26/02/16

Pot-pourri II : récapitulatif des modifications en matière de droit pénal et de procédure pénale

Le deuxième volet (sur quatre au total) de la loi Pot-pourri du ministre de la Justice, Koen Geens, a été publié le 19 février au Moniteur belge. Il s’agit de la « Loi modifiant le droit pénal et la procédure pénale et portant des dispositions diverses en matière de justice ». Avec cette « loi Pot-pourri II », le ministre franchit une nouvelle étape dans la mise en œuvre de son Plan Justice, lequel vise, d’une part, à diminuer la charge de travail de la justice et, d’autre part, à rendre les procédures plus efficaces tout en gardant intacts les droits fondamentaux des parties.

Ces derniers mois, la presse a largement commenté ce projet de loi, notamment en raison de la controverse suscitée par une généralisation de la possibilité de correctionnalisation, qui vide subrepticement la cour d’assises de toute substance. Les modifications les plus importantes en pratique pour le droit pénal financier sont les suivantes :

  • Voies de recours

Défaut & opposition - La modification législative limite la possibilité de former opposition contre des jugements par défaut rendus par le tribunal de police et le tribunal correctionnel. Désormais, il ne sera plus possible de faire opposition si l’absence à l’audience (« le défaut ») n’est pas imputable à un « cas de force majeure » ou n’est pas justifiée par une « excuse légitime ». Ces notions n’ont pas été définies par le législateur. Il appartiendra donc à la jurisprudence de les compléter. En tout état de cause, le Ministère public devra pouvoir démontrer que le prévenu, qui a été cité et a fait défaut, avait connaissance de l’audience. En outre, il est requis que la partie ayant formé opposition soit présente, en personne ou par l’intermédiaire de son conseil, à l’audience où l’opposition est jugée. Un jugement rejetant l’opposition est néanmoins susceptible d’appel. 

Appel - Le législateur a également modifié les règles relatives à l’appel dans des affaires pénales. En effet, un délai d’appel de 30 jours, à compter du jour suivant le jugement (ou la signification en cas de jugement par défaut), sera dorénavant applicable. Le Ministère public dispose en outre d’un délai supplémentaire de 10 jours s’il souhaite « suivre l’appel » interjeté par un prévenu ou par une partie civilement responsable. La partie civile dispose également d’un délai supplémentaire de 10 jours (au lieu de 5 jours précédemment) pour interjeter appel contre les prévenus ou la partie civilement responsable qu’elle souhaite garder dans l’affaire. La prolongation du délai d’appel s’explique par le fait qu’il incombe désormais aux parties d’indiquer, en cas d’appel, les griefs spécifiques qu’ils formulent contre le jugement attaqué. Cette liste de griefs déterminera la saisine du juge d’appel. Si, par exemple, le grief ne porte que sur le degré de la peine, la culpabilité ne fera plus l’objet d’un débat devant le juge d’appel. Ce dernier devra toutefois toujours contrôler d’office certains éléments, dont notamment sa compétence, la qualification des faits et la prescription de l’action publique. Par ailleurs, la nouvelle loi offre aux parties la possibilité de se désister (ou limiter la portée) de leur appel par une déclaration au greffe.

Pourvoi en cassation - Enfin, la possibilité d’introduire un pourvoi en cassation durant la phase d’information a été significativement restreinte. En effet, il n’est désormais plus possible d’introduire un pourvoi en cassation immédiat contre les arrêts rendus par la chambre des mises en accusation concernant  le règlement de la procédure, la purge des nullités ou le contrôle des méthodes particulières de recherche. Tous ces pourvois en cassation ne pourront désormais être introduits qu’après une décision définitive au fond. Le pourvoi en cassation sera également annulé pour l’inculpé renvoyé devant le tribunal correctionnel.

  • Conclusions dans les affaires pénales 

Le Code d’instruction criminelle part du principe qu’une affaire pénale est traitée à la première audience, tant en première instance qu’en appel. Cependant, ce postulat ne correspond pas à la pratique. L’affaire est souvent reportée, afin que les parties puissent mieux se préparer et, éventuellement, échanger des conclusions. Afin de garantir un traitement plus efficace des dossiers, la loi « Pot-pourri II » a introduit, dans la procédure pénale, le principe de délais contraignants pour conclure. Ceci étant, le principe de base du traitement immédiat à l’audience d’introduction est maintenu. Toutefois, un calendrier de conclusion doit être fixé, à la demande des parties, si elles n’ont pas encore conclu. Les parties peuvent communiquer leurs remarques à ce sujet de manière orale et le juge fixe ensuite les délais de conclusions et la date des plaidoiries. Cette décision n’est pas susceptible de recours. Les conclusions doivent être déposées au greffe dans les délais déterminés par le juge et doivent être transmis au Ministère public (si elles ont trait à l’action pénale) et aux autres parties concernées. Cette règle vaut également pour le Ministère public.

En outre, les conclusions doivent être rédigées conformément aux règles imposées en procédure civile (parmi lesquelles une structure d’argumentation visée à l’article 743 et à l’article 744 du Code judiciaire, lequel a été modifié par la loi « Pot-pourri I »).

Les conclusions déposées ou communiquées tardivement – c’est-à-dire en dehors des délais imposés – devront être écartées d’office des débats. Le juge pénal ne devra donc pas répondre aux moyens invoqués dans les conclusions. À moins que le juge ne constate que le dépôt tardif ou la communication tardive poursuit des fins purement dilatoires ou porte atteinte aux droits des autres parties ou au déroulement de la procédure, la loi « Pot-pourri II » prévoit cependant deux cas où les conclusions peuvent être déposées en dehors des délais fixés : (1) en cas d’accord des parties concernées ou (2) en cas de découverte d’une pièce ou d’un fait nouveau et pertinent justifiant de nouvelles conclusions (comme l’audition d’un expert judiciaire qui ouvrirait de nouvelles perspectives). Dans ces cas précis, le juge peut décider de fixer de nouveaux délais pour conclure et une nouvelle date d’audience.  

  • Guilty plea 

La loi « Pot-pourri II » introduit un mécanisme totalement nouveau en droit belge : la reconnaissance préalable de culpabilité (ou le « plaider coupable »). Selon cette procédure, le procureur du Roi propose au suspect ou prévenu une peine inférieure à celle qu’il entendait requérir devant le tribunal. En échange, le suspect/prévenu doit reconnaître sa culpabilité pour l’ infraction faisant l’objet des poursuites. En cas d’accord, le procureur du Roi, le suspect ou prévenu et son avocat signent une convention. Celle-ci doit ensuite être homologuée par un juge lors d’une audience au cours de laquelle les éventuelles victimes pourront réclamer la réparation de leur préjudice.

Cette procédure ne peut toutefois être engagée si la peine que requerrait concrètement le Ministère public est supérieure à 5 ans d’emprisonnement. Il en va de même pour certains faits graves (par ex.: un meurtre, un assassinat, des délits graves ou des infractions commises sur ou à l’aide de mineurs). Enfin, le « plaider coupable » n’est plus possible dès lors qu’un jugement définitif a été rendu en première instance.   

  • Transaction pénale

Ce mécanisme de règlement extrajudiciaire, qui permet au procureur du Roi de proposer à un suspect ou prévenu de payer une somme d’argent déterminée contre une extinction des poursuites à son encontre, a subi deux modifications importantes. D’une part, la conclusion d’une transaction n’est plus possible dès qu’une décision judiciaire de première instance est devenue définitive (la transaction ne peut donc plus être conclue en degré d’appel). D’autre part, la transaction est désormais inscrite au casier judicaire sans toutefois être mentionnée dans les extraits du casier qui peuvent être remis aux administrations et aux particuliers.

  • Adaptation de la mini-instruction

La mini-instruction permet au procureur du Roi de solliciter du juge d’instruction l’accomplissement d’un acte d’instruction sans pour autant ouvrir une instruction (c’est-à-dire l’enquête menée sous la direction d’un juge d’instruction). Le Ministère public peut, par exemple, passer par la mini-instruction s’il veut procéder à une autopsie ou à un repérage de télécommunications. La nouvelle loi Pot-pourri II ajoute la perquisition à la liste des actes pouvant entrer dans le champ d’application de la mini-instruction.

  • Saisie par équivalent 

Ces dernières années, le législateur a adapté à plusieurs reprises les règles relatives à la saisie et la confiscation afin d’optimiser la privation d’avantages liés à des infractions. La « loi Pot-pourri II » introduit à présent de nouvelles modifications des règles liées à la saisie par équivalent, telles que reprises à l’article 35ter du Code d’instruction criminelle.

En premier lieu, la loi Pot-pourri II introduit quelques modifications purement textuelles à l’article 35ter du Code d’instruction criminelle. Là où l’article 35ter, §1 du Code d’instruction criminelle disposait que la saisie par équivalent pouvait être imposée à concurrence « du montant du produit supposé de l'infraction », le nouvel article 35ter prescrit que la saisie peut être pratiquée à concurrence « du montant supposé dudit avantage patrimonial ».

En deuxième lieu, le législateur ajoute à l’article 35ter, §1 du Code d’instruction criminelle un nouvel alinéa, lequel dispose que les règles relatives à la saisie par équivalent s’appliquent aux choses qui constituent l’objet des infractions de recel et de blanchiment). 

La loi entre en vigueur dix jours après sa publication au Moniteur belge (le 29 février 2016). Pour ce qui concerne certaines modifications prévues par la loi « Pot-pourri II » (notamment le défaut et l’opposition), il conviendra de tenir compte d’un certain nombre de dispositions transitoires. 

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