24/12/12

RESPONSABILITÉ DES DIRIGEANTS POUR LES DETTES FISCALES DE LA SOCIÉTÉ

Dans sa recherche de sécuriser l'encaissement de l'impôt et tenter de limiter l'effet (souvent) néfaste pour le trésor belge de se voir confronté à une situation où le dirigeant préfère privilégier le paiement de ces fournisseurs plutôt que le fisc, le législateur est intervenu dès juillet 2006 pour instaurer une responsabilité solidaire des dirigeants pour certaines dettes fiscales de l'entreprise qu'il dirige.

Depuis lors, en cas de non-paiement par une société, association ou fondation du précompte professionnel et de la TVA 2, les dirigeants sont solidairement responsables du manquement constaté. Les autres impôts (impôt des sociétés, ...) ne sont (jusqu'à présent...) pas concernés.

Si la loi vise en premier lieu la responsabilité du dirigeant chargé de la gestion journalière, et donc de l'administrateur-délégué ou du gérant, estimant, logiquement, que c'est lui qui est en charge de la gestion des paiements, elle peut être étendue aux autres dirigeants, c'est-à-dire à toute personne qui, en fait ou en droit, détient ou a détenu le pouvoir de gérer la société. Ainsi, la responsabilité de l'administrateur pourra être engagée lorsque la question du paiement des dettes du précompte professionnel ou de la TVA a, par exemple, été débattue au sein du conseil d'administration dont les délibérations ont conduit au paiement prioritaire des autres dettes que fiscales.

La responsabilité personnelle du dirigeant n'est (heureusement) pas automatique. La seule circonstance que le précompte professionnel ou la TVA est impayée ne suffit pas pour actionner la responsabilité solidaire du dirigeant. Sa mise en œuvre suppose la preuve par l'administration fiscale d'une faute commise par le dirigeant dans la gestion de la société ou de la personne morale au sens de l'article 1382 du Code civil et que le non-paiement du précompte professionnel ou de la TVA trouve sa cause dans cette faute.

Le critère généralement utilisé par la jurisprudence pour déterminer si un dirigeant a commis une faute de gestion est d'évaluer son comportement par rapport à celui d'un dirigeant normalement prudent et diligent placé dans les mêmes circonstances.

La loi considère néanmoins une série de cas comme présumés a priori fautifs. Il s'agit de l'absence répétée de paiement de l'impôt qui intervient lorsque, considéré sur une période d'un an, il y a eu non-paiement de précompte professionnel ou de la TVA d'au moins deux dettes pendant un trimestre (si la société est redevable du précompte ou soumise au régime de déclaration de la TVA sur une base trimestrielle) ou de trois dettes (sur une base mensuelle).

Il s'agit d'une présomption réfragable de sorte que le dirigeant peut prouver que l'absence répétée du non-paiement trouve sa cause dans d'autres motifs qu'une faute de gestion, par exemple, tout simplement parce que la société a été confronté à un changement d'environnement concurrentiel ou encore, comme souvent, à cause de la faillite d'un client ayant entrainé des difficultés de trésorerie.

Lorsque le non-paiement infractionnel provient de difficultés financières qui ont donné lieu à l'ouverture d'une procédure de réorganisation judiciaire, faillite ou dissolution judiciaire, la présomption de faute n'existe plus et on retombe dans le régime normal de la preuve à administrer par le fisc.

L'étendue de la responsabilité ne porte pas sur l'entièreté de la dette fiscale qui serait, le cas échéant, due par la société ou la personne morale. La responsabilité solidaire du dirigeant en matière de précompte professionnel ne peut être engagée que pour le paiement du principal et des intérêts. Les amendes et accroissements ne sont pas visés. En cas de défaut de paiement de la TVA, la responsabilité du dirigeant s'étend à la dette en principal, intérêts et frais accessoires.

Préalablement à l'introduction de la procédure judiciaire de recouvrement de l'impôt non-payé, l'administration fiscale doit envoyer, par recommandé, un avertissement invitant le dirigeant soit à remédier au manquement constaté soit à démontrer que le non-paiement n'est pas imputable à une faute commise par lui. Sans attendre l'écoulement de ce délai d'avertissement d'un mois, le receveur peut, s'il l'estime nécessaire pour sauvegarder les droits du trésor, procéder à des saisies (immobilière, mobilière, saisie-arrêt, ...) ou recourir à d'autres mesures conservatoires.

Le sort généralement réservé aux créanciers institutionnels tels le fisc ou l'ONSS, par des entreprises en difficulté et qui a conduit à l'adoption des mesures précitées, a également connu un écho en droit des sociétés, spécialement en matière d'action en comblement de passif.

Cette action permet de mettre à charge du ou des dirigeants tout ou partie du « trou » existant dans le cadre de la faillite si ces dirigeants ont commis une (des) faute(s) grave(s) et caractérisée(s) ayant contribuée(s) à la faillite.

Sachant qu'en règle, les juges estimaient que le fait de ne pas payer ces créanciers institutionnels n'était pas constitutif d'une faute grave et caractérisée sauf dans l'hypothèse où les dirigeants avaient volontairement mis en place ce mode de financement, le législateur est intervenu pour que les cas les plus graves puissent être plus facilement sanctionnés.

Ainsi, depuis une loi de 2002, toute fraude fiscale grave et organisée qui met en œuvre des mécanismes complexes ou qui use de procédés à dimension internationale (un carrousel TVA par exemple) est obligatoirement constitutive d'une faute grave et caractérisée au sens du droit des sociétés. Le dirigeant ne pourra plus se défendre que sur le plan du dommage (quel est le montant du « trou » ?) ou du « lien de causalité » (cette faute a-t-elle bien contribuée à la faillite ?).

L'activité de dirigeant n'est donc pas une activité sans risque, spécialement à l'égard des créanciers institutionnels.

1Article 442 quater CIR92  ;
2Article 93undecies, c, Code de la TVA ;

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