16/12/11

L’arbitrage en question(s)

La gestion d’un litige pour une entreprise est un enjeu qui se mesure en termes de temps et de coûts et qui allie aux contraintes de ces investissements une bonne dose d’incertitude. Aux questions légitimes de son client, l’avocat ne peut pas toujours répondre de manière positive ou encourageante ; le manque de moyens dont disposent les juridictions belges et l’arriéré judiciaire qui en résulte sont autant d’aléas qui s’ajoutent à ces interrogations. C’est pourquoi de nombreux avocats conseillent aujourd’hui à leurs clients entrepreneurs de se tourner vers ce que l’on a longtemps appelé les « modes alternatifs de résolution des conflits » (« MARC » ou, en anglais, « Alternative Dispute Resolution » ou « ADR ») et que la tendance actuelle renomme plus volontiers « modes adaptés de résolution des conflits ». Parmi ces techniques figure l’arbitrage.

Qu’est-ce que l’arbitrage?

L’arbitrage résulte d’un accord écrit entre des parties à un litige, existant ou susceptible de survenir, portant sur le fait de soumettre leur différend à un (ou des) tiers (le ou les arbitres), à charge pour celui-ci de rendre une décision (la « sentence arbitrale »), qui tranche définitivement ce litige. En acceptant de prendre part à une procédure d’arbitrage, les parties renoncent à la possibilité de se tourner vers les cours et tribunaux et s’engagent à accepter la sentence qui sera rendue par le tribunal arbitral qu’elles auront choisi.

En effet, parmi les nombreux avantages offerts par l’arbitrage et dont on ne retient habituellement que la rapidité et la discrétion, figurent, d’une part, le fait que la très grande majorité des sentences sont volontairement exécutées à l’issue de la procédure et, d’autre part, la possibilité pour les parties de participer à la constitution de leur tribunal et à l’établissement des règles de leur procédure, pour autant que le respect des droits fondamentaux (droits de la défense et principe contradictoire) soit assuré. Oubliées, les lourdeurs de procédure inhérentes à un Code judiciaire qui a, certes, subi divers rafraîchissements, mais qui reflète encore et toujours une conception de la justice du 19ème siècle : les parties souhaitent choisir leur juge ou soumettre leur litige non pas à un seul juriste mais également à un technicien, seul à même de comprendre les subtilités qui les opposent ? Les parties veulent interroger des témoins devant les arbitres ? Les parties veulent que la procédure ait lieu en langue anglaise, seule langue commune ? Tout cela est possible. En matière d’arbitrage, la procédure peut être taillée sur mesure, par les parties elles-mêmes, afin de répondre aux besoins de leur litige.

L’arbitrage est-il susceptible de régler le litige de mon entreprise?

Oui, l’arbitrage a essentiellement pour vocation de répondre aux contraintes des entreprises et commerçants. C’est une procédure qui s’est développée en matière de commerce international, sous l’égide des chambres de commerce (notamment de la CCI à Paris). Et si elle peut parfaitement s’adapter aux besoins de multinationales et à des litiges internationaux d’une grande complexité, la procédure d’arbitrage, par la souplesse qui la caractérise, rencontre tout autant les besoins locaux des PME.

L’interprétation, la violation ou la mauvaise exécution d’un contrat et le préjudice qui en est résulté pour une partie forme la matière de prédilection des arbitrages nationaux : rupture d’un contrat de distribution, interprétation et application d’une clause de calcul de commissions pour un vendeur, litige autour d’une convention de cession d’actions ou d’entreprises, mise en cause de la responsabilité d’un entrepreneur dans la réalisation d’un ouvrage ... en sont autant d’exemples. Dans la panoplie des procédures qui s’offrent au dirigeant d’entreprise, aux côtés de la procédure judiciaire classique, une nouvelle place doit être créée pour les MARC’s, et l’arbitrage en fait évidemment partie.

L’arbitrage est-il rapide ?

La durée d’une procédure arbitrale varie selon la complexité de l’affaire, les délais convenus entre les parties, voire de l’attitude plus ou moins procédurière des parties et de leurs avocats. Ceci étant, la durée moyenne d’un arbitrage placé sous l’égide du Cepani en 2010, du jour de l’introduction de la procédure jusqu’au jour où la sentence est rendue, était de 15 mois. Il faut avoir à l’esprit que, sauf accord exprès des parties, la sentence arbitrale ne pourra être frappée d’appel. A l’exception d’un éventuel recours en annulation, la sentence arbitrale sera donc rendue en dernier ressort. Il s’agit d’un indéniable avantage en termes de durée de la procédure.

L’arbitrage est-il cher ?

Le tribunal arbitral sera rémunéré en vertu d’un accord intervenu entre lui et les parties. Il est donc possible, par exemple, que les arbitres soient rémunérés sur la base d’un taux horaire ou selon toute autre formule convenue. De telles modalités de rémunération sont généralement rencontrées pour les arbitrages dits ad hoc (nés de l’accord des parties et sans l’égide d’un centre d’arbitrage). Les arbitres intervenant dans le cadre d’arbitrages institutionnels (organisés par un centre d’arbitrage, comme le Cepani) seront généralement rémunérés sur la base d’un barème arrêté par le centre d’arbitrage et déterminé en fonction de l’enjeu du litige. Ce barème couvre les honoraires et frais des arbitres mais également les frais administratifs du centre d’arbitrage. A titre d’exemple, les frais d’arbitrage, comprenant les honoraires de l’arbitre et les frais administratifs, s’élèveront à 625 EUR pour un arbitrage placé sous l’égide du Cepani dont le montant en jeu sera inférieur à 12.500 EUR. Pour un litige portant sur 100.000 EUR, les frais d’arbitrage s’élèveront en moyenne à 13.000 EUR pour un arbitre unique et à 30.500 EUR pour trois arbitres intervenant conformément au règlement de la CCI. La moyenne sera de 4.400 EUR pour un arbitre unique et de 13.200 EUR pour trois arbitres intervenant dans le cadre du Cepani. Enfin, il faut savoir qu’en matière d’arbitrage, le tribunal peut décider de faire supporter à la partie qui perd le procès les frais et coûts de la procédure de l’arbitrage ainsi que les frais d’avocat de la partie qui a gagné ; en d’autres termes, pour l’entreprise qui voit sa thèse triompher, la charge d’un procès peut être assumée, parfois dans sa totalité, par son adversaire.

Si le coût de l’arbitrage est souvent dénoncé par ses détracteurs, une récente étude démontre que le fait de disposer d’une politique claire de résolution des conflits offre de toute évidence un important avantage stratégique. 86% des personnes interrogées affirment qu’une telle politique permet d’économiser des coûts parce qu’elle assure une gestion efficace de la procédure de litige ou contribue à minimiser les risques d’une escalade du conflit.

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