20/12/19

Un choc psychologique peut-il être considéré comme un accident du travail ?

Dans son arrêt du 22 octobre 2019, la Cour du travail de Liège, Division Namur, a considéré qu’un choc psychologique, décrit avec suffisamment de précision et identifié dans le temps et l’espace, peut être considéré comme un « événement soudain » au sens de la législation sur les accidents du travail.

Les faits :

Une commissaire de police est convoquée pour une réunion par son chef de service et se voit remettre, à cette occasion, une note de service. Cette note fait état d’échanges de mails privés entre la commissaire et un collègue de sa section abordant la situation au sein de leur service.

Le contenu de ces échanges est reproché à la commissaire et son chef acte la perte de confiance entrainant le retrait de la charge de chef de section ainsi qu’une éventuelle communication des faits à son autorité disciplinaire.

Un mois et demi après cette réunion, la commissaire est en incapacité de travail pour cause de burn-out et de dépression réactionnelle. Cette incapacité totale durera près de 9 mois avant qu’elle puisse reprendre son travail dans le cadre d’un mi-temps médical.

Plus d’un an après la réunion et la réception de la note, la commissaire fait une déclaration d’accident du travail dans laquelle elle indique qu’elle a reçu plusieurs chocs psychologiques successifs lors de la réunion :

  • Elle a découvert que son chef avait pris connaissance de ses e-mails privés ;
  • Ses fonctions de direction lui ont été retirées en raison d’une perte de confiance ;
  • Cette décision de retrait a été communiquée à l’ensemble du personnel de sa section.

Dans sa déclaration, la commissaire précise que ces chocs sont à l’origine de son incapacité de travail et de son état dépressif.

L’accident du travail n’est pas reconnu au motif que la preuve de l’événement soudain ne serait pas rapportée. La commissaire a contesté ce refus devant les juridictions du travail.

La décision :

La Cour rappelle, tout d’abord que l’évènement soudain est « un élément multiforme et complexe, soudain, qui peut être épinglé, c’est-à-dire avec suffisamment de précision t en l’identifiant dans le temps et l’espace, qui ne doit pas nécessairement se distinguer de l’exécution normale de la tâche journalière et qui est susceptible d’avoir engendré la lésion ».

En l’occurrence, la Cour considère que l’événement allégué par la commissaire est :  son entrevue avec son supérieur au cours de laquelle les e-mails privés ont été exposés et différents manquements lui ont été reprochés entrainant une rupture de confiance ainsi qu’une décharge de fonctions. Ces faits sont établis et peuvent être épinglés, c’est-à-dire décrits avec suffisamment de précision et identifiés dans le temps et l’espace. Il se sont déroulés en un bref laps de temps et présentent un caractère de soudaineté.

La Cour ajoute que l’événement soudain ne doit pas présenter un caractère anormal ou être d’une intensité suffisante. Il s’agit de critères qui ne répondent pas à la définition légale et qui doivent être écartés dans l’appréciation de la notion.

Les faits décrits par la commissaire, relatifs à la réunion avec son supérieur, constituent dès lors un événement soudain.

Concernant la déclaration de l’accident plus d’un an après celui-ci, la Cour estime que cela ne suffit pas à remettre en cause la réalité de celui-ci ainsi que le caractère soudain.

Que retenir ?

Dans cet arrêt, la Cour procède à une analyse de la notion d’événement soudain et réaffirme une jurisprudence qui semble être constante, à savoir qu’un choc psychologique peut être un événement soudain pour autant qu’un fait précis puisse être épinglé avec précision et que celui-ci réponde au critère de soudaineté.

Dans le même sens, les juridictions ont considéré que les faits suivants sont des événements soudains : l’agression verbale et les menaces subies par un assistant social (Trib. trav Hainaut (Div. Charleroi, 13 novembre 2018, R.G. 17/2.938/A) ; un courrier remettant en cause la réalité des prestations d’une fonctionnaire et la faisant passer pour un menteuse dont elle prend connaissance dans son bureau (C. trav. Bruxelles, 11 février 2019, R.G. 2016/AB/1.132).

Source : C. trav. Liège (Div. Namur), 22 octobre 2019, R.G. 14/601/A

Thomas Lecomte 

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