26/02/16

Manque d’interprètes judiciaires pour certaines langues de l’Union européenne

A la lumière de l’annonce d’une libération (imminente) d’un trafiquant de drogue de nationalité lettone par la Chambre du conseil du tribunal néerlandophone de première instance de Bruxelles, L’Union professionnelle des Traducteurs et Interprètes assermentés souhaite éclaircir quelque peu la problématique.

Nous nous référons à un arrêt de la Cour de Cassation du 25 juin 2013 qui indique que : “L'obligation de la juridiction d'instruction de respecter les droits de la défense de l'inculpé sur le maintien de la détention préventive duquel elle doit statuer, implique qu'elle doit prendre toutes les mesures requises pour que l'inculpé puisse suivre les débats relatifs à sa détention préventive et présenter sa défense contre le maintien de cette détention, dans une langue qu'il comprend, avec l'assistance d'un interprète si cela s'avère nécessaire et l'assistance d'un avocat, si elle est souhaitée ”.

La difficulté persistante à trouver des interprètes ont déjà abouti, par le passé, à des libérations de suspects (un passeur de drogue brésilien en novembre 2012) voire à des acquittements de prévenus (tribunal de police de Termonde, mars et mai 2015). L’Union professionnelle des Traducteurs et Interprètes assermentés n’a eu cesse de répéter que les tarifs particulièrement bas des traducteurs et interprètes en matière répressive et la salve d’économies au sein de la justice impliquaient des risques réels pour la celle-ci.

Le Moniteur belge du 15 février 2016 indiquait que “le blocage de l’indexation maintien les frais de justice en matière répressive à leur niveau de 2013, aussi en 2016." Il s’agit donc d’un blocage de l’indexation pour la quatrième année consécutive. “Et ce jusqu’à nouvel ordre et selon les prévisions du Bureau du Plan”. L’Union professionnelle des Traducteurs et Interprètes assermentés ne peut donc que constater qu'il existe un manque manifeste de volonté auprès des responsables politiques de changer radicalement cette situation. Même si nous avons déjà tiré à plusieurs reprises le signal d’alarme.

Il est tout simplement honteux que les autorités belges ne parviennent pas ou à peine à trouver des interprètes - même pour certaines langues de l’Union européennes telle que le letton, l’estonien, le finnois, le slovène, le portugais - qui souhaitent travailler pour la justice. Dans les cas les plus urgents, des interprètes doivent venir de l’étranger ou des membres du personnel de l’ambassade sont requis par les juges d’instruction comme interprètes occasionnels. Lorsque ces « volontaires » ne sont même pas payés pour ces prestations, rien d’étonnant à ce que ces personnes ne continuent pas.

Sous-estimer cette problématique risque de coûter encore plus cher aux autorités. Le report d’un procès ou des recherches interminables pour trouver un interprète disponible pour une audition urgente en cas d’arrestation signifie à la fois une perte de temps et de moyens pour la justice et la société. Les libérations, les acquittements, les reports ou les enquêtes compromises ne sont pas particulièrement favorables à la confiance des citoyens dans le fonctionnement de la justice. Ils augmentent en outre le sentiment d’impunité et d’insécurité.

Il est donc essentiel que l’on investisse plus que jamais dans des traductions et des interprétations de qualité en matière répressive. La fonction d'interprète assermenté est en outre trop importante et trop délicate dans notre société superdiversifiée que pour qu’elle soit exécutée par des interprètes occasionnels. Des traducteurs et interprètes indépendants, qui n’ont aucun lien avec les avocats ou les services de police, sont les mieux placés pour assurer en toute neutralité la communication entre les parties s’exprimant dans des langues différentes, faciliter le travail des avocats, des magistrats et des juges et garantir le droit à un procès équitable.

L’Union professionnelle des Traducteurs et Interprètes assermentés espère que le ministre de la Justice Koen Geens et les autres décideurs nationaux pendront à bras le corps ce nième affront pour la justice pour enfon rémunérer les interprètes et les traducteurs à des prix corrects et conformes aux marchés pour le secteur judiciaire. Ce n’est que comme ça que l’on évitera qu’un nombre sans cesse croissant de traducteurs et interprètes expérimentés jettent le gant après un petit temps. Des tarifs plus intéressants ne feraient en outre qu’augmenter le nombre de traducteurs et d’interprètes qui envisageraient d’accepter des missions pour la justice. Cela ne peut que profiter à l’appareil judiciaire et à la société dans son ensemble. 

dotted_texture