17/09/21

Principaux éléments à retenir de la directive sur les lanceurs d’alerte

Votre organisation est-elle prête pour l'échéance du 17 décembre 2021 ?

Afin de renforcer l'application du droit et des politiques de l'Union européenne (l'UE), la Directive (UE) 2019/1937 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2019 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l'Union (la Directive sur les Lanceurs d'alerte) entend établir des normes minimales communes à toute l'UE assurant un niveau élevé de protection des personnes signalant des violations du droit de l'UE.

La Directive sur les Lanceurs d'alerte est entrée en vigueur le 16 décembre 2019 et doit être mise en œuvre par les États membres de l'UE dans trois mois, le 17 décembre 2021.

Bien que la Belgique et de nombreux autres États membres de l'UE sont loin d'être prêts à respecter cette échéance, la date du 17 décembre 2021 sera toujours d'actualité compte tenu de l'effet vertical des directives européennes.

Dans ce briefing, nous résumons les points clés de la Directive sur les Lanceurs d'alerte pour les entités juridiques belges actives dans le secteur privé, sous réserve des textes législatifs définitifs transposant la Directive sur les Lanceurs d'alerte en droit belge.

1. Champ d’application de la Directive sur les Lanceurs d’alerte

Le champ d'application de la Directive sur les Lanceurs d’alerte couvre les signalements effectués :

  • par des personnes ayant acquis des informations dans un contexte professionnel, ce qui signifie qu'un large éventail de personnes peut bénéficier de la protection offerte par la Directive sur les Lanceurs d’alerte. À ce titre, les travailleurs, les anciens travailleurs, les travailleurs indépendants, les candidats à l'emploi, les stagiaires, les actionnaires, etc. peuvent être considérés comme des lanceurs d’alerte ; et
  • sur les violations du droit de l’UE, qui concernent notamment la protection de l'environnement, la fraude fiscale, la protection des données, la prévention du blanchiment d'argent, le droit de la concurrence, la sécurité des produits et des transports, etc.

Si le champ d'application personnel de la Directive sur les Lanceurs d’alerte est très large, son champ d'application matériel est donc plus limité. Cela dit, les États membres de l'UE sont encouragés à élargir le champ d'application (matériel) de la protection des lanceurs d’alerte lorsqu'ils transposent la Directive sur les Lanceurs d’alerte en droit national.

2. Types de signalements possibles en vertu de la Directive sur les Lanceurs d’alerte

La Directive sur les Lanceurs d’alerte couvre trois types de canaux de signalement :

  • des canaux de signalement internes doivent être mis en place par les entités juridiques dès qu'elles comptent au moins 50 travailleurs (ou moins selon l’implémentation de l'État membre) ;
  • les canaux de signalement externes pour lesquels la Directive sur les Lanceurs d’alerte invite les États membres à désigner les autorités compétentes pour recevoir, fournir un retour d'informations et assurer un suivi des signalements et à les doter de ressources suffisantes ; et
  • les divulgations publiques que la Directive sur les Lanceurs d'alerte considère comme un dernier recours dans le cas où un signalement effectué par le biais d'un canal interne ou externe n'a pas donné lieu à une mesure appropriée ou si le problème à signaler constitue un danger imminent ou manifeste pour l'intérêt public ou, en cas de signalement externe, s'il existe un risque de représailles ou s’il y a peu de chances qu’il soit véritablement remédié à la violation.

Un point d'action important pour les entités juridiques du secteur privé est donc de prendre en temps utile les mesures nécessaires pour mettre en place un canal de signalement interne (appelé "whistleblowing hotline") si elles ont atteint le seuil de 50 employés (ou moins, selon les exigences de la législation nationale).

Plus particulièrement, il sera essentiel de :

  • veiller à ce que les lanceurs d’alerte aient la possibilité de faire part de leurs préoccupations par écrit (en ligne, par courrier, etc.) ou oralement (par exemple, par téléphone ou en personne), par le biais d'un système interne ou externalisé ;
  • désigner une personne ou un service impartial compétentpour assurer le suivi des signalements (par exemple, le Responsable de la Conformité (Compliance Officer) ou un médiateur externe (ombudsman)) ;
  • fournir des informations claires et accessibles concernant les canaux de signalement disponibles aux lanceurs d’alerte potentiels, en tout état de cause aux propres travailleurs de l’entité juridique mais aussi à des tiers tels que les contractants externes ;
  • veiller à ce que les problèmes soulevés par le biais du canal de signalement interne soient dûment traités conformément aux exigences procédurales énoncées dans la Directive sur les Lanceurs d’alerte, ce qui inclut l'accusé de réception dans les sept jours, le suivi diligent, la fourniture d'un retour d'information dans un délai raisonnable qui n'excède pas trois mois, etc. ; et
  • garantir la confidentialité de l'identité du lanceur d’alerte ainsi que de tout tiers mentionné dans le signalement.

Il convient de noter que les entités juridiques du secteur privé qui comptent entre 50 et 249 travailleurs peuvent partager des ressources en ce qui concerne la réception des signalements et les enquêtes éventuelles à mener, à condition que toutes les obligations énoncées dans la Directive sur les Lanceurs d’alerte soient respectées. Les États membres de l'UE peuvent également accorder à ces entités juridiques un délai supplémentaire de deux ans, c'est-à-dire jusqu'au 17 décembre 2023, pour mettre en place un canal de signalement interne.

3. Types de protection prévus par la Directive sur les Lanceurs d'alerte

Les personnes qui effectuent un signalement par le biais d'un système de signalement interne ou externe ou, dans des circonstances spécifiques, par le biais d'une divulgation publique, peuvent bénéficier :

  • d’une protection contre les représailles et les menaces ou tentatives de représailles (par exemple, licenciement, suspension, discrimination, traitement injuste, refus de promotion, suspension de formation, intimidation, harcèlement, etc.) ;
  • des mesures de soutien comprenant des informations et des conseils complets et indépendants, ainsi qu'une assistance effective des autorités compétentes et une assistance juridique dans le cadre des procédures judiciaires.

Cette protection est offerte dans la mesure où :

  • l’auteur du signalement avait des motifs raisonnables de croire que les informations signalées sur les violations étaient véridiques au moment du signalement et que ces informations entraient dans le champ d'application de la Directive sur les Lanceurs d’alerte ; et
  • l’auteur du signalement a effectué un signalement par l'intermédiaire de l'un des trois canaux de signalement prévus par la Directive sur les Lanceurs d’alerte.

Si une personne a effectué un signalement et remplit les conditions requises pour bénéficier d'une protection contre les représailles, la charge de la preuve est inversée et c'est à la personne physique ou morale responsable de cette mesure de représailles de prouver qu'elle n’était en rien liée au signalement effectué.

4. Protection des données

La Directive sur les Lanceurs d'alerte prévoit explicitement que tout traitement, échange ou transmission de données à caractère personnel en application de la Directive sur les Lanceurs d'alerte doit être effectué conformément aux dispositions du Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD). Les données à caractère personnel qui ne sont manifestement pas pertinentes pour le traitement du signalement effectué ne sont pas collectées ou, si elles le sont déjà, sont immédiatement supprimées.

5. Sanctions

Contrairement au RGPD par exemple, la Directive sur les Lanceurs d'alerte ne prévoit pas de sanctions spécifiques, mais exige plutôt des États membres de l'UE qu'ils prévoient des sanctions effectives, proportionnées et dissuasives applicables aux personnes physiques ou morales qui entravent ou tentent d’entraver le signalement, qui ne préservent pas la confidentialité de l'identité du lanceur d'alerte ou qui prennent des mesures de représailles à l'encontre des lanceurs d'alerte.

Enfin, il convient de noter que les États membres de l'UE seront également tenus de prévoir des sanctions en cas de signalement malveillant par un lanceur d'alerte. La proportionnalité de ces sanctions doit toutefois garantir qu'elles n'ont pas un effet dissuasif sur les lanceurs d'alerte potentiels.

Il reste à voir quelles sont les sanctions que le législateur belge prévoira.

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En cas de questions concernant vos obligations au regard de la Directive sur les Lanceurs d’alerte, n'hésitez pas à contacter Paul Geerebaert ou Bruno Aguirre.

Paul GEEREBAERT

Partner

+32 2 551 14 58
p.geerebaert@liedekerke.com
            

Bruno AGUIRRE

Senior Associate

+32 2 551 14 66
 b.aguirre@liedekerke.com
          

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