27/03/18

Le mot du président - Themis a les yeux rouges

Mes chers Confrères,

Nous étions 600 acteurs de justice à manifester cette semaine place Poelaert, à l’initiative des associations de magistrats et des étudiants de l’ULB et de Saint-Louis. Justice Help ! Pauvre justice ! 
 


Il y a trois ans, le 20 mars 2015, nous étions 3.000 à nous plaindre de l’érosion des moyens mis à disposition par le gouvernement. En trois ans, ce n’est ni tout à fait la même chose, ni tout à fait une autre. On ne peut pas dire que les choses ont vraiment changées. Elles se sont aggravées. Les dépenses de justice représentent 0,5 % du PIB, soit en-dessous de la moyenne européenne.
 
Alors qu’on ne cesse de clamer que la priorité est « job, job, job », les cadres ne sont occupés qu’à concurrence de 80 %. Vouloir délibérément ne pas remplir les cadres à 100 % est un manquement à la loi. Le pouvoir exécutif a un souci avec le judiciaire. Il l’a désossé. Thémis a les yeux rouges.
 
Les bâtiments de justice ne sont pas entretenus. La Régie des bâtiments a un budget annuel de 150.000.000 pour les rénovations. Or, les besoins sont de l’ordre de 250.000.000, chaque année.
 
Avez-vous vu l’état des palais de Verviers, Tournai ou Bruxelles ? Lorsque les plafonds s’écroulent, on ferme la porte…
 
EN PITEUX ÉTAT   

Le budget de la justice a diminué de 20 % en trois ans. La justice est devenue faible. En France, c’est un enfant plus gâté : plus 4 % en 2016, plus 4 % cette année.
 
Qui représente aujourd’hui les juges ? Deux Collèges et une Cour de cassation ? Le pouvoir judiciaire a été divisé par le pouvoir législatif.
 
Les augmentations successives des droits de mise au rôle et la suppression de l’exonération de la TVA de 21 % sur les honoraires d’avocats ont porté atteinte à l’accès à la justice pour les classes moyennes. Certes, nous travaillons à un projet d’assurance protection juridique attractif mais quand verra-t-il le jour ?
 
Avec la réforme de l’aide juridique de 2016, le nombre de désignations a diminué de 23 % en un an. Bien sûr, on fait aujourd’hui plusieurs prestations avec une seule désignation. Mais quel a été l’impact réel de l’introduction des tickets modérateurs et des contraintes en matière de vérification des ressources des justiciables ? Une évaluation de cette réforme doit être faite. Nous le souhaitons.
 
Notre ministre de la justice a de grandes ambitions pour la justice et le barreau de demain. Sur plusieurs projets, il est visionnaire. Mais prenons garde d’entrer dans l’avenir à reculons. La justice d’aujourd’hui est en piteux état. Et c’est l’Etat de droit qui est en danger, au mépris du justiciable.

Votre dévoué,

JEAN-PIERRE BUYLE  PRÉSIDENT

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