17/10/16

Les droits de câble dorénavant à partager avec les auteurs et artistes

Les producteurs audiovisuels avaient porté devant la Cour constitutionnelle belge certains points de la récente codification du droit d'auteur du Ministre Vanden Lanotte. La Cour vient de rendre sa décision. Victoire totale des auteurs et des artistes! Analyse ci-dessous.


TOUT LE GRATIN DU SECTEUR CONVIÉ DEVANT LA COUR

Le recours avait été introduit début 2015 par les deux sociétés de gestion des droits des producteurs audiovisuels. Ils ont été rejoints par les Nethys (ancien Tecteo), Medialaan et Telenet (radiodiffuseurs affolés de devoir payer plus peut-être alors que le Ministre avait répété à l'envie que ces modifications n'avaient pas pour but d'augmenter la facture totale mais juste de mieux partager les recettes). Du côté des auteurs et artistes, ce sont les sociétés de gestion ayant des membres dans l'audiovisuel qui sont intervenues (le conglomérat franco-belge SCAM/SACD/Sofam/DeAuteurs, la SAJ et PlayRight) (tiens, la Sabam n'y est pas présente...). Le Conseil des ministres a également déposé son argumentation que nous vous conseillons de lire (p. 7 à 11 de l'arrêt). Les parties citées étaient défendues par les ténors habituels du barreau.

Cela démontre à suffisance l'importance du sujet et des conséquences de la décision de la Cour pour les uns et les autres: moins d'argent pour les producteurs et enfin! des rentrées financières pour les auteurs et artistes relatives au droit de câble. Rappelons que nous parlons ici du partage de plusieurs millions d'euros par an. Les questions n'étaient donc nullement de principe et purement théoriques. Quand droit d'auteur rime avec argent dans ses conséquences les plus directes.


POUR LES PRODUCTEURS, LES AUTEURS N'ONT TOUJOURS PAS DROIT A UNE PARTIE DES DROITS DE CABLE

Le recours introduit par les producteurs ne concernait que trois articles du Livre XI du Code de droit économique: les articles XI.212, XI.213 et XI.225.

Aux termes de l'article XI.212, les prestations d’un artiste ainsi que celles des producteurs musicaux et audiovisuels sont soumises au régime de la licence obligatoire lorsque ces prestations sont exécutées publiquement et gratuitement en dehors d’un spectacle ou lorsque ces prestations font l’objet d’une radiodiffusion. Par l’effet de ce régime de licence légale obligatoire, les artistes et les producteurs titulaires n’ont plus le droit exclusif de refuser ou d’accepter ces prestations mais, en contrepartie, l’article XI.213 du CDE prévoit une rémunération équitable à leur profit.

Quant à l’article XI.225 du CDE, il garantit la rémunération de l’auteur et de l’artiste au titre de la retransmission par câble, même s’ils ont cédé leurs droits d’autorisation et d’interdiction de retransmission par câble à un producteur d’œuvres audiovisuelles.


UNE DÉCISION À SALUER

Dans une décision très didactique (même si le sujet reste technique), la Cour confirme les choix du législateur de 2014. Selon la Cour, il était parfaitement raisonnable et équitable d'étendre le système de la licence légale aux producteurs audiovisuels et de prévoir un partage de l'argent issu des droits de câble.

La Cour rappelle aussi que le législateur a inséré le nouvel article XI.225 afin de réduire les litiges qui opposent les câblodistributeurs, les producteurs, les auteurs et les artistes, en particulier sur les montants des sommes à payer par les câblodistributeurs en échange de l’obtention des autorisations de diffusion. En quelque sorte, les producteurs ont été pris à leur propre piège. En refusant depuis le début de partager équitablement les sommes issues de ces exploitations et en lançant des procédures longues et coûteuses grâce à des moyens financiers énormes, les producteurs ont forcé le législateur à intervenir afin de forcer un légitime et équitable partage des droits entre toutes les parties en présence.


CONCLUSION

Les auteurs et artistes sont dorénavant à considérer comme des bénéficiaires des droits de câble. Il s'agissait de LA mesure phare en faveur des auteurs et artistes issues de la codification de 2014. Toutefois, la codification n'a pas inséré ce partage avec effet rétroactif malheureusement (aurait-elle pu le faire?). Dès lors, il n'est pas certain que nous en avons fini avec les décisions judiciaires relatives au passé.

Gageons que les différents intervenants (via leur société de gestion respective) sont déjà en train de négocier les conséquences financières de la décision de la Cour constitutionnelle pour le présent et le futur. Espérons aussi que le Roi va enfin mettre rapidement en application la licence légale des articles XI.212 et suivants.

Cet arrêt vient rappeler que le droit d'auteur n'est rien de plus qu'une énorme négociation financière entre des parties qui doivent parfois s'entendre, parfois se voir devant la justice.

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