11/12/18

Réformes du droit de la responsabilité pénale des personnes morales en droit belge

La loi du 11 juillet 2018 modifiant le Code pénal et le titre préliminaire du Code de procédure pénale en ce qui concerne la responsabilité pénale des personnes morales est entrée en vigueur dans l’ordre juridique belge depuis le 30 juillet 2018.

 Cette loi introduit deux modifications importantes en ce qui concerne la responsabilité pénale des personnes morales en droit belge.

        A)      La suppression de l’interdiction de cumul des responsabilités entre la personne physique qui a commis la faute et la personne morale au nom de laquelle la faute a été commise

Les personnes morales sont pénalement responsables des infractions qui sont intrinsèquement liées à la réalisation de leur objet ou à la défense de leurs intérêts, ou de celles dont les faits concrets démontrent qu’elles ont été commises pour leur compte.

Régime antérieur

Depuis l’entrée en vigueur de la loi du 4 mai 1999 qui a introduit la responsabilité pénale des personnes morales en droit belge , l’article 5, alinéa 2, du Code pénal belge prévoyait qu’en cas de faute qui est intrinsèquement lié à la réalisation de l’objet ou à la défense des intérêts de la personne morale et qui est imputable à une personne physique identifiée, seule la personne (physique ou morale) qui a commis la faute la plus grave pouvait être condamnée.

Toutefois si il était établit que la personne physique identifiée avait commis la faute « sciemment et volontairement », elle pouvait être condamnée en même temps que la personne morale responsable.

La pratique a démontré que l’interprétation de  « la faute la plus grave » ou de son caractère intentionnel (« sciemment et volontairement ») est particulièrement difficile à établir par le ministère public ainsi qu’à trancher pour les magistrats.

 Régime actuel

En vertu des difficultés explicitées ci-avant, le législateur a décidé de supprimer l’alinéa 2 de l’article 5 du Code pénal ainsi que d’insérer un paragraphe qui rappelle que le principe est bien le cumul des responsabilités « la responsabilité pénale des personnes morales n’exclut pas celle des personnes physiques auteurs des mêmes faits ou y ayant participé ».

Conclusion : Cette modification devrait simplifier la tâche du ministère public et des magistrats qui ne devront dans de pareil cas pas devoir interpréter quelle est la faute la plus grave et le caractère intentionnel de la faute dans le chef de la personne physique afin de de déterminer qui est responsable et si il y a lieu à cumuler les responsabilités.

       B)      La suppression (relative) de l’immunité des personnes morales de droit public en ce qui concerne leur responsabilité pénale.

Régime antérieur

Auparavant, les personnes morales de droit public n’étaient pas considérées comme des personnes morales responsables sur pied de l’article 5 du Code pénal.

Régime actuel

Le législateur a décidé en adoptant la loi du 11 juillet 2018 que cette immunité sur le plan pénal n’était plus acceptable et il a par conséquent supprimé l’alinéa 4 de l’article 5 du Code pénal, qui prévoyait que « ne peuvent pas être considérées comme des personnes morales responsables pénalement pour l’application du présent article : l’Etat fédéral, les régions, les communautés, les provinces, les zones de secours, les prézones, l’agglomération bruxelloise, les communes, les zones pluricommunales, les organes territoriaux intra-communaux, la Commission communautaire française, la Commission communautaire flamande, la Commission communautaire commune et les centres publics d’aide sociale ».

En pratique, cette suppression implique a priori que toutes les personnes morales peuvent désormais être déclarées responsables sur le plan pénal.

En pratique , la perte d’immunité des personnes morales de droit public est toutefois relative étant donné que  si déclarées responsables pénalement, les personnes morales de droit public n’encourent qu’une déclaration de culpabilité, à l’exclusion de toute peine d’amende.

Le législateur justifie cette décision dans les travaux parlementaires notamment du fait que selon lui, si des sanctions financières étaient prises à l’encontre des personnes morales de droit public cela reviendrait à obliger l’état de se payer une amende à lui-même et que cela pourrait aussi avoir des conséquences graves au niveau budgétaire, notamment pour les autorités locales.

Conclusion : La suppression de l’immunité des personnes morales de droit public sur le plan pénal est donc davantage une mesure symbolique mais qui devrait néanmoins permettre aux victimes d’obtenir plus rapidement une réparation sur le plan civil.

Mathieu Desmet
mathieu@siriuslegal.be

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