04/05/18

Des changements importants en ce qui concerne la responsabilité des administrateurs en cas de faillite

Le Livre XX « Insolvabilité des entreprises » du Code de droit économique (CDE) est entré en vigueur ce 1er mai 2018. Celui-ci s'applique aux procédures d'insolvabilité introduites à compter du 1er mai 2018. Un certain nombre de changements importants sont apportés en ce qui concerne la responsabilité des administrateurs en cas de faillite. Le changement majeur est sans aucun doute l’introduction d’un nouveau fondement de responsabilité pour « négligence sanctionnable » (« wrongful trading »).

Principaux changements dans le domaine de la responsabilité des administrateurs dans le cadre de l’insolvabilité

Responsabilité en cas de faute grave et caractérisée (article XX.225 CDE):

  • Les administrateurs peuvent être déclaré personnellement obligé, avec ou sans solidarité, de tout ou partie des dettes sociales à concurrence de l'insuffisance d'actif, s’il est établi qu’ils ont commis une faute grave caractérisée qui a contribué à la faillite.
  • Tant le curateur qu’un créancier lésé (sous certaines conditions) peuvent introduire une telle action. L’action en responsabilité en cas de faute grave et caractérisée s’applique à toutes les formes de sociétés, à l’exception des “petites” entreprises (chiffre d’affaire moyen inférieur à 620.000 EUR), ou lorsqu'il s'agit d'une ASBL, AISBL ou fondation qui tient une comptabilité simplifiée. Cela, en contraste avec le régime précédent de responsabilité qui ne s’appliquait qu’aux administrateurs de la SA, de la SPRL et de la SCRL.

Nouveau: Responsabilité pour « wrongful trading » (article XX.227 CDE):

  • Les administrateurs qui poursuivent une activité déficiente ou une entreprise perdue sans aucune chance d'amélioration peuvent être tenus responsables par le curateur de la faillite.
  • Ce nouveau fondement de responsabilité peut être retenu à l’égard des administrateurs, gérants, délégué à la gestion journalière, membre du comité de direction ou du conseil de surveillance, actuel ou ancien. Cette responsabilité s’applique également à toutes les autres personnes qui ont effectivement détenu le pouvoir de diriger l'entreprise (par ex. les administrateurs de faits).
  • Ces administrateurs peuvent être personnellement, conjointement ou autrement (conjointement et solidairement), à l'initiative du curateur de faillite, responsables du passif net. Ce droit d’action relève de la compétence exclusive du curateur. Les créanciers individuels ne seront donc pas en mesure d'intenter une action sur base de « wrongful trading » pour des dommages collectifs pour la masse de la faillite.

Les limitations de responsabilité dans le nouveau droit des sociétés 

Outre les changements intervenus dans le domaine de la responsabilité des administrateurs dans le cadre de l'insolvabilité, des modifications substantielles sont également prévues dans la nouvelle législation sur les sociétés. Le 20 juillet 2017, l’ « Avant-projet de loi introduisant le Code des sociétés et associations, et portant des dispositions diverses » a été approuvé par le Conseil des ministres en remplacement de l'actuel Code des sociétés et de la Loi sur les ASBL. L'une des grandes lignes de la réforme proposée sera l'introduction d'une limitation quantitative de la responsabilité au profit des dirigeants des personnes morales (le «plafond»). Le texte de l'Avant-projet est encore soumis à un vote final du parlement et devrait subir encore un certain nombre de changements.

Sur base de l’Avant-projet de loi introduisant le Code des sociétés, l’administrateur ne demeurera plus responsable indéfiniment.

La forme qui sera données à cette limitation de responsabilité n’est pas encore clairement définie, mais les principes qui sous-tendent l’Avant-projet de loi peuvent être résumés comme suit : 

  • La responsabilité de l’administrateur sera limitée à certaines limites maximales en fonction de la taille et de l’importance de la société.
  • La limitation de responsabilité s’appliquera à tous les types de responsabilité (responsabilité contractuelle et non-contractuelle, en ce compris de la responsabilité pour fautes graves caractérisées et infractions pénales), tant  à l’égard de la société que des tiers, a l’exception (i) des obligations légales de garantie, (ii) d’une responsabilité spéciale pour dettes fiscales, et (iii) en cas d’intention frauduleuse.  
  • Le plafond s’applique à tous les administrateurs réunis, pour un fait ou un ensemble de faits donnant lieu à une responsabilité (quel que soit le nombre de demandeurs/actions).
  • Les administrateurs de faits sont responsables au même titre que les administrateurs officiellement nommés.
  • L'exonération et les clauses de sauvegarde interdiront à l'entité juridique, ses filiales ou entités contrôlées de dispenser à l'avance l'administrateur, le gérant, le délégué à la gestion journalière, membre du comité de direction ou du conseil de surveillance, de toute responsabilité.  

Conclusion

Le nouveau fondement de responsabilité pour « wrongful trading » a été formulé très largement, puisqu'il s'applique dès que l’administrateur «aurait dû savoir» qu'il n'y avait manifestement pas de perspective raisonnable pour préserver l'entreprise ou ses activités et d'éviter une faillite. Dès lors, un administrateur qui a agi en toute conscience mais de façon négligente pourra être tenu responsable.  

Un administrateur devra désormais effectuer une évaluation des risques avant de décider de soit, utiliser les dernières chances de sauver son entreprise ou soit de faire cesser toutes les activités de l’entreprise. 

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