22/06/12

LE COÛT DES PRÉPENSIONS AU CŒUR DES PROJETS DE RESTRUCTURATION

1- Mesures en faveur du maintien des travailleurs âgés

Depuis la déclaration gouvernementale de décembre 2011, le gouvernement Di Rupo a fait une priorité de maintenir des travailleurs âgés au travail.
La Ministre de l'Emploi déclare qu'il est faux de penser que les conséquences sociales d'un licenciement sont moins graves pour un travailleur âgé que pour les autres travailleurs. Elle entend tout faire afin d'éviter que les travailleurs les plus âgés ne soient les premières victimes lors de restructurations.

La réforme entreprise par le Ministre de l'Emploi vise donc à rendre le départ de travailleurs âgés moins facile.

1.1 Réforme des prépensions

1.1.1 Conditions d'âge et de carrière

Les conditions d'âge et de carrière pour pouvoir accéder à la prépension ont été renforcées. L'âge normal de l'accès à la prépension est désormais fixé à 60 ans avec 40 ans de carrière. Pour les conventions collectives de prépensions en cours, la durée de la carrière sera progressivement portée à 40 ans en 2015 pour les hommes et en 2024 pour les femmes.
A terme, la prépension à 58 ans est vouée à disparaître puisque qu'elle ne sera plus possible qu'en cas de « problèmes médicaux sérieux », de carrière dans des métiers lourds ou si le travailleur a déjà atteint 40 ans de carrière.
Dans le cadre de restructurations, deux mesures spécifiques ont été prises :
Dans les entreprises en difficulté, l'âge requis pour accéder à la prépension sera progressivement augmenté pour finalement atteindre 55 ans en 2018.
Dans les entreprises en restructuration, l'âge requis sera de 55 ans à partir du 1er janvier 2013. Cependant, en cas de licenciement collectif massif (plus de 20% des travailleurs), l'augmentation progressive de l'âge prévu pour les entreprises en difficulté est applicable.

1.1.2 Conséquences sur le montant des cotisations sociales

Par ailleurs, quand bien même un travailleur remplirait les conditions d'âge et de carrière, le coût pour l'employeur a été drastiquement augmenté
En moyenne, les cotisations de sécurité sociale sur les indemnités de prépension et de pseudo prépension ont augmenté de 35% (tous régimes confondus).

Pour les prépensions prenant cours à partir du 1er avril 2012 (avec notification du licenciement après le 28 novembre 2011), les taux suivants seront désormais applicables :
Age Cotisations avant réforme Nouvelles cotisations sociales.
< 52 50 % 100 %
52 < 55 40 % 95 %
55 < 58 30 % 85 %
58 < 60 20 % 55 %
60 + 10 % 25 %

Les prépensions vont dès lors devenir très chères pour les employeurs. Seules les prépensions à partir de 60 resteront véritablement abordables.

1.2 Pyramide des âges

En outre, afin de protéger les travailleurs âgés en cas de licenciement collectif, l'employeur devra désormais respecter, avec une marge maximale de 10%, le profil de la pyramide des âges de ses travailleurs dans le choix des travailleurs licencié.

Cette mesure a été reçue avec réserve par les partenaires sociaux. C'est pourquoi l'entrée en vigueur de cette mesure n'est pas encore prévue. Les partenaires sociaux ont reçu la possibilité de formuler des alternatives jusqu'au 30 juin 2012. Cependant, entretemps, le principe est déjà confirmé dans la loi et il est intéressant de remarquer que tout récemment, dans le cadre du dossier Bekaert, la Ministre De Coninck a déjà demandé des éclaircissements sur les pyramides des âges sur les différents sites afin d'envisager des alternatives à la reconnaissance de la prépension à 50 ou 52 ans.

2 - Impact dans le cadre de restructurations

L'application cumulée de ces mesures limitera la marge de manœuvre des employeurs en cas de restructuration. L'employeur préférera dès lors, ou plutôt se verra contraint de préférer, garder dans l'entreprise un certain nombre de travailleurs plus âgés qui auraient pu être licenciés dans le cadre d'une prépension avantageuse sous l'ancien régime.

L'exposé des motifs de la loi confirme que « l'augmentation des cotisations [sur les prépensions] devra inciter les employeurs à licencier moins vite leurs travailleurs âgés. » Dans l'esprit du gouvernement, ces mesures devraient aider à atteindre 73,2% de taux d'emploi en 2020, tel que prévu dans le Programme National de Réforme 2011 pris dans le cadre de la stratégie européenne 2020.

Dans le cadre de restructurations, deux conséquences très concrètes sont à anticiper :

2.1 Sélection des travailleurs licenciés

Face à une restructuration, l'employeur désire généralement maintenir une équipe performante pour poursuivre ses activités selon ses nouveaux objectifs stratégiques. Ce choix va être directement limité non seulement par le respect de la pyramide des âges mais aussi par le peu d'attractivité de la prépension.

Certains travailleurs âgés pourraient dès lors être maintenus en service au détriment de travailleurs plus jeunes qui représenteraient un meilleur potentiel pour l'entreprise mais qui coûteraient (beaucoup) moins cher à licencier et dont le licenciement permettrait de respecter la pyramide des âges.

2.2 Négociations des plans sociaux

Aussi, dans le cadre de la négociation de plans sociaux, la question des prépensions deviendra épineuse. Les cas d'Arcelor, Carsid et Bekaert en sont de récentes illustrations.

Dans bien des cas, compte tenu des nouvelles cotisations sociales, il sera moins cher de licencier un travailleur âgé en lui payant une indemnité compensatoire de préavis plus longue plutôt que de lui faire bénéficier de la prépension.

Les syndicats vont cependant continuer à demander l'application de la prépension pour les travailleurs le plus tôt possible. Mais d'un point de vue de gestion des coûts de restructuration, l'employeur devra refuser puisque cela lui coûterait plus cher que de prévoir des licenciements simples. Le coût des prépensions risque simplement de désintéresser les employeurs des prépensions. D'autre part, le bénéfice de la prépension représente également un coût important pour l'Etat. Dans la négociation du plan social de Bekaert, l'accord engrangé par les parties a été de prévoir le départ de 77 travailleurs à la prépension à 52 ans sur le site d'Aalter. Le Ministre Van Quickenborne avait refusé de faire bénéficier ces travailleurs de la prépension à 50 ans en raison du coût de 35 millions d'euros que cela représenterait. Les syndicats admettent cependant avoir obtenu le maximum de ce qu'ils pouvaient raisonnablement espérer et reconnaissent l'effort financier consenti par l'entreprise.

Les syndicats restent donc relativement réticents à l'idée de cette évolution du coût des prépensions et des nouvelles mesures en cas de restructuration. Il est clair que cela ne risque pas d'apaiser le climat social. Lors de restructurations, certains employeurs parvenaient à trouver des solutions « acceptables » pour des travailleurs en fin de carrière, mais cela pourrait ne plus être possible et pourrait créer des situations extrêmement difficiles pour ces mêmes travailleurs.

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