24/05/17

Nos voisins luxembourgeois feraient bien de s'inspirer de notre pratique de décisions anticipées…

L’affaire LuxLeaks a révélé l’existence d’accords fiscaux accordés par l’administration fiscale luxembourgeoise, notamment à des grands groupes et des riches familles belges. La publication de ces rulings a ému l’opinion publique, car elle a mis en lumière l’utilisation de schémas de planification fiscale internationale agressifs. L’opacité des rulings et la marge discrétionnaire de l’administration fiscale luxembourgeoise étaient, à mes yeux, bien plus préoccupantes encore. Ainsi, ces accords fiscaux étaient-ils accordés par le fisc luxembourgeois de manière secrète, par un seul fonctionnaire.

Dans la foulée du scandale LuxLeaks, le Luxembourg a réformé sa procédure de rulings. L’objectif poursuivi consistait à garantir l’interprétation uniforme des lois fiscales et à assurer la sécurité juridique. Le Grand-Duché a-t-il atteint ses objectifs? Pas entièrement.

DES AVANCÉES MAIS AUSSI UN GROS BÉMOL… 

Certes, il y a eu des avancées sérieuses: les décisions anticipées ne sont plus octroyées par une seule personne, mais par une commission de plusieurs fonctionnaires; les demandes de décisions anticipées doivent remplir une série de conditions (description détaillée du demandeur et de l’opération envisagée, motivation précise des arguments de droit); l’administration luxembourgeoise sonde de plus en plus les motivations économiques des montages qui lui sont présentés et refuse parfois d’octroyer une décision anticipée lorsque celles-ci font défaut.

Un gros bémol néanmoins: la publication anonyme et synthétique des décisions anticipées, qui est pourtant prévue par la loi luxembourgeoise, est pour ainsi dire restée lettre morte.

Ainsi, l’Administration des contributions directes se borne-t-elle à renvoyer, dans son rapport d’activité annuel, au nombre de décisions anticipées traitées (726 en 2015, dont 599 favorables), ainsi qu’aux sujets traités (l’application du régime d’exonération des droits de propriété intellectuelle, le régime mère-filiale, etc.).
 
On voit ici que le Luxembourg n’est pas encore prêt à jouer pleinement la carte de la transparence. C’est fort regrettable…

Le service des décisions anticipées ("SDA") belge est, sur le terrain de la transparence, un élève modèle. En effet, tous les rulings sont publiés sur le site fisconet, de manière anonyme. Il me paraît important de relever que les faits, l’argumentation juridique et la décision du SDA sont publiés in extenso.

L’analyse de ces rulings est précieuse: les contribuables (et leurs conseillers) peuvent en principe savoir à quel traitement fiscal ils seront soumis, s’ils mettent en place l’opération telle que décrite dans la décision anticipée.

ACCÈS FACILITÉ POUR LES PME 

Notre pratique des rulings belge est, en outre, bien plus accessible. Au Luxembourg, une redevance allant de 3.000 à 10.000 EUR doit être versée à l’administration fiscale, avant même qu’elle analyse le dossier. Cette redevance est non restituable, même en cas de réponse négative.

Par contraste, le traitement d’une demande de décision anticipée est gratuit en Belgique, ce qui facilite l’accès des PME et des particuliers à la procédure des décisions anticipées. Contrairement à certaines idées reçues, les décisions anticipées belges ne sont pas l’apanage des multinationales: environ un tiers des décisions anticipées belges est octroyé à des grandes sociétés, les deux autres tiers étant accordés à des PME et des particuliers.

Le SDA belge met d’ailleurs tout en œuvre pour faciliter l’accès des PME aux rulings. En témoigne la récente publication de projets de demandes de décisions anticipées sur le site www.ruling.be, concernant des thématiques chères aux entreprises belges (l’immunité fiscale des restructurations, le remboursement de frais propres à l’employeur, etc.).

Et ce n’est pas tout. Le 27 mars 2017, le SDA a publié sur son site la première édition de son bulletin d’information. Cette publication périodique a pour but de permettre la publication la plus rapide possible de ses prises de positions, de manière à assurer une information up to date des contribuables et de leurs conseils.

Ce premier "newsflash" décrit quelques décisions anticipées présentant un intérêt particulier (concernant la taxe Caïman ou le régime des RDT), mais aussi certaines transactions présentées au SDA, mais non acceptées (dont l’intérêt est considérable pour les praticiens).

Nos voisins luxembourgeois feraient bien d’en prendre de la graine…

dotted_texture