06/11/17

Les Pop-up stores : vers une règlementation d’une petite révolution

Les pop-up stores sont devenus une réalité particulièrement appréciée de tous les acteurs dans nos grandes villes. De manière régulière désormais, nous voyons ce type d’enseigne ouvrir quelques semaines ou quelques mois dans les rues commerçantes, avant de fermer boutique et d’être remplacé par un magasin plus traditionnel.

Cette tendance est née vers le milieu des années 2000, mais elle s’est amplifiée ces dernières années, en raison notamment de l’importante disponibilité de locaux commerciaux laissés vides et de l’engouement des consommateurs.

Ces magasins éphémères sont toujours ouverts pour une période de courte durée, avec comme particularité que leur fermeture est programmée avant même qu’ils aient ouvert leurs portes. Ces points de vente d’une nouvelle forme peuvent rencontrer plusieurs objectifs :

  • Des nouvelles enseignes souhaitant démarrer leur activité en réduisant les contraintes liées à un bail de longue durée.
  • Des enseignes renommées qui souhaitent lancer un nouveau produit et tester la réceptivité de celui-ci vis-à-vis du public.
  • Une enseigne désireuse de profiter temporairement d’autres locaux lorsque son commerce est en travaux.
  • Un commerçant qui s’est développé sur internet (un « pure player ») souhaitant tester un point de vente physique afin d’établir un contact avec ses clients.

Le concept peut donc se révéler intéressant à la fois pour les grandes entreprises et les petits commerçants, les premiers y trouvant parfois l’occasion de tester les réactions à la mise sur le marché de nouveaux produits, alors que le petit commerçant pourra minimiser les risques de lancement de son activité.

Le concept est actuellement fort à la mode. En Belgique, trois pop-up stores ouvrent chaque jour et, selon Atrium, huit Bruxellois sur dix ont déjà poussé les portes d’un pop-up store.

Cadre légal

Aucun cadre législatif n’existait jusqu’il y a peu concernant ces commerces particuliers. L’exercice juridique classique visant à déterminer la réglementation applicable à cette forme nouvelle de commerce pouvait se révéler dangereux pour les parties, qui cherchent précisément à éviter un cadre trop rigide.

L’on sait que la loi du 30 avril 1951 sur les baux commerciaux comporte un dispositif complet protecteur pour toutes les parties, avec une attention particulière sur les droits du locataire qui jouit d’une protection étendue.

Ce cadre est cependant particulièrement stricte, prévoyant notamment un droit (qui ne peut être exclu contractuellement) pour le locataire de louer le bien pour une durée de neuf ans, renouvelable à deux reprises. Un bail commercial de courte durée est ainsi supposé être conclu comme un bail commercial de neuf ans.

Pour les magasins éphémères, on s’est dès lors rattaché à l’article 2 de la loi sur les baux commerciaux, qui  exclut expressément la « location occasionnelle » de son champ d’application. La location occasionnelle est en effet définie comme une  location qui, du fait de la nature ou de la destination du bien ou suivant les usages, est normalement accordée pour moins d’un an.

Pour échapper aux dispositions de la loi sur les baux commerciaux, les parties recourent ainsi dans la pratique à deux formes de figure juridique : soit une convention d’occupation précaire, soit un bail de droit commun selon les dispositions du Code civil.

Le risque est cependant le même que l’une ou l’autre forme juridique soit choisie: celui de la requalification en bail commercial par un juge saisi de la question, entraînant alors les parties dans une relation contractuelle d’une durée minimale de 9 ans avec des possibilités de sortie strictement règlementées ! Ce risque est d’autant plus important en cas de prolongations successives du pop-up store, notamment en cas de succès du concept ou si un nouveau locataire commercial tarde à être trouvé.

L’exemple Flamand

Depuis la sixième réforme de l’Etat, la compétence de règlementation des matières locatives a été régionalisée.

La Région Flamande s’est emparée de cette nouvelle compétence afin de règlementer la question des pop-up stores. Un Décret flamand du 17 juin 2016 relatif à la location de courte durée en faveur du commerce et de l’artisanat (Moniteur belge du 26 juillet 2016) constitue le cadre ainsi adopté.

De manière synthétique, le décret flamand prévoit les principes suivants :

  • La possibilité légale de conclure un bail commercial à court terme, c’est-à-dire un bail commercial pour moins d’un an.
  • Le contrat de bail doit être établi par écrit.
  • Le bail commercial se termine de plein droit à la date d’échéance finale.
  • Les parties peuvent prolonger une ou plusieurs fois, de commun accord, le bail commercial à court terme aux mêmes conditions, pour autant que la durée totale de la période ne dépasse pas un an.
  • Le locataire peut à tout moment terminer anticipativement le bail commercial à court terme moyennant un préavis d’un mois par lettre recommandée.
  • Le locataire et le bailleur peuvent à tout moment terminer anticipativement et de commun accord le bail commercial à court terme en cours.
  • Le locataire et le bailleur peuvent également terminer anticipativement le bail commercial à court terme afin de le remplacer par un bail commercial ordinaire en application de la loi sur les baux commerciaux.
  • Sauf interdiction expresse écrite dans le bail, le locataire peut effectuer toutes les transformations au bien immobilier afin de l’adapter à son entreprise pour autant que les frais ne dépassent pas un an de location.
  • La cession du bail et la sous-location sont interdites.

La situation à Bruxelles et en Wallonie

Aucune règlementation similaire n’a été à ce jour adoptée en Région Wallonne et en Région de Bruxelles-Capitale.

Un projet de cadre juridique est annoncé depuis plusieurs mois en Région Wallonne et a fait l’objet d’un accord de gouvernement en mars 2017, mais il faudra être attentif aux intentions de la nouvelle majorité par rapport aux projets annoncés par le précédent gouvernement.

Pour ce qui concerne Bruxelles, l’essor des magasins éphémères est évidemment au centre de l’attention dans la capitale, qui concentre un nombre important de quartiers et centres commerciaux. La région connaît de plus un taux de 12,65% de cellules commerciales inoccupées,  pour lesquels le concept de pop-up store constituerait une excellente solution temporaire.

Trois députés bruxellois viennent à cet égard de cosigner une proposition d’ordonnance visant à proposer une règlementation des baux commerciaux de courte durée, proche de celle existante en Région Flamande.

Les partis de la majorité ne s’étant pas encore concrètement prononcés, il s’agira d’une affaire à suivre dans les prochains mois.

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