10/07/09

Succession d'architecte - 2e partie

Article écrit par Maître Jean-Pierre VERGAUWE et paru dans le numéro du mois d'avril du Journal de l'Architecte.

Introduction

Dans un précédent article, nous avons examiné les questions que soulevait la succession d’architecte concernant les prescriptions déontologiques et les honoraires des architectes succédés et successeurs.

Dans le présent article, nous examinerons les questions qui concernent les droits d’auteurs, la transmission du dossier et les responsabilités.

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I.            Les droits d’auteur

Rappelons que deux conditions ouvrent l’accès aux droits d’auteurs : l’originalité et la mise en forme.

Naturellement, l’architecte jouit de la même protection que les autres auteurs ; il est donc titulaire des droits patrimoniaux et moraux qui s’attachent à sa création.

La succession d’architecte pose des problèmes délicats en ce qui concerne la titularité des droits d’auteurs.

M. PLESSERS rappelle que « l’architecte qui succède à son confrère ne peut utiliser les plans de ce dernier que moyennant son autorisation préalable, mais il sera par contre seul titulaire du droit d’auteur sur l’œuvre achevée, à tout le moins en principe (« L’architecte est-il titulaire de droits d’auteur ? », IRDI, 1997, p. 170).

Cette affirmation nous paraît devoir être nuancée.

En effet, dès lors que le 1er architecte a été totalement honoré pour ses prestations et éventuellement indemnisé du chef d’une résiliation anticipée, il confère automatiquement au maître de l’ouvrage le droit d’utiliser ses plans et sa conception pour poursuivre et achever le projet.

C’est ici que ce se posera la question, à plusieurs reprises débattue, de savoir si et dans quelles mesures le maître de l’ouvrage peut disposer à son gré de la conception architecturale.

Cette question est fréquemment soulevée dans un autre contexte, à savoir lorsque le maître de l’ouvrage souhaite modifier et transformer, voire détruire une œuvre architecturale.

La jurisprudence, en règle générale, privilégie le droit de propriété sur le droit d’auteur ; même si le maître de l’ouvrage habite une œuvre qui mérite respect et protection, cela ne peut nuire à ses droits fondamentaux, notamment d’adapter la construction à ses besoins évolutifs.

L’architecte a le droit de faire supprimer toute référence à son nom s’il considère que la transformation du projet de la construction est une mutilation de son œuvre qui la dénature et vis-à-vis de laquelle il ne souhaite plus conserver de paternité.

La question de la titularité du droit d’auteur mérite également d’être examinée lorsque l’architecte succédant intervient à un moment où la conception est, en principe, déjà finalisée (par exemple lorsque le permis d’urbanisme a été accordé et que le projet se trouve en phase d’exécution).

On peut admettre, tant dans l’intérêt de l’architecte succédé que dans celui du succédant, qu’il soit confirmé que la paternité de l’œuvre appartient exclusivement au premier et que le second qui contrôlera l’exécution des travaux n’a pas vraiment l’intention de copartager cette paternité, fût-ce parce que la conception originaire ne correspond pas à ses idées personnelles. Dans ce cas, le second architecte précisera qu’il n’est que l’architecte d’exécution, chargé du contrôle des travaux et de l’assistance aux opérations de réception.

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II.           La transmission du dossier

Quelles que soient les raisons pour lesquelles un architecte est amené à mettre fin anticipativement à sa mission, il doit impérativement communiquer sans retard le dossier, soit au maître de l’ouvrage, soit à l’architecte qui lui succède.

Toute rétention de dossier et de pièces entraînent la responsabilité de l’architecte.

Cependant, cette transmission doit s’opérer avec prudence. Il convient tout d’abord de dresser un inventaire précis des pièces et documents qui sont communiqués.

Il faut ensuite veiller à une datation précise et incontestable des documents communiqués et, en particulier, des plans, a fortiori lorsque ceux-ci sont établis sur un support informatique.

La date certaine des documents et plans protègent en effet l’architecte succédé en ce qu’elle évite que sa responsabilité ne soit mise en cause indûment pour des faits ou actes postérieurs à la fin de sa mission.

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III.         Les responsabilités

La succession d’architecte entraîne, inévitablement, un partage de responsabilités entre l’architecte succédé et son confrère successeur.

L’architecte succédé veillera, comme indiqué ci-avant, à faire préciser contradictoirement et sans ambiguïté, la date exacte de la fin de sa mission, de façon à ce qu’il ne puisse pas être rendu responsable du projet et de son exécution après qu’il ait été mis fin à sa mission.

L’architecte succédé conserve bien entendu l’entière responsabilité des prestations et actes qu’il a accomplis jusqu’à la résiliation du contrat.

Il veillera, le cas échéant, à faire préciser le point de départ de sa responsabilité décennale.

Quant à l’architecte successeur, sa situation pourra parfois être délicate dans la mesure où il est amené à reprendre et assumer la conception de son prédécesseur.

La situation est encore plus sensible lorsque le projet a déjà reçu un commencement d’exécution et que le chantier est en cours.

L’architecte successeur fera établir un état des lieux contradictoire ; il sera coresponsable de la conception dans la mesure où il l’avalise et la reprend sans protestation ni réserve.

Le partage des responsabilités demeure en ce cas une affaire délicate.

En ce qui concerne les travaux exécutés, l’architecte dressera l’état des lieux avant toute entame de sa mission ; il pourrait être rendu responsable des vices apparents, qu’il n’aurait pas décelés, mais ne pourra être raisonnablement mis en cause pour des vices cachés qui ne pouvaient être décelés à la suite d’un examen normalement prudent et diligent.

Ces précisions figureront dans le contrat d’architecture que l’architecte successeur signera avec le maître de l’ouvrage.

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