09/07/14

Comment contester une indemnité que vous réclame votre banque en cas de remboursement anticipé d’un crédit professionnel ?

Vous souhaitez rembourser anticipativement une ouverture de crédit professionnel et votre banquier vous réclame une indemnité de remploi exorbitante, fondée sur une clause contractuelle dite de "funding loss" dont vous n’avez sans doute jamais mesuré les implications financières.

La plupart des ouvertures de crédits professionnels contiennent une clause de "funding loss" comportant une formule de calcul de l’indemnité de remploi due par le client en cas de remboursement anticipé.

Cette indemnité correspond à la différence entre, d'une part, les intérêts que la banque aurait perçus jusqu'à la fin du crédit si le crédit n'avait pas été remboursé anticipativement et, d'autre part, les intérêts qu'elle pourra percevoir en replaçant le capital remboursé anticipativement sur le marché interbancaire pour la durée restant à courir.

En conséquence, une indemnisation importante sera due dans la grande majorité des cas, puisque les intérêts prévus dans le contrat d'ouverture de crédit sont presque toujours supérieurs au taux du marché interbancaire, compte tenu de la marge bénéficiaire de la banque, …

Comment pouvez-vous réagir ?

1. Vérifier si vous avez bien accepté la clause de funding loss

Cette clause, qui figure dans le règlement des opérations de la banque, a-t-elle bien été acceptée par vous ?

Si tel n’est pas le cas, cette clause ne vous sera pas opposable.

2. Invoquer l'article 1907 bis du Code civil et les objectifs poursuivis par le législateur

Cet article dispose que « lors du remboursement total ou partiel d’un prêt à intérêts, il ne peut en aucun cas être réclamé au débiteur, indépendamment du capital remboursé et des intérêts échus, une indemnité de remploi d’un montant supérieur à six mois d’intérêts calculés sur la somme remboursée au taux fixé par la convention ».

Or, en application d'une clause de funding loss, le montant de l'indemnité est souvent très largement supérieur au montant que représentent six mois d'intérêts.

La banque soutiendra de son côté que l'article 1907bis vise uniquement le "prêt à intérêts", et non les ouvertures de crédit. Elle fondera notamment son argumentation sur un arrêt de la cour constitutionnelle du 7 août 2013 (arrêt n° 119/2013).

Vous pouvez faire valoir que "le texte de l'article 1907bis a été conçu comme un "texte général", raison pour laquelle il a été introduit dans le Code civil" (C. Bicquet-Mathieu, Crédit, remboursement anticipé et indemnité de remploi, in Liber Amicorum Paul Delnoy, Larcier, 2005, p. 48, n° 11) et doit également s’appliquer aux ouvertures de crédit.

Certaines décisions des cours et tribunaux ont d’ailleurs admis ce principe et ont reconnu que l'article 1907 bis du Code civil s'applique à l'indemnité de remploi prévue dans un contrat d'ouverture de crédit (Liège, 28 janvier 2010, RGDC, 2010, p. 475; Civ. Bruxelles, 11 décembre 2006, R.G.D.C., 2007, p. 630 : "(...) l'indemnité de remploi calculée selon la technique du "funding loss" ne peut aboutir à une indemnisation supérieure à celle prévue par l'article 1907bis du Code civil (...)" Com. Bruxelles, 15 avril 2008, inédit, RG 7897/08).

L'intention du législateur était en effet de lutter contre les indemnités de remploi abusives réclamées à l'occasion d'un remboursement anticipé, et ce quel que soit le type de crédit envisagé, en ce compris l’ouverture de crédit.

3. Mettre en cause la responsabilité de la Banque

La cour constitutionnelle, dans son arrêt du 7 août 2013, rappelle que : « … dans le cadre d’un contrat d’ouverture de crédit, le crédité n’est pas dépourvu de tout moyen de droit afin de lutter contre les pratiques abusives du créditeur. En effet, il n’est pas exclu qu’il puisse mettre en cause la responsabilité de son bailleur de fonds, lorsque ce dernier exige une indemnité de remploi manifestement excessive » (arrêt n° 119/2013, p. 12).

Vous pouvez soutenir que la banque fait preuve d’un abus de droit contractuel et engage sa responsabilité, en sollicitant l’application de la clause de funding loss, qui aboutit créer dans votre un chef un préjudice disproportionné par rapport au dommage réellement subi par la banque du fait du remboursement anticipé du crédit.
 

En effet, comme expliqué ci-dessus, l’indemnité correspond à la différence entre, d'une part, les intérêts que la banque aurait perçus jusqu'à la fin du crédit si le crédit n'avait pas été remboursé anticipativement et, d'autre part, les intérêts qu'elle pourra percevoir en replaçant le capital remboursé anticipativement sur le marché interbancaire pour la durée restant à courir.

Or, la banque pourrait faire un usage plus rentable des fonds remboursés anticipativement, par exemple en les prêtant à d’autres clients, plutôt que de les replacer sur le marché interbancaire, ce qui réduirait sensiblement son préjudice.
 

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