30/09/19

Des renforts européens pour les forêts?

A l’heure où la déforestation de nos forêts bat son plein – pensons par exemple à la forêt amazonienne, les forêts de Madagascar ou encore la forêt Bialowieza - la Commission européenne a annoncé en juillet dernier son intention de renforcer l'action de l'UE en matière de protection et de restauration des forêts à travers le monde en s’attaquant à la fois à l'offre et à la demande. Elle définit ainsi une liste d'actions, ouvrant la voie à l'examen et à l'adoption de mesures supplémentaires.

A l’heure où la déforestation de nos forêts bat son plein – pensons par exemple à la forêt amazonienne, les forêts de Madagascar ou encore la forêt Bialowieza - la Commission européenne a annoncé en juillet dernier son intention de renforcer l'action de l'UE en matière de protection et de restauration des forêts à travers le monde.

Quels changements sont donc à prévoir ?


Contexte

Les forêts de l’Union européenne s’étendent sur 182 millions d’hectares, soit 43 % de la superficie de l’UE (et 5 % des surfaces forestières mondiales). On les retrouve principalement dans six États membres : la Suède, la Finlande, l’Espagne, la France, l’Allemagne et la Pologne. A l’échelle globale, la couverture forestière représente 30% de la surface de la Terre.

Ces forêts sont indispensables : elles sont les poumons et le cœur de la planète, abritant à elles seules 80% de la biodiversité.

Malheureusement, la demande croissante de denrées alimentaires, d'aliments pour animaux, de bioénergie, de bois et d'autres produits de base pour répondre aux besoins de la population mondiale galopante, associée à une faible productivité et efficacité des ressources, exerce une pression et menace la conservation de nos forêts. Environ 80 % de la déforestation mondiale est causée par l'expansion des terres utilisées pour l'agriculture. L'expansion urbaine, le développement des infrastructures et l'exploitation minière sont également de grands facteurs de déforestation. Entre 1990 et 2016, 1,3 millions km² de forêt ont été perdus, soit 800 terrains de football par heure.  


Politique forestière de l’UE

Malgré sa grande surface forestière, l’Union européenne ne dispose toutefois pas de politique forestière commune - elle n’est même pas mentionnée dans les traités fondateurs de l’UE. La politique forestière tombe donc dans l’escarcelle des États membres.

Face au déboisement croissant à travers le monde, l’UE met en œuvre depuis 2003 le plan d’action FLEGT (Forest Law Enforcement, Governance and Trade Action Plan) afin de lutter contre l'exploitation clandestine des forêts et le commerce qui y est associé.

En outre, la Commission européenne a publié en 2008 une communication (COM(2008)0645) « Combattre la déforestation et la dégradation des forêts pour lutter contre le changement climatique et la diminution de la biodiversité » , proposant un cadre d’action de l’UE. La Commission veut ainsi mettre un terme à la diminution de la surface boisée de la planète pour 2030, et réduire la déforestation tropicale brute de 50 % pour 2020.  

Ces deux initiatives s’inscrivent dans une flopée d’autres actions et législations européennes ayant elles aussi une incidence sur les forêts de l’UE ainsi que des pays tiers:

  • la politique agricole commune (PAC), qui est la source principale de financements européens pour les forêts ;
     
  • le Règlement (UE) n ° 995/2010 du Parlement européen et du Conseil du 20 octobre 2010 établissant les obligations des opérateurs qui mettent du bois et des produits dérivés sur le marché ;
     
  • la politique énergétique qui vise à l’augmentation des énergies renouvelables, et donc à la biomasse forestière (Directive 2009/28/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables et modifiant puis abrogeant les directives 2001/77/CE et 2003/30/CE) ;
     
  • la directive 2000/29/CE du Conseil du 8 mai 2000 concernant les mesures de protection contre l'introduction dans la Communauté d'organismes nuisibles aux végétaux ou aux produits végétaux et contre leur propagation à l'intérieur de la Communauté ;
     
  • la directive 1999/105/CE du Conseil, du 22 décembre 1999, concernant la commercialisation des matériels forestiers de reproduction ;
     
  • le réseau Natura 2000 ;
     
  • Programme Horizon 2020 qui consacre des fonds à la recherche forestière ;
     
  • le Fonds de solidarité en cas de catastrophes naturelles (tempêtes, incendies) instauré par le règlement (CE) no 2012/2002 du Conseil ;
     
  • le rapport d’initiative du 30 janvier 1997 sur la stratégie forestière de l’Union européenne ; la communication «Une nouvelle stratégie de l’UE pour les forêts et le secteur forestier» (COM(2013)0659) ainsi que son plan pluriannuel de mise en œuvre (SWD(2015)0164) ; le rapport de la Commission sur les progrès réalisés dans la mise en œuvre de la stratégie de l’UE pour les forêts (COM/2018/811) et les conclusions intermédiaires du Conseil du 15 avril 2019 ;
     
  • LIFE 2014-2020 et le règlement (UE) no 1293/2013 dans le cadre de l’action pour le climat ;
     
  • la stratégie de l’UE pour la biodiversité qui prévoit des plans de gestion durable des forêts (COM(2011)0244).


On remarque également un nombre d’autres initiatives pan-européennes et internationales :

  • l’initiative politique pan-européenne Forest Europe ;
     
  • la Convention sur l'Institut européen de la Forêt (dont la loi portant assentiment a été publiée le 18 septembre 2019 au Moniteur belge) ;
     
  • le financement de projets dans le cadre du programme REDD+, qui vise à réduire les émissions liées à la déforestation et à la dégradation des forêts en Asie, en Afrique et en Amérique latine ; et
     
  • le label FSC (Forest Stewardship Council).


L’approche renforcée de la Commission européenne

Malgré les efforts de l’UE, les objectifs fixés en 2008 semblent se rapprocher aujourd’hui de l’utopie.

C’est pourquoi la Commission européenne a annoncé dans sa communication du 23 juillet 2019 une stratégie qui s’attaque à la fois à l'offre et à la demande. Elle définit ainsi cinq priorités :

  1. réduire l'empreinte de consommation de l'UE sur la terre et encourager la consommation de produits issus de chaînes d'approvisionnement sans déforestation dans l'UE;
     
  2. travailler en partenariat avec les pays producteurs afin de réduire les pressions sur les forêts et de parvenir à une coopération au développement ne contribuant pas à la déforestation;
     
  3. renforcer la coopération internationale pour mettre un terme à la déforestation et à la dégradation des forêts et encourager la restauration des forêts;
     
  4. réorienter le financement vers des pratiques d'affectation des sols plus durables;
     
  5. veiller à la disponibilité et à la qualité des informations sur les forêts et les chaînes d'approvisionnement des produits de base, faciliter l'accès à ces informations et soutenir la recherche et l'innovation.

Le but est donc d’introduire des actions visant à réduire la consommation au sein de l’UE et d’encourager l’utilisation de produits issus des chaînes d’approvisionnement sans déforestation.

La Commission propose en outre la création d’un observatoire censé surveiller les facteurs de changements qui surviennent dans la couverture forestière mondiale. Elle lance également une analyse relative aux mesures réglementaires qui pourraient être prises pour minimiser l'incidence de la consommation de l'UE sur la déforestation et la dégradation des forêts.

Enfin, la Commission se penchera sur la réorientation des financements publics et privés en vue d’inciter une gestion durable des forêts, la régénération durable de la surface forestière, ainsi que la conservation de la surface forestière existante.  


Conclusion : « work in progress »

Qu’est-ce que cela implique donc ?

La Commission propose par le biais de cette communication une liste d'actions, ouvrant ainsi la voie à l'examen et à l'adoption de mesures supplémentaires.

La réussite de cette initiative dépendra dans un premier temps donc de son accueil auprès des autres institutions européennes, ainsi que de la volonté et la de coopération des différents acteurs concernés.

A première vue, les effets de cette communication resteront donc limités au niveau belge. Toutefois, notons que la loi portant assentiment à la Convention sur l'Institut européen de la forêt a été publiée le 18 septembre 2019 au Moniteur belge. Cela veut donc dire que la Belgique est dès à présent un membre à part entière de cette convention, et joindra ses forces à celles des autres pays contractants dans la recherche sur la politique forestière au niveau paneuropéen.


L'auteur: 
Sophie Timmermans
sophie.timmermans@stibbe.com

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