis. 

Le texte sera également soumis pour avis à la Cour de Cassation et au collège des Procureurs Généraux.

Des modifications seront donc peut-être envisagées à ce niveau.

Après une deuxième lecture en Conseil des ministres, il sera déposé à la Chambre des Représentants.

Dans l’état actuel du texte, l’entrée en vigueur serait envisagée pour le 1er juin 2024.

Il nous paraissait cependant important que vous soyez informés dès à présent de son contenu.

1. RAPPEL HISTORIQUE

A la fin du mois de novembre 2022, le cabinet du Ministre de la Justice a fait part aux Ordres Communautaires de sa volonté de modifier certains textes en vue de moderniser la profession d’avocat.

Ceci permettait d’achever un triptyque visant à réformer les professions juridiques : les notaires, les huissiers et enfin les avocats.

Les propositions se basaient sur quatre axes à savoir :

  1. Supervision et discipline,
  2. Organisation
  3. Entreprenariat et indépendance
  4. Stage

Les Ordres Communautaires ont collaboré ensemble de manière à transmettre au Ministre les éléments qui paraissaient importants pour la profession. Ils ont pu également compter sur la collaboration des barreaux pour ce faire.

2. LE TEXTE ACTUEL

2.1. Objectifs poursuivis

L’exposé des motifs relate que les différents objectifs rappelés ci-avant sont, selon le Ministre, atteints.

Ainsi en résumé, l’on peut lire :

Le contrôle

Un premier objectif est d'améliorer davantage le contrôle de la profession d'avocat, par les avocats mêmes, afin que la qualité de la profession puisse continuer à être garantie.

Le projet de loi n'est pas une simple loi réparatrice, mais vise à fournir la base d'enquêtes disciplinaires plus indépendantes et d'une plus grande implication du plaignant dans la procédure,

Le principe en vertu duquel le dossier disciplinaire d’un avocat doit être instruit par ses pairs en toute indépendance était, et reste, d'application.

Le rôle du bâtonnier est toutefois réévalué. Ainsi, le bâtonnier n’effectuera plus lui-même l'enquête disciplinaire, mais celle-ci sera menée par des enquêteurs. 

Le bâtonnier ou, dans certains cas, le président du conseil de discipline devient aussi partie à la procédure disciplinaire et peut être entendu à l'audience et déposer des conclusions.

La position du plaignant obtient l’attention nécessaire. Dans certains cas, le plaignant a également la possibilité de porter plainte disciplinaire directement auprès du secrétaire du conseil de discipline d’appel. Par ailleurs, le bâtonnier se voit désormais attribuer explicitement la mission de concilier les parties à une plainte. La position du plaignant est renforcée davantage en l'associant plus étroitement à la procédure disciplinaire.

L’entreprenariat

Le deuxième objectif du projet de loi consiste à prendre quelques mesures afin de conférer à l'avocat une marge de manœuvre supplémentaire en tant qu'entrepreneur, sans perdre de vue les valeurs fondamentales de la profession.

Ainsi, il est ancré dans la loi que la profession d'avocat peut également être exercée sous le statut d’employé. Cela peut être l'un des facteurs incitant les avocats à continuer à exercer la profession, mais cela peut aussi certainement offrir aux cabinets des possibilités de se différencier davantage et de se développer en tant qu'entreprises.

Le stage


Cet objectif du projet de loi vise à assurer l'attractivité de la profession et à renforcer les garanties d'une formation de qualité pour les avocats débutants.

L'objectif doit être de préserver la profession de l'hémorragie et les propositions entendent y contribuer.

Le projet de loi propose dès lors que la formation professionnelle d'avocat précède le stage. La réussite de cette formation professionnelle sera une condition pour commencer le stage proprement dit.

Liée à la formation professionnelle préalable, la durée de la période de stage est raccourcie.

En outre, le maître de stage fait également l'objet d'une attention particulière. En effet, un stage correct et de qualité dépend aussi en grande partie de la qualité et de l'engagement du maître de stage.

Enfin, comme pour tous les avocats, l'avocat stagiaire peut bénéficier du statut d’employé.

2.2 Quelques points d’attention concrets

  • Concertation structurelle

Il y aura une concertation structurelle au niveau national entre le collège des cours et tribunaux, le collège du Ministère public, et les Ordres communautaires au moins une fois l’an.

  • Stage

Il y aura une séparation de la formation professionnelle et du stage.

Ainsi, une formation préalable devra être organisée pour les stagiaires.

II est proposé de réduire la durée actuelle du stage soit trois ans, du temps passé à la formation professionnelle. Une fois la formation professionnelle et le stage réussis, l’avocat stagiaire peut, s’il a satisfait à toutes les conditions légales, travailler en tant que professionnel à part entière.

L’objectif poursuivi par la modification proposée est d’abord que les obligations de stage ne soient plus déterminées par l’Ordre local mais par les Ordres communautaires. Le maintien des obligations reste toutefois une compétence du conseil de l’Ordre.

Le Roi peut déterminer l’entrée en vigueur des dispositions qui concernent la réorientation du stage – y compris la formation professionnelle préalable. Toutefois, ces dispositions entreront en vigueur le 30 juin 2028. Cela devrait laisser suffisamment de temps aux Ordres communautaires pour prendre toutes les mesures nécessaires pour organiser la formation professionnelle.

Enfin, une étude sera menée pour la 2e lecture sur la possibilité d'une rémunération meilleure et plus cohérente des avocats stagiaires et son ancrage juridique pour l'ensemble de la période du stage, avec une attention particulière pour la rémunération de l'avocat stagiaire qui a commencé la 3e année de stage.

Une proposition concrète est demandée à l'OVB et à l'OBFG pour que la rémunération minimale de l'avocat stagiaire soit supérieure au seuil de pauvreté et pour qu'une augmentation de la rémunération minimale du stagiaire soit également envisagée pour la 3e année de stage. 

Les représentants des stagiaires seront consultés à ce propos. 

  • Incompatibilités

L’exercice d’une industrie ou d’un négoce demeure une incompatibilité absolue et non relative.

  • Statut d’employé 

Les avocats pourront avoir le statut d’employé mais les Ordres communautaires détermineront les conditions pour ce faire.    

  • Omission    

Il est rappelé que le conseil de l’Ordre est maître du tableau mais le projet détermine quelles sont les conditions qui lui permettent d’omettre un avocat.

Il en est ainsi lorsque :

  1. l’avocat n’a plus de cabinet dans le ressort de l’Ordre ;
  2. l’avocat est dans l’impossibilité de manifester sa volonté quant à la poursuite de son activité d’avocat;
  3. il existe une quelconque autre cause d’omission en application des règlements des autorités  visées à l’article 488 applicables à l’avocat.

Sauf si l’omission est faite à la demande de l’avocat, le bâtonnier convoque l’intéressé afin d’être  entendu devant le conseil de l’Ordre concernant l’omission.

Le bâtonnier peut mener une enquête d’information ou désigner un avocat pour y procéder. 

En séance du conseil de l’Ordre, le bâtonnier ou l’avocat qu’il a désigné fait rapport sur l’enquête d’information menée.

Le bâtonnier s’il a mené l’enquête d’information ou l’avocat qu’il a désigné pour y procéder s’abstient de participer aux délibérations et au prononcé.

Outre la procédure à suivre, il est également précisé qu’en cas de nécessité, le bâtonnier peut prendre les mesures conservatoires appropriées pour sauvegarder les intérêts des clients de l’avocat omis et de tiers (par exemple, la désignation d’un administrateur, d’un séquestre, etc.).   

  • Contrôle des comptes de tiers

La modification de l’article 446 quater vise à donner une base légale à un contrôle informatique automatisé des comptes de qualité de l’avocat à l’exclusion des comptes qu’ils gèrent dans le cadre d’un mandat judiciaire.

Il s’agit de détecter les transactions suspectes et illicites, de les documenter, d’optimiser le processus de détection de ces transactions et, le cas échéant, de communiquer au bâtonnier de l’Ordre auquel est inscrit le titulaire du compte toutes les données d’identification des transactions suspectes et illicites.

  • Droit d’injonction du Bâtonnier

Le droit d’injonction est actuellement basé sur la combinaison des articles 447 et 473 du Code Judiciaire, ce dernier article ne visant toutefois que les mesures conservatoires.

Le projet confirme bien entendu le fait que le Bâtonnier soit le chef de l’Ordre (Art. 447 du Code Judiciaire) mais ajoute qu’en cette qualité il dispose de la possibilité d’imposer aux avocats une obligation qui doit cependant toujours être motivée.

Le texte du projet consacre désormais ce pouvoir d’injonction.

D’autre part, dans le cas où des mesures conservatoires sont prises par le bâtonnier à l’encontre d’un avocat sur base de l’article 473 du Code Judiciaire, une procédure est prévue dans le projet permettant à l’avocat d’introduire des recours contre cette décision.

Ainsi le projet prévoit que l’avocat qui estime que les circonstances à l’origine de la mesure conservatoire prise à son égard ne sont plus réunies, en demande la levée au bâtonnier. Celui-ci se prononce dans les quinze jours.

L’avocat peut introduire un recours contre la décision du bâtonnier devant le conseil de l’Ordre.

Il peut également saisir le conseil de l’Ordre si le bâtonnier n’a pas pris position dans les quinze jours repris ci-avant.

Dans ce cadre, l’avocat peut faire appel d’une décision du conseil de l’Ordre auprès du Conseil de discipline d’appel dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision.

Le bâtonnier, en tant que Chef de l’Ordre, doit également veiller au règlement amiable des différends.

  • Disciplinaire

Le disciplinaire est profondément remanié. Il s’inspire très largement d’un projet qui avait été élaboré par les Ordres communautaires.

Il laisse cependant aux bâtonniers des Ordres composant les Ordres communautaires le soin de désigner les membres des autorités disciplinaires.

Le bâtonnier reste maître de la décision d’ouvrir une enquête disciplinaire mais le dossier est confié à un enquêteur chargé d’instruire le dossier à charge et à décharge.

Chaque ressort de Cour d’Appel est doté d’une liste d’enquêteurs dont la fonction est déterminée dans le texte.

Le bâtonnier pourra dorénavant intervenir en tant que partie.

Les « prérogatives » du plaignant sont particulièrement revues. 

Il est à noter qu’une copie de la sentence sera adressée au plaignant à la seule réserve que les parties de la sentence qui ne se rapportent pas à la plainte, aux faits qui la sous-tendent ou dont le plaignant n'est pas l'objet ne lui sont pas communiquées.

Enfin, aux sanctions déjà existantes, s’ajoute celle d’une amende payable au Trésor.

3. POSSIBILITES D'ACTION

Si les Ordres ont été manifestement écoutés dans leurs remarques, il subsiste cependant certains éléments sur lesquels une attention pourra être portée.

AVOCATS.BE insistera particulièrement pour qu’une disposition de l’avant-projet, qui a disparu dans la dernière version du texte, soit rétablie. Cette disposition prévoyait une procédure d’homologation des accords de droit collaboratif comme elle existe déjà pour les accords de médiation.

Nous ne manquerons pas de vous tenir informés du suivi.

Pierre SCULIER
Président

Michel GHISLAIN
Ancien Administrateur

Laurence EVRARD
Juriste

Jean-Noël BASTENIERE
Administrateur

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