07/05/12

Les réorganisations judiciaires, instruments de sauvetage des entreprises?

Un outil de restructuration plus performant

Dans un lourd contexte de crise et de réformes des procédures collectives au niveau international, notre législateur adoptait il y a trois ans déjà la loi sur la continuité des entreprises. Tout le monde s'accordait en effet à dire que l'application de notre ancienne loi sur le concordat judiciaire était un échec, notamment en raison des conditions strictes que cette loi imposait aux entreprises en difficulté afin de pouvoir accéder à la protection prévue par cette procédure. Il fallait donc s'inspirer de nos pays voisins et repenser totalement notre législation destinée à permettre le redressement de nos entreprises en difficulté. Si un des objectifs du législateur a été d'assainir le marché d'entreprises qui se maintiennent sans payer leurs dettes au détriment de celles qui s'acquittent correctement des leurs, le législateur a aussi recherché à sauvegarder tout ou partie des entreprises ou de leurs activités susceptibles d'encore apporter quelque chose à l'économie. Les difficultés que peuvent traverser les entreprises, dont les PME qui caractérisent notre tissu économique, sont multiples et diverses et il était donc primordial de se doter d'un outil de restructuration performant.

Une procédure plus souple

Les conditions d'entrée dans la procédure de réorganisation judiciaire ont été considérablement assouplies pour les entreprises en difficulté. Les coûts de la procédure ont été allégés, notamment en supprimant la figure du commissaire au sursis et en laissant les dirigeants à la tête de leurs affaires. La procédure vise désormais tout type d'insolvabilité (problème de liquidité, problème de solvabilité, problème structurel grave, état de faillite, etc). La loi offre en outre plus de flexibilité à l'entreprise en difficulté: en lui accordant un sursis, l'entreprise bénéficie d'un véritable ballon d'oxygène qui doit lui permettre - après un diagnostic correct de sa situation - d'adopter les mesures adéquates pour se restructurer. Ainsi, elle tendra soit à conclure un accord amiable avec deux ou plusieurs de ses créanciers, soit à soumettre au scrutin de ses créanciers un plan de réorganisation comprenant abattement de créances, délais de paiement, plan social et autres mesures. Lorsque l'entité juridique en tant que telle ne peut être sauvée, la loi offre la possibilité de réaliser un transfert de ses activités en going concern sous la houlette d'un mandataire de justice désigné par le tribunal. Dans tous les cas de figure, l'objectif recherché est le maintien d'une activité assainie et de l'emploi. Les intérêts des travailleurs, des créanciers et des partenaires de l'entreprise doivent pouvoir être sauvegardés, tout en permettant selon le cas aux actionnaires d'éventuellement préserver tout ou partie de leur investissement. Eu égard aux lourdes responsabilités qui leur incombent, les dirigeants d'entreprises trouvent eux aussi désormais dans l'arsenal juridique mis à leur disposition un outil qui leur offre la possibilité de sauver effectivement leur entreprise - pourvu que la décision de se placer sous la protection de la loi sur la continuité des entreprises soit prise à temps. En effet, il faut bien constater que les dirigeants d'entreprises tardent malheureusement à solliciter le bénéfice de la loi. A ce niveau, ce sont toutes les mentalités qui doivent encore évoluer, non seulement celles des décideurs qui voient encore dans la loi sur la continuité des entreprises l'antichambre de la faillite, mais aussi celles des partenaires de l'entreprise qui très souvent font preuve d'une grande méfiance et ne font que précipiter l'entreprise en difficulté dans le gouffre. Pourquoi aux Etats-Unis la procédure du chapter 11 similaire à la nôtre ne subit pas l'opprobre?

Un succès grandissant

Malgré cette résistance, les chiffres disponibles sur le succès de la réorganisation judiciaire sont encourageants. De nombreuses entreprises ont pu se redresser de manière totale ou partielle grâce à la loi et la presse s'est fait l'écho à plusieurs reprises de la réussite de transferts d'entreprises permettant le maintien d'une certaine activité, ainsi que d'un certain niveau d'emploi. Nous avons encore en tête les exemples plus ou moins récents des entreprises Santens ou des laboratoires Thyssen pour ne citer que ces deux exemples médiatisés.

De nombreuses initiatives

Par ailleurs, nombreuses sont les démarches destinées à faire connaître les avantages de la loi et tenter de faire évoluer les mentalités. A cet égard, nous ne pouvons que nous réjouir des initiatives prises sur le plan politique comme la mise sur pied du Centre pour Entreprises en Difficulté, en abrégé CED, ou encore récemment le lancement par la SRIB d'un fonds pour aider financièrement les sociétés bruxelloises ayant introduit une demande de procédure en réorganisation judiciaire.
Certes, comme toute nouvelle loi, la loi sur la continuité des entreprises fait ses "maladies de jeunesse". Certains ont dénoncé les abus auxquels son application avait pu mener ou encore l'effet boule de neige qu'elle a parfois généré. Par rapport à ces critiques, la FEB a fait un travail remarquable d'évaluation de la loi et a proposé des solutions concrètes. Les magistrats du pays se sont également mobilisés pour se joindre aux efforts de la FEB et déjà de nombreux projets germent au sein de nos cours et tribunaux pour veiller non seulement à une application meilleure et plus uniforme de la loi, mais aussi afin de mettre un frein à certaines dérives constatées dans le but de donner à cette loi tout le succès qu'elle mérite.

Enfin une loi pour répondre aux difficultés des entreprises

Dans un contexte économique de plus en plus difficile, la Belgique ne peut se permettre de sacrifier des entreprises potentiellement viables alors que les autres pays européens se sont dotés de textes législatifs permettant le redressement de leurs sociétés en difficulté. Notre loi sur la continuité des entreprises, de par sa flexibilité et l'équilibre qu'elle tend à préserver par rapport aux différents intérêts en présence qui sont souvent contradictoires, n'a rien à envier aux différentes législations des autres pays européens. Après une période de démarrage un peu mouvementée et difficile, notre loi sur la continuité des entreprises s'avère être un excellent outil de sauvetage de nos entreprises et, pour peu que certaines mentalités évoluent, elle devrait encore connaître un grand succès.

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