19/06/12

Les restructurations : des réformes nécessaires

Le cadre juridique des restructurations est constitué d'une accumulation depuis plus de 35 années de mesures légales et réglementaires.

Avec quel succès ?

Les procédures de licenciement collectif et de fermeture

La procédure d'information et de consultation imposée depuis 1998 par la loi Renault a eu le mérite d'apporter de la transparence dans le processus de restructuration. Aujourd'hui, la motivation économique donnée par l'employeur est soumise à un examen critique des syndicats.

Cette procédure a cependant généré des effets pervers :

1) Les employeurs ayant l'obligation de répondre à la totalité des interpellations des représentants des travailleurs, les syndicats exploitent dans de nombreux cas cette phase de concertation pour, par le biais de multiples questions ou contre-propositions pas nécessairement opportunes, retarder la mise en œuvre de la restructuration projetée.

Rares sont, en effet, les employeurs qui osent d'autorité mettre fin à cette phase de consultation eu égard aux sanctions auxquelles ils s'exposent (mise à néant de la procédure, réintégration des travailleurs, ...).

Dans la réalité du terrain, on assiste dès lors à un « donnant-donnant » : la sécurité juridique pour l'employeur et un plan social décent pour les travailleurs. En d'autres termes, les syndicats font dépendre leur reconnaissance du respect de la loi Renault par l'employeur de la conclusion d'un accord sur un plan social.

On assiste ainsi à un détournement de la finalité de la phase d'information et de consultation de la loi Renault. Elle devient un levier pour les syndicats dans le cadre de la négociation du plan social.

L'efficacité de la réglementation justifierait que le déroulement de la phase d'information et de consultation soit limité dans le temps afin d'éviter toute dérive. Un délai de deux mois paraît suffisant pour permettre aux parties de développer leurs argumentations et d'examiner d'éventuelles contre-propositions syndicales, sous réserve d'un éventuel report qui serait accordé par l'ONEm sur demande dûment motivée des syndicats.

Ce délai strict permettrait, d'une part, aux employeurs de maîtriser l'agenda du projet de licenciement collectif ou de fermeture et, d'autre part, son échéance serait le signal clair du début de la phase de négociation.

2) La réglementation en matière de licenciement collectif est applicable lorsque sur une période de 60 jours s'opèrent 10 licenciements, 10% de licenciements ou 30 licenciements selon que l'entreprise compte entre 20 et 100 travailleurs, entre 100 et 300 ou plus de 300 travailleurs.

Nombreux sont les employeurs qui, pour déjouer cette règle et ainsi échapper aux contraintes de la procédure Renault, s'efforcent d'étaler dans le temps les licenciements projetés.

Cette manœuvre est trop aisée. Pour la limiter, il suffirait que la période de référence sur base de laquelle une entreprise se trouve en situation de licenciement collectif soit portée de 2 à 6 mois étant entendu que les quotas de licenciements seraient proportionnellement majorés. En élargissant de facto le champ d'application de la réglementation des restructurations, le souci de transparence et de respect du contradictoire sera bien évidemment mieux rencontré. Cette dernière mesure peut paraître pénalisante pour les employeurs, mais si elle est mise en perspective avec le délai fixe de concertation proposé ci-avant, elle participe à une amélioration de la sécurité juridique et de l'efficience de la réglementation en matière de restructuration.

Toutefois, les deux nouvelles mesures recommandées doivent nécessairement s'intégrer dans une refonte complète du cadre juridique des restructurations. Tous les acteurs de la vie des entreprises sont demandeurs d'une cohérence, et d'une simplification de la réglementation.

Or, que constate-t-on ? Dans le cadre des nouvelles mesures « Di Rupo » (loi du 29 mars 2012), le gouvernement, une fois encore, accentue l'imbroglio juridique en prévoyant qu'à l'avenir, un employeur qui procède à un licenciement collectif devra répartir les licenciements proportionnellement en fonction de trois groupes d'âge (moins de 30 ans, entre 30 et 50 ans et plus de 50 ans).

On peut considérer cette mesure de « pyramide des âges en cas de licenciement collectif » comme une « fausse bonne idée ».

Une bonne idée si on l'intègre dans la réflexion sur la préservation de l'emploi des travailleurs âgés mais totalement anachronique par rapport à la réalité d'une entreprise. Un employeur qui restructure le fait sur base des seules contraintes économiques, il supprime des postes de travail et l'âge des travailleurs qui les occupent ne constitue pas et ne peut d'ailleurs constituer un critère de licenciement.

Cette nouvelle mesure, en dépit des dérogations prévues, est susceptible d'altérer l'efficacité d'une restructuration en ce qu'elle modifie la cible des licenciements telle qu'objectivement définie initialement par l'employeur et de susciter des recours individuels de la part des travailleurs arbitrairement licenciés.

Ce dernier exemple illustre, si besoin était, que dans une matière aussi sensible et complexe que les restructurations, il y a une impérieuse nécessité de laisser l'initiative réglementaire aux partenaires sociaux. Le Conseil National du travail devrait ainsi être habilité sans tarder à proposer une nouvelle codification de la réglementation des restructurations.

Les plans sociaux.

La réforme ne devrait pas seulement viser la procédure d'information et de consultation mais également le contenu des plans sociaux.

De par la loi, les plans sociaux, n'ont connu qu'une évolution : l'obligation pour les employeurs en restructuration de faire participer son personnel licencié à une cellule pour l'emploi. Les travailleurs (ouvriers et employés) doivent y participer durant 3 ou 6 mois selon qu'ils sont âgés de moins ou de plus de 45 ans.

Cette cellule veille à ce que le plan social soit correctement mis en œuvre et fournit aux travailleurs une offre d'outplacement (de 30 heures ou 60 heures selon l'âge du travailleur). Il s'avère que le rôle de la cellule pour l'emploi est insuffisant tant en raison de sa durée que du contenu des services qu'elle offre.

Pourquoi limiter à 3 ou 6 mois la participation à la cellule pour l'emploi ? Serait-il choquant d'imposer aux travailleurs victimes d'une restructuration de renouveler leur participation dans la cellule en cas d'absence de reclassement à l'échéance de leur première participation, même s'ils ont acquis la qualité de chômeur ? La contrepartie de cette obligation serait le bénéfice d'une véritable formation professionnelle définie sur base d'un bilan de compétences, éventuellement dispensée par un organisme privé.

Le financement de cette formation étant à charge des employeurs, serait-il choquant d'imposer qu'une partie du budget des plans sociaux de restructuration soit obligatoirement et de manière objective consacrée au reclassement (par exemple : un pourcentage du montant des indemnités allouées) ?

Aujourd'hui, les plans sociaux ont un caractère principalement indemnitaire et sont peu créatifs : ils privilégient une indemnisation en espèces liée principalement à l'ancienneté des travailleurs, sous réserve des régimes de prépension dérogatoires.

Si le reclassement est une priorité, allouons lui les moyens nécessaires mais pas au détriment des employeurs. Ceux-ci doivent déjà assumer des budgets de restructuration de plus en plus excessifs, en raison notamment de la majoration des charges sociales des plans de prépension ou assimilés.

La mise en œuvre d'une telle mesure présuppose que les organisations syndicales acceptent de modifier les priorités habituelles de leurs cahiers de revendications. Dans notre monde en crise toutes les évolutions sont possibles.

A nouveau, confions au Conseil National du travail la mission de sensibilisation et d'élaboration de cette réforme.

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