14/06/16

Réformes structurelles du marché du travail : vers plus de flexibilite en ce qui concerne la duree du temps de travail ?…

Kris Peeters veut réformer le droit du travail en commençant par revoir les conditions légales de la durée du travail. Il a raison. La plupart des dispositions légales à ce propos datent des années ’80 ou sont antérieures. Elles sont dépassées par l’évolution de la société.

Le Ministre entend aussi permettre aux travailleurs de pouvoir mieux gérer leur vie quotidienne en autorisant davantage de flexibilité dans l’organisation de leurs journées de travail.

En permettant à ceux-ci d’avoir une activité professionnelle mieux adaptée à leurs conditions de vie quotidienne, le Ministre espère (i) faire régresser stress et « burn-out » (ii) aider à travailler plus longtemps et (iii) rendre les entreprises plus compétitives.

Il propose trois axes de réflexion :

  1. Le « socle » au niveau de l’entreprise

Ce sont des dispositions valables pour tous les travailleurs. À savoir :

  1. L’annualisation du temps de travail : comme c’est déjà le cas dans certaines entreprises qui pratiquent la petite ou la grande flexibilité, la durée hebdomadaire de travail applicable à chaque travailleur devra être atteinte en moyenne sur une période d’un an et non plus, comme à l’heure actuelle, au terme de la semaine. Chacun pourra donc travailler 9 heures par jour et 45 heures par semaine sans effectuer d’heures supplémentaires, pour autant que la moyenne hebdomadaire prévue (généralement 38 heures) ne soit pas dépassée au bout d’un an, parce qu’il y aura eu récupération.

  2. La durée maximale du travail : un employeur et un travailleur pourront convenir, entre eux, d’effectuer des heures supplémentaires pour autant qu’il ne soit pas travaillé plus de 11 heures par jour et 50 heures par semaine, et que ne soient pas accumulées plus de 143 heures supplémentaires sur un trimestre. Le sursalaire pour heures supplémentaires reste dû.

  3. Les heures supplémentaires à ne pas récupérer : toutes les heures supplémentaires ne devront cependant pas être récupérées pour atteindre la moyenne hebdomadaire sur base annuelle. Chaque travailleur recevra un crédit de 100 heures qu’il pourra se faire payer ou déposer sur son « compte carrière ». Les travailleurs qui choisissent de ne pas récupérer gagneront donc mieux leur vie.

Ce quota de 100 heures non récupérées pourra être porté à 360 par convention collective sectorielle.

Note : Concrètement, le Ministre autorise la grande flexibilité dans toutes les entreprises, ce qui permettra de régulariser la situation de nombre d’entre elles.
 

  1. L’objectif de formation : l’objectif interprofessionnel en termes de formation des travailleurs est porté à 5 jours par an par équivalent temps plein, en lieu et place du montant actuel de 1,9% de la masse salariale.

Il semble que cet objectif puisse être réalisé sur plusieurs années mais, dès 2017, chaque travailleur aura déjà droit à 2 jours de formation par an.

Des mesures spécifiques seront prévues pour les PME de moins de 20 travailleurs. Les TPE de moins de 10 travailleurs ne seront, quant à elles, pas concernées parce que le Ministre considère que la formation se fait de façon informelle dans ce type d’entreprise.

Cet objectif en termes de formation pourra être concrétisé par des CCT sectorielles prévoyant une planification progressive en fonction des efforts déjà réalisés ou en introduisant dans les entreprises un « compte formation individuel » pour chaque travailleur. Le travailleur y comptabilisera le temps consacré à sa formation.

Le temps de formation sera payé. Il pourra être exécuté pendant ou en dehors des heures de travail. Il ne sera cependant pas dû de sursalaire si la formation est effectuée en dehors des heures de travail.

  1. Le télétravail occasionnel : la réglementation sera adaptée pour permettre le télétravail occasionnel. La loi sur les accidents du travail sera revue et des règlements prévoiront les formalités administratives à suivre ou, par exemple, les remboursements de frais à prévoir.

  1. Au niveau sectoriel : le « travail maniable »

  1. La durée / l’annualisation du travail : outre ce qui est prévu par le « socle », les commissions paritaires (ou, à défaut, les entreprises) pourront prendre des CCT concernant le temps de travail, sans pour autant déroger à la directive européenne en la matière. Ainsi, par exemple, lorsqu’ il existe au sein d’un secteur ou d’une entreprise des cycles de production s’étalant sur plus d’un an (par ex. la production d’un modèle automobile), il pourra être dérogé à l’annualisation du temps du travail et être convenu d’une période de maximum 6 ans pour tenir compte de ces contraintes économiques (généralisation du « plus minus conto »).

  2. Les intérimaires pourront avoir des CDI : les sociétés de travail intérimaire pourront convenir de contrats à durée indéterminée avec leurs travailleurs. Ces contrats devront prévoir, entre deux missions, une forme de rémunération qui ne soit pas du chômage économique.

  3. Les groupements d’employeurs : ce régime sera réformé afin d’en faciliter l’accès.

  4. Le temps partiel : la réglementation relative au travail à temps partiel sera simplifiée. Il s’agit d’un projet de loi qui est déjà entre les mains des partenaires sociaux.

  1. Au niveau sectoriel : le « travail faisable »

  1. L’épargne-carrière : les commissions paritaires pourront autoriser les entreprises à permettre à leurs travailleurs d’avoir une « épargne-carrière ». Les CCT prévoiront de quelle manière un travailleur pourra, de façon autonome, se constituer un capital de jours de vacances non pris ou d’heures supplémentaires à récupérer. Ce capital sera utilisé à sa convenance.

  2. Le crédit-temps et les soins palliatifs : la durée des crédits-temps pour soigner un membre de sa famille pourra être prolongée de trois mois ou celle des congés pris pour assurer des soins palliatifs d’un mois, pour autant que l’incidence soit neutre sur le plan budgétaire.

  3. Les horaires flottants : ils seront légalisés. Aujourd’hui, ils sont simplement tolérés. L’horaire flottant est celui qui permet à un travailleur d’arriver à son travail ou de le quitter à une heure qui n’est pas fixe mais qui se situe dans une fourchette.

  4. Le don de congés : pour autant qu’il soit acquis que chaque travailleur prenne au moins quatre semaines de congé par an, le don de congés à des collègues dont un enfant est gravement malade pourra être organisé par CCT sectorielle ou CCT d’entreprise, si une organisation syndicale en a fait la demande au niveau sectoriel.

  1. Qu’en penser ?

Le Ministre a initié un processus souhaité depuis longtemps.

Comme aucun document officiel n’existe encore, il reste des zones d’ombre.

Que seront le « compte carrière » ou « l’épargne carrière » ? Ces notions ne sont pas définies aujourd’hui, même si on subodore leur contenu.

Les syndicats ont annoncé qu’ils refusaient la réforme avant même d’en avoir parlé au sein du Groupe des Dix. Le projet connaîtra donc les avatars de la concertation sociale.

Mais nul doute qu’il débouchera sur un mieux pour les entreprises et leurs travailleurs.

  1. Timing

Le Ministre est conscient du fait que le Groupe des Dix devra se pencher sur les réformes qu’il propose. Il souhaite cependant aller vite en besogne. Le Conseil National du Travail a, en conséquence, été saisi et a fixé une série de dates de réunion au cours desquelles chacun des points de la réforme sera abordé. Un projet de loi devrait être débattu en Conseil des Ministres avant les vacances parlementaires et soumis au Parlement durant l’automne en manière telle qu’une nouvelle loi soit votée avant les négociations interprofessionnelles 2017-2018.

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