In nauwe samenwerking met het IBJ (Instituut voor Bedrijfsjuristen) schetst LexGo.be een reeks portretten van professionals die u laten kennismaken met het beroep bedrijfsjurist. In de loop van de komende maanden zult u aan de hand van de interviews de verschillende facetten van dit boeiende beroep leren kennen. Deze interviews bieden de kans om het leven door de ogen van bedrijfsjuristen te bekijken: hoe zien zij hun beroep en hun dagelijks werk; wat houdt hun werk in, hoe evolueert het en hoe past dit binnen het bedrijf; hoe kijken ze terug op hun studies en hoe zien ze hun carrièremogelijkheden?
De eerste in de reeks mannen en vrouwen die de revue passeren, is de heer Patrick Baeten, General Counsel bij GDF SUEZ Energy Europe. Deze keer stilt hij onze honger naar antwoorden.
Laurence Durodez (LexGo.be) : Tout d'abord, merci d'avoir accepté de répondre à nos questions. De nombreux étudiants souhaitent devenir juriste d'entreprise mais s'interrogent sur les études à suivre, notamment sur les éventuelles spécialisations afin d'être le mieux « outillé » pour embrasser cette profession. A votre avis, et au regard de votre expérience, est-il opportun d'entreprendre une spécialisation - et si oui laquelle - pour exercer les fonctions de juriste d'entreprise ?
Patrick Baeten : Au niveau études, ce n'est pas tant la spécialisation qui compte que la qualité de la formation « de base » : un bon juriste d'entreprise est nécessairement un généraliste, au sens où il faut qu'il ou elle ait l'esprit ouvert, des réflexes qui dépassent son champ d'action spécifique, une curiosité et une connaissance la plus grande possible. Les spécialisations aident, c'est évident, mais leur risque est de contribuer à cloisonner, à enfermer le futur juriste d'entreprise dans un créneau bien spécifique dont il ou elle aura bien du mal à sortir, que ce soit en termes de travail quotidien ou en termes d'évolution de carrière.
LD : Faudrait-il créer un master spécifique qui donnerait d'office accès à la profession de juriste d'entreprise ?
PB : Je ne crois pas que cela soit nécessaire. Par contre, prévoir en fin d'études des cours à options axés sur les besoins du futur juriste d'entreprise - connaissances basiques en finance, en stratégie, mais aussi en sociologie d'entreprise par exemple - fait du sens. Même si, une fois encore, cela ne suffira pas en soi à former de bons juristes d'entreprise.
LD : Dans son travail au quotidien, quelles sont les fonctions ou les missions spécifiques du juriste d'entreprise ?
PB : Le juriste d'entreprise est avant tout un conseiller. Pour conseiller efficacement, il faut qu'il écoute - première tâche -, qu'il réfléchisse - cela paraît évident mais est de plus en plus difficile vu la pression constante, notamment en termes de temps de réponse -, puis enfin qu'il communique son analyse et sa recommandation - et de préférence qu'il convainque ...
Cela, il le fera sur des sujets juridiques, j'entends sur les aspects juridiques de sujets qui, nécessairement, sont beaucoup plus vastes. D'où le besoin de curiosité et d'intérêt que je mentionnais.
Je voudrais insister sur un point qui fait souvent débat parmi les juristes d'entreprise : est-il seulement un conseiller, au sens stricte, ou faut-il qu'il « se mouille » en donnant ses avis, en prenant position et en recommandant une marche à suivre, qui nécessairement doit également prendre en compte d'autres aspects que les juridiques. Sans aucun doute - dans mon esprit - la deuxième voie est à préconiser : ce n'est que dans ce cas que le juriste d'entreprise joue pleinement son rôle, et ce n'est qu'alors qu'il gagnera la considération et la confiance de son management.
LD : Mais, n'est-ce pas difficile de conseiller de manière objective l'entreprise et en même temps être engagée et rémunérée par elle ?
PB : Non.
Non, pourvu que les avis donnés et les recommandations faites le soient dans un esprit d'aide à l'entreprise, et avec respect et circonspection. Et si des avis et recommandations « passent » parfois mal, eh bien, c'est un mauvais moment à passer mais qui ne portera pas à conséquence si l'on a mérité le respect et la confiance de notre interlocuteur. Ou dans le pire des cas, pour citer un jésuite espagnol du 17ième : « Il put perdre les faveurs de la fortune, fors l'honneur ».
LD : Le métier de juriste a évolué au cours des 15 dernières années, pouvez-vous nous expliquer cette évolution, et surtout nous dire - selon vous -, comment elle va se poursuivre ?
PB : Je crois que nous sommes graduellement passé du rôle de conseiller juridique, « counsel to the business people » plus ou moins obscur à celui de « partner of the business people », et que la tendance maintenant - ou en tout cas la pression - va dans le sens de faire partie du « business people » tout court. Ce qui n'est pas forcément très recommandable, pour les raisons d'indépendance d'esprit, de capacité de critique (constructive), voire de capacité de dire non qui sont essentielles à l'exercice de notre métier.
Ce qui n'empêche pas que des juristes d'entreprise puissent assumer d'autres responsabilités, à côté - et non à la place - de leur responsabilité première qui est, comme je le disais, de conseiller : secrétariat général, conformité, éthique, voire gestion de certains projets etc. Souvent d'ailleurs ces autres fonctions d'une part ouvrent l'esprit dudit juriste d'entreprise, lui donnent une visibilité d'un autre ordre et participent à la reconnaissance en interne de leur personne et donc de la fonction de juriste d'entreprise.
LD : Je voudrais revenir sur un point qui n'est pas toujours connu de tous. Le titre de « juriste d'entreprise » est protégé par la loi, titre sur lequel veille l'Institut des Juristes d'Entreprises (l'IJE). De plus en plus de professionnels du droit exerçant en entreprise font la démarche de rejoindre l'IJE. Comment expliquez-vous cet engouement ? Rappelons qu'en seulement 12 ans d'existence, l'IJE compte aujourd'hui près de 1800 membres ?
PB : Je ne sais pas s'il y a engouement, mais en tout cas c'est un succès ! Du d'abord et avant tout à l'équipe de l'Institut et à ses présidents et conseils d'administration successifs : je pense que chacun d'eux, étant lui-même au centre des préoccupations journalières des juristes d'entreprise, a pu prendre la mesure exacte de leurs besoins et aspirations et que donc l'Institut a très souvent pu y répondre adéquatement. Un exemple parmi d'autres : les cours de Legal Management qui sont un véritable succès de foule.
Au-delà de cela, il est clair qu'en général le droit et en particulier le droit pour et au sein des entreprises a gagné et gagnera encore en importance et que l'Institut bénéficie donc d'un climat favorable.
LD : Expliquez-nous pourquoi le « legal privilege » du juriste d'entreprise est-il fondamental dans l'exercice de ses fonctions ? Donnez-nous un exemple concret ?
PB : Pour les mêmes raisons qu'il y a un secret de la confession, une secret professionnel du médecin, un secret professionnel de l'avocat etc. : sans confidentialité, pas de confiance, et sans confiance, pas de juriste d'entreprise.
Un exemple : quand mon patron a besoin d'un avis sur un point de régulation mais qu'il sait que mon avis pourra ultérieurement être saisi par le régulateur et le cas échéant utilisé contre l'entreprise, je doute fort que l'avis me soit demandé.
J'ajouterais d'ailleurs, pour les esprits mal intentionnés, que sans juristes d'entreprise, le respect du droit par les entreprises s'en ressentirait - ce que personne ne peut souhaiter. Je n'ai pas une vocation de vestale, mais il faut bien constater que les juristes d'entreprise sont souvent les gardiens du temple ...
LD : Pour conclure cet entretien, difficile de ne pas vous demander de nous dresser la liste des principales qualités que doivent avoir les juristes d'entreprise. Quelles serait-elles ? ... Un défaut ?
PB : Je vais encore citer : pour moi, il faudrait que l'on puisse dire de chaque juriste d'entreprise que « rien n'égalait la maîtrise dont il (ou souvent elle !) faisait preuve dans les situations les plus désespérées, son imperturbable raisonnement, son brio d'exécution, l'aisance de son procédé, la rapidité de ses succès. Là où d'autres pliaient le dos, lui plongeait la main dans la pâte. Sa vigilance ne connaissait pas l'imprévu, ni sa vivacité la confusion, dans une surenchère d'ingéniosité et de sagesse. » Bref : vif d'esprit, rapide dans l'action.
Quant à ce qu'il faut éviter : être timoré, pusillanime, donneur de leçon, ennuyeux - j'espère y arriver de temps à autre ...
Contact :
Patrick BAETEN
General Counsel
GDF SUEZ Energy Europe
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patrick.baeten@gdfsuez.com