12/02/20

L’importance du bon emploi des langues dans le cadre des relations de travail

En vertu du décret linguistique applicable en Flandre (décret du 19 juillet 1973), les documents découlant des relations de travail non établis en néerlandais sont nuls. 

Cette sanction ne peut causer un quelconque préjudice au travailleur. L'employeur ne pourrait dès lors, par exemple, refuser au travailleur le bénéfice de conditions contractuelles prévues dans un document rédigé en anglais.

Dans l’arrêt commenté, la Cour du travail de Bruxelles exclut la possibilité, pour le travailleur, de postuler la nullité « à la carte » d’un document, en invoquant le bénéfice de clauses qui lui seraient favorables et l’écartement des clauses qui lui seraient défavorables.

1.Les faits

Une entreprise dispose d’un siège d’exploitation situé dans la périphérie bruxelloise (Flandre).

L’entreprise instaure, pour ses travailleurs, un plan bonus. Le document est rédigé en anglais exclusivement. Ce plan inclut, entre autres, une condition de présence : pour prétendre à l’octroi d’un bonus, le travailleur doit avoir été occupé dans l'entreprise durant l’intégralité d'une période de référence. 

Une travailleuse, licenciée durant cette période de référence, postule néanmoins l’octroi d’un bonus au prorata de ses prestations. 

La travailleuse soulève la nullité du plan bonus, au motif qu'il est rédigé en violation du décret linguistique précité. Dès lors que la nullité ne peut lui causer un quelconque préjudice, la travailleuse estime que la condition de présence (et uniquement celle-ci) telle que prévue dans le plan bonus doit être écartée.

2.La décision de la Cour

La Cour rappelle tout d'abord que, sauf exceptions, le décret linguistique applicable en Flandre sanctionne de nullité absolue tout document non établi en néerlandais.

Cette sanction ne peut cependant causer un préjudice au travailleur. A cet égard, la jurisprudence majoritaire considérait jusqu’à présent qu’en ce cas, le travailleur était en droit de « choisir » les clauses qui lui étaient favorables et de solliciter l’écartement des clauses défavorables (voir not. C. trav. Bruxelles, 27 janvier 2017, J.T.T., 2017, p. 191).

Dans l’arrêt commenté, la Cour du travail de Bruxelles estime qu’une telle interprétation conduirait à octroyer à la travailleuse un avantage auquel elle n’aurait pas eu droit en cas de document conforme à la réglementation linguistique. 

La Cour considère ainsi le plan bonus comme « indivisible » : des clauses qui sont liées à d’autres clauses, dans le même document, ne peuvent être isolées. Par conséquent, la travailleuse n’est pas fondée à exiger le paiement d’un bonus calculé au prorata de ses prestations.

A retenir ?

La réglementation en matière d’emploi des langues est complexe. Cette complexité découle notamment du fait que chaque région dispose d'une réglementation spécifique. En l'espèce, le décret linguistique applicable en Flandre frappe de nullité, sauf exceptions, tout document ou acte non établi en néerlandais. Cette sanction ne peut cependant causer un préjudice au travailleur. Pour autant, la sanction ne peut conduire à ce qu'un travailleur postule une nullité "choisie", en revendiquant pour un même document l'application des clauses qui lui seraient avantageuses, et l'écartement des clauses qui lui seraient défavorables.

Source : C. trav. Bruxelles, 2 juillet 2019, R.G. 2018/AB/278, www.juridat.be 

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