06/05/20

La double imposition en matière successorale pour les bien mobiliers : la question préjudicielle est posée

Le principe : la taxation du patrimoine mondial. - Lorsqu’un habitant du Royaume décède, des droits de succession sont dus sur l’ensemble de ses avoirs mobiliers et immobiliers. La localisation de ceux-ci en Belgique ou à l’étranger n’a pas d’incidence, la Belgique retient comme critère de taxation la résidence sur son territoire au jour du décès.

Toutefois, certains Etats retiennent  d’autres critères de taxation tels que la localisation du bien immobilier (tel est aussi le cas en Belgique et alors des droits de mutation sont dus), la nationalité du défunt, le lieu de résidence des héritiers et la résidence du débiteur de capitaux.

Dès lors que chaque Etat étant maître dans le choix du critère de taxation, il se peut qu’une succession comporte des avoirs taxables dans différents pays. On est alors face à un cas de double imposition due à l’absence d’harmonisation fiscale à ce sujet.

Les Etats ont également le pouvoir de remédier à une telle situation en adoptant des conventions dites préventives à la double imposition. La Belgique n’a, à ce jour, conclu une telle convention qu’avec la France (signée à Bruxelles le 20 janvier 1959).

Et quand il n’y a pas de convention préventive ? - Il est en effet rare qu’une succession ne comprenne que des avoirs situés en Belgique, ou tout au plus en France.

Le législateur belge a prévu depuis toujours la possibilité d’imputer l’impôt successoral perçu dans le pays étranger où est situé le bien immeuble. Cependant, l’article 17 du Code des droits de succession, qui prévoit le principe et les conditions d’application, vise uniquement les biens immeubles étrangers.

Qu’en est-il alors des biens et avoirs mobiliers ? - Ce sont les laissés pour compte de l’histoire. Rien n’a été prévu par le législateur belge pour diminuer la facture successorale à ce niveau… Or, de telles situations sont également courantes alors pourquoi ne pas avoir prévu un même mécanisme pour les avoirs mobiliers situés à l’étranger ? Pourquoi cette différence de traitement de la part du législateur ? Ne pouvions-nous pas y voir une violation du principe d’égalité ?

Cette question a été soulevée en justice par les héritiers d’un défunt, résident belge, qui détenait, entre autres, des avoirs mobiliers en Espagne. Or, l’Espagne retenant comme critère de taxation la résidence des capitaux, nous étions donc face à une double imposition « sans remède ».

La Cour d’appel d’Anvers a estimé que la différence de traitement en fonction de la nature du bien, à savoir mobilier ou immobilier, critère objectif selon elle, suffisait à justifier la différence de traitement et par conséquent, n’a pas jugé utile de poser la question à la Cour constitutionnelle.

Une lueur d’espoir - Heureusement les héritiers ne se sont pas découragés et à l’occasion du pourvoi, la Cour de cassation a, par un arrêt du 13 février 2020, posé, quant à elle, la question préjudicielle à la Cour constitutionnelle de la justification ou non de la différence de traitement selon la nature du bien.  Il est heureux que la Cour de cassation, contrairement à la Cour d’appel d’Anvers, ait décidé de porter le débat d’une telle question de principe devant la juridiction naturellement compétente à ce sujet.  On rappellera en effet que la constitutionnalité d’une norme au regard des principes d’égalité et de non-discrimination implique que pour que des situations en principe identiques soient traitées différemment, encore faut-il pouvoir justifier que cette différence est fondée sur des critères objectifs qui viennent soutenir cette différenciation.  L’article 17 du Code des droits de succession ne vise que les biens immeubles.  Il faudra vérifier la ratio de ce texte et comprendre pourquoi le législateur n’a visé que ce type de bien d’une part et si cette exclusivité se justifie  au regard des motivations de la norme d’autre part.

Le débat devait donc à tout le moins être posé et nous espérons que la position de la Cour permettra de mettre fin à tant de situations de double imposition.

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