06/04/10

L’expertise judiciaire : le législateur revoit sa copie en 2009

L'expertise judiciaire : le législateur revoit sa copie en 2009

Le 15 mai 2007 a été promulguée la loi de réforme de l'expertise judiciaire, afin de pallier les désavantages de l'expertise judiciaire souvent longue, coûteuse et lourde.

A peine plus de deux ans plus tard, le législateur est à nouveau intervenu dans cette matière en adoptant les articles 20 à 37 de la loi portant des dispositions diverses en matière de Justice (II) du 30 novembre 2009. Cette loi est entrée en vigueur le 25 janvier 2010.

Les principales modifications opérées par le législateur en 2009 sont les suivantes :

Le choix de l'expert par les parties (art. 962, al.2 C. jud.)

L'ancien article 964 du Code judiciaire indiquait que si les parties étaient d'accord sur le choix de l'expert, le juge devait respecter ce choix. Lors de la réforme du 15 mai 2007, le législateur avait néanmoins abrogé cette disposition. Une controverse était alors née quant à savoir si les parties disposaient encore ou non de la possibilité de choisir conjointement l'expert.

Par la loi réparatrice de 2009, le législateur met fin à cette controverse et opère un retour en arrière en indiquant dans la loi que le juge doit désigner l'expert sur lequel les parties marquent leur accord, à moins qu'il n'y déroge par une decision motivée.

La mission de l'expert (art. 962, al.3 C. jud.)

Sur ce point le législateur revient également à ce qui était prévu avant la réforme de 2007 et précise que les parties qui en font conjointement la demande peuvent poser à l'expert des questions qui sortent de sa mission. A défaut, l'expert limitera son avis à la mission qui lui a été confiée.

Les voies de recours (art. 963 C. jud.)

En principe, les décisions quant au déroulement de la procédure d'expertise ne sont susceptibles ni d'opposition ni d'appel. Les parties ne peuvent donc, par exemple, pas faire appel d'une demande d'extension d'expertise.

Le législateur prévoit quatre exceptions à ce principe : les décisions portant sur la récusation de l'expert (art. 971 C jud.), le remplacement de l'expert (art. 979 C. jud.), la provision à consigner et le délai pour ce faire (art. 987, al.1 C. jud.) et les frais et honoraires (art. 991 C. jud.).

Le caractère non automatique de la mise en oeuvre de l'expertise (art. 972, §1, al.2 C. jud.)

Les parties qui comparaissent peuvent demander conjointement, avant que la décision ordonnant l'expertise ne soit prise, une suspension de la notification. Dans ce cas, chacune des parties pourra, à tout moment, solliciter la notification de la décision. Le fait de permettre aux parties de ne pas avertir tout de suite l'expert de la décision de procéder à une expertise judiciaire peut être utile par exemple si les parties sont encore dans une phase de négociation.

Refus par l'expert de la mission (art. 972, §1, al.3 C. jud.)

En cas de refus de l'expert judiciaire de sa mission, les parties peuvent formuler par écrit, dans les huit jours, leurs observations au juge. Ce dernier désigne ensuite un nouvel expert sans qu'une audience n'ait lieu.

Le déroulement de l'expertise (art. 972, §2 et 972bis, §1, al.2 C., jud.)

La réunion d'installation qui était prévue d'office, sauf renonciation avec l'accord des parties, est supprimée. Elle ne sera désormais fixée que si le juge l'estime nécessaire ou si toutes les parties en font la demande.

L'expert doit être présent lors de la réunion d'installation, à moins que le juge estime qu'un contact par téléphone ou par un autre moyen de communication est suffisant. Si, hors cette hypothèse, l'expert, de manière injustifiée, ne se présente pas à la réunion d'installation, le juge statue immédiatement sur son remplacement. Une nouvelle réunion d'installation est alors organisée sans délai.

Les parties doivent transmettre à l'expert leur dossier de pièces inventorié huit jours au moins avant la réunion d'installation ou avant le début des travaux d'expertise.

Le dépôt du rapport final (art. 974, §2 C. jud.)

Si le juge avait déjà la possibilité de prolonger le délai imparti à l'expert pour le dépôt de son rapport final, le législateur précise que celui-ci doit en faire la demande avant l'expiration du délai initial. Les parties ont huit jours pour réagir. La procédure est en principe écrite, sans audience, mais s'il l'estime opportun, le juge peut convoquer les parties et l'expert.

L'avis provisoire rendu par l'expert (art. 976 C. jud.)

Sauf décision contraire du juge ou circonstances particulières visées par l'expert, les parties disposent d'au moins 15 jours pour formuler leurs observations sur l'avis provisoire de l'expert (à défaut de respecter le délai, les observations peuvent être écartées d'office par le juge). Si, suite à ces observations, l'expert estime que de nouveaux travaux sont indispensables, il en sollicite l'autorisation auprès du juge.

Le remplacement de l'expert (art. 979, §1, al.2 C. jud.)

Le juge doit remplacer l'expert lorsque les parties en font conjointement la demande motivée par lettre au juge qui statue dans les huit jours sans convocation ou comparution des parties, donc sans audience. Toutefois, en l'absence de demande des parties, le juge qui estime que l'expert ne réalise pas correctement sa mission peut convoquer les parties et l'expert.

L'audition de l'expert (art. 985 C. jud.)

Lorsque le juge décide d'entendre l'expert, les parties et leurs conseils sont également convoqués.

Si l'expert le juge opportun, il peut transmettre aux parties ou à leurs conseils une copie des documents dont il compte s'aider lors de l'audition, ou les déposer au greffe. En tout état de cause, ces documents doivent être au plus tard déposés au greffe par l'expert immédiatement après son audition. Ils peuvent être consultés par les parties ou leurs conseils.

La provision de l'expert (art. 987, al.1 et 4 et 989, al.1 et 3 C jud.)

Si déjà en 2007 le législateur avait prévu qu'il revenait au juge de fixer les montants de la provision de l'expert et la personne devant procéder à la consignation, aucune mesure n'était prévue en cas d'inexécution par celleci.

Le législateur remédie aujourd'hui à cela en prévoyant la possibilité pour le juge, à la demande d'une partie, de contraindre la partie désignée à procéder à la consignation. Le juge ne peut toutefois imposer la consignation à la partie qui ne peut être condamnée aux dépens (cas où les dépens sont d'office imputés aux pouvoirs publics et aux institutions ou en cas d'accord entre les parties).

En cas d'absence de consignation de la provision, l'expert peut suspendre ou reporter l'exécution de sa mission.

Dès que la provision est consignée, la partie désignée par le juge pour le paiement en informe l'expert et lui remet une preuve de paiement.

L'état de frais et honoraires de l'expert (art. 991 C. jud.)

Le législateur réintroduit la possibilité d'un assentiment tacite. La partie qui souhaite contester le montant des frais et honoraires réclamés par l'expert doit en informer le juge de manière motivée dans les trente jours du dépôt de l'état au greffe et le juge ordonne la comparution des parties. A défaut de contestation, le juge taxera les honoraires.

Par la loi du 30 novembre 2009, le législateur répond aux imprécisions de la loi du 15 mai 2007 et contribue à assouplir la procédure et limiter les audiences. Certaines questions restent toutefois en suspens et appelleront probablement une nouvelle intervention du législateur (A ce sujet, voyez MOUGENOT, D. et MIGNOLET, O., « La loi du 30 décembre 2009 « réparant » la procédure d'expertise judiciaire », J.T., 2010, p. 201 et s.).

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