04/12/13

Droit de rétention et abus de droit

Confronté au défaut de paiement de ses frais et honoraires, un comptable ne peut user du droit de rétention pour retenir le dossier comptable de son client.

Confronté au défaut de paiement de son débiteur, un créancier peut être tenté d’accentuer la pression sur ce dernier en usant de son droit de rétention.

Le droit de rétention est celui dont « dispose un créancier de différer jusqu’à paiement la restitution d’un bien, propriété ou non du débiteur, dans la mesure où il existe un lien de connexité entre le bien détenu par lui et sa créance ».

En application de ce principe, le créancier qui dispose d’une créance certaine, exigible et liquide peut retenir un bien qu’il détient de bonne foi, appartenant ou non au débiteur, jusqu’à complet paiement de sa créance.

D’emblée, deux limites viennent contenir l’exercice de ce droit de rétention : le créancier peut y avoir recours, pourvu (i) que cet exercice n'occasionne pas pour le débiteur un préjudice hors de proportion avec celui qui résulte de l'inexécution de son obligation vis-à-vis du créancier-rétenteur et (ii) qu'il existe un lien de connexité entre la créance et le bien.

Dans un cas de figure rencontré souvent en pratique, un jugement du Tribunal de commerce de Dinant, publié récemment, a eu l’occasion de relever que le droit de rétention exercé par un comptable-créancier était disproportionné et donc abusif par rapport à son préjudice allégué.

Le Tribunal a ainsi considéré que l’exercice par un comptable du droit de rétention sur les pièces remises par son client et sur un dossier comprenant notamment les comptes annuels et les déclarations fiscales, est de nature à occasionner pour son client un préjudice hors de proportion avec celui qui résulte du défaut ou du retard de paiement de l’état de frais et honoraires du comptable. L’exercice du droit de rétention ne peut donc dans ces circonstances être admis. De même, le Tribunal a estimé qu’un bureau comptable ne pouvait poursuivre « le règlement de la somme due [dont il est créancier] avant transfert de la comptabilité » à un confrère succédant. Ce faisant, le bureau comptable commettait également un abus fautif.

Bien que sévère, cette jurisprudence est du reste conforme à l’enseignement de l'Institut Professionnel des Comptables et Fiscalistes Agréés (I.P.C.F.) selon lequel le droit de rétention ne peut porter ni sur les « factures et pièces en tout genre [...] soumises par le client à son comptable en vue d’effectuer sa mission », ni sur les « bilans, comptes annuels, déclarations fiscales, déclarations T.V.A... qui deviennent eux aussi des documents propres au client ». En définitive, c’est l’ensemble du dossier du client qui est protégé vu les conséquences, potentiellement regrettables, qu’impliquerait une rétention volontaire des pièces comptables qu’il contient (amende administrative, taxation d’office).

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