16/11/21

Nouvelle convention fiscale entre la Belgique et la France – quels changements pour le secteur immobilier ?

La nouvelle convention fiscale entre la Belgique et la France a été signée ce 9 novembre 2021. Elle entrera en vigueur au terme de son processus de ratification par les deux pays. Particularité de la Belgique: chaque niveau de pouvoir doit ratifier la nouvelle convention.

Afin d’appréhender au mieux les changements qui s’annoncent en matière de structuration d’investissements immobiliers entre la Belgique et la France, vous trouverez ci-après nos premiers commentaires sur la nouvelle convention franco-belge (que nous appellerons « nouvelle convention » ci-après par souci de facilité, bien qu’elle ne soit pas encore en vigueur). Notez toutefois qu’aucun texte officiel n’est à ce jour publié. Ces commentaires sont dès lors basés sur la version de la nouvelle convention que nous avons eu l’occasion de consulter, avant sa signature.

Résidence fiscale

Pour qu’une convention s'applique à une personne déterminée (l'individu, la société ou le groupement de personnes), il faut qu'elle soit considérée comme « résidente » d'un Etat contractant.

La convention préventive de la double imposition actuellement en vigueur entre la Belgique et la France (que nous appellerons « ancienne convention » par souci de facilité, bien qu’elle soit toujours d’actualité) s’applique, notamment, aux personnes morales, qui sont réputées résidentes de l'Etat contractant où se trouve leur siège de direction effective. Contrairement à de nombreuses conventions, l’ancienne convention ne prévoit aucune condition de taxation ou même d’assujettissement à l’impôt dans le chef des personnes morales pour que ces dernières puissent bénéficier de l’ancienne convention.

La nouvelle convention intègre désormais une définition de « résident fiscal », reprise directement du modèle OCDE : « l’expression résident d’un Etat contractant désigne toute personne qui, en vertu de la législation de cet Etat, est assujettie à l’impôt dans cet Etat en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue […] ».

Cette condition d’assujettissement aura, en principe, pour conséquence de dénier la qualité de résident aux fonds d’investissement bénéficiant d’un régime fiscal de non-assujettissement.  Le Procole va toutefois prévoir que, nonobstant toute autre disposition, les organismes de placement collectif et les fonds de pension établis en France ou en Belgique bénéficieront des avantages des articles 10 et 11 de la nouvelle convention (i.e., dividendes et intérêts).

Par ailleurs, la nouvelle convention traite du cas particulier des sociétés « transparentes » et des sociétés françaises « translucides ». La qualité de résident est également reconnue à toute société ou groupement de personnes : 

  • dont le siège de direction effective est en France ;
  • qui est assujetti à l’impôt en France ; et
  • dont tous les porteurs de parts, associés ou membres sont, en application de la législation fiscale française, personnellement soumis à l’impôt à raison de leur quote-part dans les bénéfices de ces sociétés ou groupements de personnes.

Sur cette base, les sociétés de personnes de droit français qui sont soumises à un régime de translucidité fiscale devraient bénéficier des avantages de la nouvelle convention.

Immeubles

En ce qui concerne les « revenus immobiliers », la nouvelle convention reprend le modèle OCDE, qui ne diffère pas en substance de l’ancienne convention. A cet égard, les revenus qu’un résident d’un État contractant tire de biens immobiliers (y compris les revenus des exploitations agricoles ou forestières) situés dans l’autre État contractant, sont imposables dans cet autre État, et l’expression « biens immobiliers » garde le sens que lui attribue le droit de l’État contractant où les biens sont situés.

Dividendes

Disposition générale. Le taux maximum de la retenue à la source sur les dividendes serait rabaissé à 12,8%, contre 10% or 15% dans l’ancienne convention. Une exemption totale de retenue à la source est également disponible pour les dividendes versés par une société d'un Etat contractant à une société résidente de l'autre Etat contractant qui détient directement au moins 10% du capital de la société distributrice pendant une période de 365 jours à compter de la date de mise en paiement du dividende. Il n'est pas tenu compte des changements de détention qui résultent directement d'une réorganisation de la société actionnaire, telle qu'une fusion ou une scission de la société actionnaire ou de la société qui verse les dividendes, pour apprécier cette période de 365 jours.

Nous noterons également que la société qui reçoit les dividendes doit en être le bénéficiaire effectif pour pouvoir revendiquer l’exonération totale de retenue à la source.

Fonds d’investissements immobiliers. Différents cas de figure peuvent se présenter. Concernant tout d’abord les « fonds » et dépendant de leur régime fiscal, soit ceux-ci qualifieront de résident au sens de la nouvelle convention, soit ils pourront bénéficier de la protection de la nouvelle convention en vertu du Protocole. Dans cette seconde catégorie, l’on retrouve exclusivement les organismes ou fonds (i) au sens de la Directive 2009/65/CE (OPCVM) ou (ii) au sens de la Directive 2011/61/UE (FIA), ainsi que, du côté belge, les sociétés immobilières réglementées (les SIR). Les « fonds » qui ne sont ni résidents, ni repris dans cette seconde catégorie ne bénéficient pas de la protection de la convention. Dans les cas de figure ci-dessous, nous partons de l’hypothèse que le « fonds » bénéficie des avantages de la convention. 

  • Dividendes de source belge, payés par une société normalement imposée à un « fonds » français. Sous la nouvelle convention, et à condition que la participation minimale soit atteinte, ces dividendes bénéficieront d’une exemption de retenue à la source.
  • Dividendes de source française, payés par une société normalement imposée, à un « fonds » belge. Sous la nouvelle convention, et à condition que la participation minimale soit atteinte, ces dividendes bénéficieront d’une exemption de retenue à la source.
  • Dividendes, de source belge ou française, distribués par un véhicule d’investissement (i) qui distribue la plus grande partie de ses revenus annuellement et (ii) dont les revenus ou gains tirés de biens immobiliers sont exonérés d’impôts. Une réduction de retenue à la source sera également disponible si et seulement si le bénéficiaire effectif des dividendes détient directement ou indirectement une participation de moins de 10% dans le capital du fonds d’investissement. Dans les autres cas (i.e., participation de 10% ou plus), les dividendes seront imposables au taux prévu par la législation nationale de l’Etat contractant d’où ils proviennent. En l’espèce, une retenue à la source de 30% s’appliquera aux dividendes de source belge ; à déterminer ensuite dans quelle mesure l’investisseur français pourra bénéficier du crédit d’impôt prévu par la nouvelle convention.

Intérêts

Selon l’article 11 de la nouvelle convention, les intérêts provenant d’un Etat contractant et dont le bénéficiaire effectif est un résident de l’autre Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat. Aucune retenue à la source ne s’appliquerait sur les paiements d’intérêts en vertu de la nouvelle convention. Cette disposition sera bien accueillie en Belgique, où le droit interne prévoit toujours une retenue de 30%, qui était réduite à 15% en vertu de l’ancienne convention, bien entendu dans l’hypothèse où aucune autre exemption de droit interne ne trouvait pas à s’appliquer.

Gains en capital

Sans grande surprise, la nouvelle convention intègre une clause de prépondérance immobilière, absente de l’ancienne convention. Les plus-values tirées de la cession d’actions inscrites à la cote d’un marché boursier réglementé de l’Espace économique européen échappent à cette disposition. 

Cette clause de prépondérance immobilière prévoit que les gains provenant de l’aliénation d’actions, parts ou autres droits dans une société, une fiducie ou une institution comparable, dont les actifs sont constitués pour plus de 50% de leur valeur, directement ou indirectement, de biens immobiliers et situés dans un Etat contractant, sont imposables dans cet Etat lorsqu’ils sont soumis, selon la législation de cet Etat, au même régime fiscal que les gains provenant de l’aliénation de biens immobiliers. Deux conditions s’appliquent pour que l’Etat contractant de situation des biens immobiliers se voie attribuer le pouvoir d’imposer : (i) la valeur des actifs de la société dont les titres sont cédés doit provenir, directement ou indirectement, pour plus de 50% de biens immobiliers situés dans cet Etat et (ii) cet Etat, selon sa propre législation, doit soumettre cette cession d’actions au même régime fiscal que la cession d’actifs immobiliers. Si cette clause de prépondérance immobilière ne trouve pas à s’appliquer, alors la règle résiduaire reste l’allocation du pouvoir d’imposer à l’Etat de résidence du cédant.

D’un point de vue belge et en l’état actuel de la législation, cette clause ne s’appliquera pas, la Belgique n’assimilant pas les cessions d’actions aux cessions d’actifs en matière fiscale. Cela signifie :

  • soit la société-cible est belge et le cédant est résident français : la France se voit attribuer le pouvoir d’imposer la plus-value réalisée ;
  • soit la société-cible est française et le cédant est résident belge : la France se verra attribuer le pouvoir d’imposition si le critère quantitatif de la prépondérance immobilière est rempli, sinon ce pouvoir sera dévolu à la Belgique.

Cette référence au régime fiscal applicable en droit interne aux cessions de biens immobiliers n’est pas sans rappeler l’arrêt du Conseil d’Etat français du 24 février 2020. A cette occasion, le Conseil d’Etat français avait validé la position de l’administration française, selon laquelle le pouvoir d’imposer la cession des parts d’une société civile à « prépondérance immobilière » française par une société (belge) non-résidente devait être attribué à la France, malgré l’absence de toute clause de prépondérance immobilière dans l’ancienne convention. Prétextant que la notion de « bien immobiliers » n’est pas définie par l’ancienne convention, qui renvoie aux lois de l’Etat contractant où est situé le bien considéré, l’administration fiscale française considère que ce renvoi, eu égard à sa généralité, doit être interprété comme comprenant aussi bien le droit fiscal que le droit civil. Bien que les parts de sociétés civiles à prépondérance immobilières ne soient pas des biens immeubles en droit civil français, les lois fiscales françaises assimilent la cession de ces parts par des non-résidents à une plus-value immobilière taxable en France. Forte de cette position, la France disposerait donc du pouvoir d’imposer la cession des parts d’une société civile à « prépondérance immobilière » française par une société (belge) non-résidente par renvoi de l’ancienne convention à ses lois fiscales internes.

Élimination de la double imposition

En ce qui concerne les résidents français, la nouvelle convention emploie la méthode du crédit d'impôt pour éviter la double imposition sur les revenus d’un résident français qui (ne) sont imposables (qu’) en Belgique, lorsque ces revenus ne sont pas déjà exemptés de l’impôt sur les sociétés français.

Ce crédit d’impôt, imputable sur l’impôt français, correspond:

  • au montant de l’impôt belge, sans toutefois pouvoir excéder l’impôt français dû, lorsque les revenus en question sont (entre autres) des dividendes de source belge ;
  • au montant de l’impôt français correspondant à ces revenus, à condition qu’ils soient effectivement soumis à l’impôt belge.

Une personne morale résidente française au sens de la nouvelle convention qui aurait investi dans de l’immobilier en Belgique au travers d’un FIIS pourrait donc bénéficier d’un crédit d’impôt correspondant à la retenue à la source belge sur les dividendes distribués par ce FIIS, ce crédit d’impôt étant lui-même limité à l’impôt français sur ces dividendes.

En ce qui concerne les résidents belges, la nouvelle convention prévoit un double système d’exemption et d’imputation.

À cet égard, les revenus imposés en France et reçus par un résident belge, sont exemptés d’impôt en Belgique (avec réserve de progressivité) lorsqu’il ne s’agit pas de dividendes, d’intérêts ou de redevances. Ces revenus seront toutefois pris en compte pour la détermination des taxes additionnelles communales belges.

Les dividendes qu’une société résidente belge perçoit d’une société résidente française sont exemptés à l’impôt des sociétés en Belgique aux conditions prévues par la législation belge. Lorsque ces dividendes sont distribués par une société ou un groupement de personnes, ils sont également exemptés à l’impôt des sociétés en Belgique aux conditions prévues par la législation belge, mais la condition dite de taxation ne s’applique pas, ceci sous réserve de l’imposition de la société résidente belge en France sur le résultat de la société ou du groupement de personnes au prorata des droits détenus.

Enfin, si les dividendes perçus par une société résidente belge ne peuvent être exemptés à l’impôt des sociétés en Belgique aux conditions prévues par la législation belge, la retenue à la source française est imputée sur l’impôt belge afférent à ces dividendes, sans toutefois pouvoir excéder l’impôt belge dû sur ces dividendes.

Disposition anti-abus

Inspiré directement de l’Instrument Multilatéral, la nouvelle convention prévoit qu’un avantage ne sera pas accordé s’il est raisonnable de conclure, compte tenu de l’ensemble des faits et circonstances propres à la situation, que l’octroi de cet avantage était l’un des objectifs principaux d’un montage ou d’une transaction ayant permis, directement ou indirectement, de l’obtenir, à moins qu’il soit établi que l’octroi de cet avantage dans ces circonstances serait conforme à l’objet et au but des dispositions pertinentes de la nouvelle convention.

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