30/08/18

La médiation : une étape désormais (presque) indispensable dans le traitement des litiges

Il n’échappe plus à aucun acteur du monde juridique que la volonté du gouvernement actuel est de réduire au maximum les contentieux portés devant des tribunaux aujourd’hui surchargés.

Cette intention clairement affichée par l’équipe gouvernementale est appuyée de manière régulière par des textes législatifs adoptés par le parlement, comme notamment le recouvrement de dettes non contestées entre entreprises via l’intervention exclusive d’un huissier, la suppression quasi-effective de l’opposition au jugement rendu en cas de partie défaillante et l’augmentation des seuils minimaux pour pouvoir faire appel.

Toujours guidé par le même objectif, le législateur a récemment franchi un pas supplémentaire en renforçant la place des MARC (modes alternatifs de règlement des conflits) dans la résolution des litiges, consolidant ainsi une tendance qui prend une ampleur très importante ces dernières années.

Le parlement a ainsi adopté la loi du 18 juin 2018 portant dispositions diverses en matière de droit civil et des dispositions en vue de promouvoir des formes alternatives de résolution des litiges. Le titre 9 de cette loi, qui est intitulé « Modifications diverses du Code judiciaire en vue de promouvoir des formes alternatives de résolution des litiges », focalise particulièrement notre attention.

La modification fondamentale : le juge peut décider d’imposer un processus de médiation 

Le législateur donne au juge le pouvoir (et même le devoir) de donner tous les moyens possibles au règlement des litiges soumis devant lui via un processus de résolution amiable, afin d’éviter que la procédure judiciaire n’aille à son terme.

Dès l’audience d’introduction, il peut interroger les parties sur la manière dont elles ont tenté de trouver un dénouement amiable à leur différend et les informer des modes de règlement alternatif qui sont à leur disposition. A cette fin, le juge peut ordonner la comparution personnelle des parties et, s’il estime un rapprochement envisageable ou si l’une des parties en fait la demande, peut décider de remettre la cause à une audience ultérieure dans le mois afin de leur permettre de vérifier si un règlement extra-judiciaire pourrait être envisagé.

Le législateur va ensuite encore plus loin en prévoyant que le juge peut décider :

  • De sa propre initiative, de proposer une médiation et de l’ordonner ensuite si les parties marquent leur accord.
  • En cas de désaccord d’une des parties, le juge pourra tout de même décider seul d’ordonner  une médiation s’il estime qu’un rapprochement est possible.

La seule limite fixée pour le juge à son droit de prendre une décision contraignante imposant un processus de médiation est donc l’hypothèse d’un refus général de l’ensemble des parties.

Ce nouveau rôle important dévolu au juge suscite certaines interrogations pratiques sur lesquelles nous reviendrons brièvement en conclusion.

Quelques autres principes adoptés

La nouvelle loi contient également les principes suivants, adoptés pour la plupart dans la même ligne philosophique:

  • Les avocats doivent informer leurs clients au sujet des MARC et tout mettre en œuvre pour favoriser un dénouement amiable des dossiers traités. Il s’agit en réalité d’une simple consécration législative d’un principe déontologique bien connu des membres du barreau.
  • Les huissiers de justice se voient également légalement tenus de favoriser les règlements amiables par le biais d’une information complète à donner aux justiciables.
  • Les magistrats en fonction ne peuvent effectuer pour leur part des médiations tarifées.
  • La procédure de médiation est désormais ouverte aux personnes morales de droit public.
  • Si les parties ne se mettent pas d’accord sur l’identité du médiateur, il appartiendra au juge de le désigner, de préférence à tour de rôle sur la liste des médiateurs agréés, en tenant compte du lieu géographique où les parties en présence sont situées.
  • Les médiateurs devront avoir suivi une formation théorique, notamment sur le volet juridique, ainsi que sur les aspects pratiques relatifs à l’aptitude à la médiation et à son processus, et avoir réussi les procédures d’évaluation spécifiques organisées.
  • Le titre de médiateur agréé sera désormais spécifiquement protégé.

Entrée en vigueur

Ces nouvelles dispositions entreront en vigueur à partir du 1er janvier 2019.

Incidences pratiques

Si les mesures prises vont certainement améliorer dans un sens positif l’attractivité et l’accessibilité de la résolution des litiges par voie de médiation, la manière dont les tribunaux vont appliquer les nouveaux principes adoptés reste à ce stade une interrogation.

On se demande en effet si les juges vont réellement en pratique « imposer » un processus de médiation en cas d’accueil mitigé des parties, ou même lors d’un refus explicite d’une des parties impliquées. La médiation, telle qu’organisée actuellement par notre Code judiciaire, étant un processus essentiellement volontaire, cette contrainte semble contre-nature et, en tout cas, la réussite du processus risquerait d’en être sérieusement compromise dès le départ.

On a également un peu de mal à percevoir comment les huissiers de justice, acteurs fondamentaux du processus de recouvrement dans de nombreux litiges portant sur des dettes impayées, pourront encourager les modes alternatifs de résolution des litiges, alors même que le modèle économique actuel de leur profession est centré sur l’introduction des procédures judiciaires et la mise en œuvre des voies d’exécution.

Au crédit de la réforme adoptée, on peut par contre raisonnablement espérer que ce nouvel atout entre les mains des juges convaincra nombre d’avocats de changer le paradigme – parfois - exclusivement judiciaire qui est le leur, afin d’encourager leurs clients à donner toute sa chance à l’entame d’un processus de médiation.

Cette réforme constitue ainsi certainement une avancée au profit du développement continu des modes alternatifs de règlement des conflits, et de la médiation en particulier, et nous serons particulièrement attentifs aux enseignements qui pourront être tirés des premiers mois d’application de cette législation sur la modification éventuelle du déroulement des procédures classiques et sur les réflexes des différents acteurs judiciaires traditionnels.

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